Vu 1°/ la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la cour le 14 janvier 1993 et le 1er décembre 1993, sous le n°93LY00043, présentés pour la SCI LES DUCS DE SAVOIE, dont le siège social est ..., par la société CAILLAT DAY et associés ;
La SCI LES DUCS DE SAVOIE demande à la cour :
- de réformer le jugement n°8733911 du 12 novembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a maintenu son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée pour la revente effectuée le 4 mars et le 30 juillet 1985 de locaux de l'ensemble immobilier "Le Portillo", a refusé de lui reconnaître un crédit de taxe sur la valeur ajoutée et de la décharger des pénalités d'un montant de 862 172 francs ;
- de prononcer la décharge des impositions et des pénalités contestées ou, à titre subsidiaire, de décider qu'elles seront imputées sur le crédit de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle possède pour la période concernée, après avoir, le cas échéant, ordonné une expertise sur ce point ;
Vu 2°/ le recours du ministre du budget, enregistré le 22 mars 1993, au greffe de la cour sous le n°93LY00406 ;
le ministre demande à la cour :
- d'annuler le jugement n°8835969 du 12 novembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Grenoble accordant à la SCI LES DUCS DE SAVOIE la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et d'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 1982, 1983 et 1985 ;
- de réformer le jugement n°8733911 du même jour par lequel ce tribunal a prononcé la réduction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée assigné à cette société au titre de la période du 1er janvier 1982 au 30 novembre 1985, à raison des lots de l'immeuble "Résidence Le Portillo" vendus le 11 octobre 1982 et le 15 septembre 1983 ;
- de remettre à la charge de la SCI LES DUCS DE SAVOIE les impositions et pénalités contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 janvier 1995 :
- le rapport de M. PANAZZA, président-rapporteur ;
- les observations de Me SCHRECK, avocat de la SCI Les Ducs de Savoie ;
- et les conclusions de M. BONNAUD, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le recours du ministre du budget et la requête de la société civile immobilière "LES DUCS DE SAVOIE" susvisés sont relatifs à des impositions mises à la charge de cette société à la suite d'une même vérification de comptabilité et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur l'appel du ministre du budget :
Considérant qu'aux termes de l'article 206-2 du code général des impôts : "Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont passibles de l'impôt sur les sociétés ... si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35" ; qu'aux termes de l'article 239 ter du même code : "Les dispositions de l'article 206-2 ne sont pas applicables aux sociétés civiles ... qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente ... Les sociétés civiles visées à l'alinéa précédent sont soumises au même régime que les sociétés en nom collectif effectuant les mêmes opérations ..." ; qu'en vertu de ces dispositions, les sociétés civiles dont l'objet social est la construction d'immeubles en vue de la vente et dont l'activité ne s'écarte pas de cet objet social ne peuvent, à moins d'une option de leur part pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, être soumises à l'impôt sur les sociétés ;
Considérant que la société civile immobilière "LES DUCS DE SAVOIE", constituée en vue de la construction d'immeubles et de leur vente, s'est placée sous le régime défini à l'article 239 ter précité ; qu'il résulte de l'instruction qu'elle a vendu, en 1980, divers lots à un acquéreur qui n'a pas acquitté le solde convenu ; qu'elle a obtenu de l'autorité judiciaire la saisie immobilière et la vente par adjudication de ces biens ; qu'elle s'est portée acquéreur des lots vendus ; que les immeubles ont ensuite été revendus, en 1982 et 1983, à deux sociétés ; que, dans ces circonstances, la société civile immobilière "LES DUCS DE SAVOIE", contrainte de récupérer les lots impayés, ne peut être regardée comme s'étant écartée de son objet social, en procédant au rachat puis à la revente de biens qu'elle avait antérieurement cédés en conformité avec ledit objet social ; que, par suite, ces opérations n'ont pas eu pour effet de lui faire perdre le bénéfice du régime d'imposition prévu par l'article 239 ter susvisé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du budget n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge de l'impôt sur les sociétés, de l'imposition forfaitaire annuelle et de la taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société civile immobilière "LES DUCS DE SAVOIE" avait été assujettie à raison desdites opérations ;
Sur l'appel de la société civile immobilière LES DUCS DE SAVOIE :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 257-7°-2 du code général des impôts que les opérations concourant à la livraison d'immeubles ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elles portent sur des immeubles ou parties d'immeubles achevés depuis plus de 5 ans ;
Considérant que la société civile immobilière "LES DUCS DE SAVOIE" a vendu le 4 mars et le 30 juillet 1985 divers lots de l'ensemble immobilier "Résidence Le Portillo" à VAL-THORENS ; qu'il est constant que l'acte de vente mentionne le 25 janvier 1981 comme date d'achèvement des locaux vendus ; qu'il résulte de l'instruction que la résidence a fait l'objet d'une réalisation par tranches successives ; qu'ainsi, aucun des éléments produits par la requérante n'est de nature à établir que les parties d'immeubles dont relevaient les lots vendus auraient été achevées antérieurement à la date portée sur l'acte de vente ; qu'en tout état de cause, la société ne saurait se prévaloir de l'opinion émise par le service du cadastre sur la date effective d'achèvement des travaux au regard de l'assujettissement des locaux à la taxe foncière ; que, par suite, elle était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée à raison des ventes susmentionnées ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts : "I. Les entreprises doivent mentionner le montant de la taxe dont la déduction leur est ouverte sur les déclarations qu'elles déposent pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette mention doit figurer sur la déclaration afférente au mois qui est désigné aux articles 208 et 217. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de l'année qui suit celle de l'omission" ; qu'il résulte de ces dispositions que la taxe déductible dont la mention n'a pas figuré sur la déclaration afférente au mois qui est désigné aux articles 208 et 217, cesse d'être déductible si elle ne fait pas l'objet d'une inscription distincte sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de l'année mentionnée par les dispositions précitées ;
Considérant que la société civile immobilière "LES DUCS DE SAVOIE", qui ne justifie pas davantage devant la cour que devant le juge de première instance, avoir satisfait aux exigences des dispositions susmentionnées, et qui se borne à demander une mesure d'expertise à laquelle il ne saurait être fait droit eu égard au caractère frustratoire qu'elle revêtirait en l'espèce, n'est pas fondée à prétendre qu'elle devrait bénéficier d'un montant de taxe déductible de 400 110,44 francs ;
Considérant que la circonstance que l'avis de mise en recouvrement individuel du 19 novembre 1986 rapporte par erreur les pénalités, d'un montant de 862 172 francs, à l'exercice 1984 au lieu de l'exercice 1985, est sans influence sur sa régularité, alors surtout que cet avis se réfère à la notification de redressements du 5 juin 1986, laquelle renseignait exactement le redevable sur l'exercice en cause ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société civile immobilière LES DUCS DE SAVOIE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de ses conclusions ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner l'Etat à verser à la société civile immobilière LES DUCS DE SAVOIE une somme de 30 000 francs en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : Le recours du ministre du budget et la requête de la société civile immobilière LES DUCS DE SAVOIE sont rejetés.