Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés au greffe de la cour les 17 janvier et 8 février 1994, présentés par Mme Claude Y..., demeurant ... ;
Mme Y... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 25 octobre 1993 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision administrative qui a prononcé son exclusion du bénéfice du revenu de remplacement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de condamner la Direction départementale du Travail et de l'Emploi des Bouches-du-Rhône à lui verser une indemnité de 20 000 francs pour préjudice moral, à majorer des frais liés à l'aggravation de son état de santé, ainsi qu'une somme de 6 000 francs au titre des frais d'instance ;
4°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code du travail ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 janvier 1995 :
- le rapport de Mme HAELVOET, conseiller ; - les observations de Me GRANJON, avocat de Mme Y... ; - et les conclusions de M. COURTIAL, commissaire du gouvernement ;
Considérant que dans le dernier état de ses conclusions Mme Y... se borne à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 22 septembre 1992 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté son recours gracieux contre une précédente décision du 9 avril 1992 prononçant son exclusion définitive du bénéfice du revenu de remplacement prévu par les dispositions de l'article L. 351-1 du code du travail à partir du 5 juin 1990 ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 351-1 du code du travail : "En complément des mesures tendant à faciliter leur reclassement ou leur conversion, les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement dans les conditions fixées au présent chapitre" ; que selon l'article L. 315-17 du même code : "Le droit au revenu de remplacement s'éteint lorsque, sans motif légitime, le bénéficiaire de ce revenu refuse d'accepter un emploi, de suivre une formation ... ou de répondre aux convocations des services ou organismes compétents. Il en est de même en cas de fraude ou de fausse déclaration. Les sommes indûment perçues donnent lieu à répétition" ; qu'enfin, l'article R. 351-28 du code précité dispose : "Sont, en outre, exclus du bénéfice du revenu de remplacement mentionné par l'article L. 351-1 : ... 5° les travailleurs qui, sciemment, ont fait des déclarations inexactes, présenté des attestations mensongères ou touché indûment le revenu de remplacement prévu à l'article L. 351-1" ;
Considérant que, dans le cadre d'une enquête diligentée par la gendarmerie d'Eguilles, alertée par les plaintes déposées par plusieurs salariés qui venaient d'être licenciés de l'entreprise exploitée par M. X..., celui-ci a déclaré notamment que Mme Y... intervenait dans la comptabilité de la société et contrôlait parfois des animateurs dans les magasins et qu'il lui remettait, en contrepartie, des fonds prélevés sur la trésorerie sociale, en particulier sous forme de remboursements de frais ; que, lors de son audition, cette dernière a confirmé les propos ainsi tenus par M. X... avec lequel elle vivait alors en concubinage ; qu'informée de ces déclarations, la Direction départementale du travail et de l'emploi des Bouches-du-Rhône a décidé d'exclure Mme Y... du bénéfice du revenu de remplacement visé par l'article L. 351-1 précité ;
Considérant, d'une part, qu'en l'absence de tout élément précis fourni par l'administration quant aux conditions dans lesquelles Mme Y... aurait été recrutée par la société et exercé un emploi salarié non déclaré, les pièces du dossier ne permettent pas d'affirmer que cette dernière était rattachée au dirigeant de l'entreprise par un lien de subordination caractéristique d'une activité salariée ;
Considérant, d'autre part, que les qualifications professionnelles de la requérante et la fragilité de son état de santé ne sauraient davantage conduire à prétendre qu'elle exerçait, au sein de cette entreprise d'une soixantaine de salariés, dont la comptabilité était tenue par un comptable salarié et par un cabinet spécialisé et qui employait, notamment, plusieurs contrôleurs des ventes, une véritable activité professionnelle, sans que puissent lui être opposées ses propres déclarations, ni celles de M. X..., lesquelles, formulées exclusivement dans le cadre d'un différend qui opposait le dirigeant à d'anciens salariés, ont pu, comme le soutient Mme Y..., être inspirées par des motifs étrangers à sa situation réelle ; qu'ainsi, cette dernière ne saurait être regardée comme ayant procédé à de fausses déclarations ou perçu indûment le revenu de remplacement, au sens des articles L. 315-17 et R. 351-28 susvisés ; que, par suite, elle ne pouvait être exclue du bénéfice du régime instauré par l'article L. 351-1 précité ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que le bien-fondé de ces conclusions doit être apprécié au regard des dispositions applicables à la date du présent arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de Mme Y... ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Y... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de MARSEILLE a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du Préfet des Bouches-du-Rhône en date du 22 septembre 1992 ;
Article 1er : La décision du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 22 septembre 1992 est annulée.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 25 octobre 1993 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Y... est rejeté.