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20/12/1994 | FRANCE | N°93LY01300

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 20 décembre 1994, 93LY01300


Vu, la requête, enregistrée au greffe de la cour le 25 août 1993, présentée pour :
- Mme Jacqueline X..., demeurant à La Baume Castellane (04120) ;
- M. Frédéric X..., demeurant à la Baume Castellane (04120) ;
- M. Pascal Y..., demeurant à La Baume Castellane (04120) ;
- et l'Association interdépartementale et intercommunale pour la protection de la retenue de Fontaine L'évêque dit Lac de Sainte-Croix et son environnement, des lacs et sites du Verdon et de leurs environnements, dont le siège est situé à Les Salles-sur-Verdon, Aups (83630), représentée par son

président en exercice, par Me Cohen-Seat, avocat ;
Les requérants demandent ...

Vu, la requête, enregistrée au greffe de la cour le 25 août 1993, présentée pour :
- Mme Jacqueline X..., demeurant à La Baume Castellane (04120) ;
- M. Frédéric X..., demeurant à la Baume Castellane (04120) ;
- M. Pascal Y..., demeurant à La Baume Castellane (04120) ;
- et l'Association interdépartementale et intercommunale pour la protection de la retenue de Fontaine L'évêque dit Lac de Sainte-Croix et son environnement, des lacs et sites du Verdon et de leurs environnements, dont le siège est situé à Les Salles-sur-Verdon, Aups (83630), représentée par son président en exercice, par Me Cohen-Seat, avocat ;
Les requérants demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 24 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 avril 1992 par lequel le maire de la commune de Castellane a accordé un permis de construire à l'Association Cultuelle du Temple Pyramide ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de condamner la commune de Castellane et l'Association Cultuelle du Temple Pyramide à leur verser une somme de 50 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 1994 :
- le rapport de Mme Haelvoet, conseiller ;
- les observations de Me Cohen-Seat, avocat de M. et Mme Frédéric X..., de M. Y... et de l'Association pour la protection de la retenue de Fontaine l'Evèque et de ses environs ;
- et les conclusions de M. Courtial, commissaire du gouvernement ;

Sur le jugement attaqué :
Considérant qu'en décidant que l'absence d'indication du délai de recours modifié, sur le panneau d'affichage du permis de construire en litige, n'entachait pas d'irrégularité ledit affichage, dès lors que le ministre chargé de l'urbanisme, auteur de la prescription, avait ce faisant excédé sa compétence, les premiers juges ont répondu au moyen exprimé par les demandeurs ; qu'ainsi, il ne peut être soutenu que le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'auraient été méconnues les dispositions de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article R.490-7 du code de l'urbanisme, "Le délai de recours contentieux à l'encontre d'un permis de construire court à l'égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates suivantes : a) Le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées selon le cas au premier ou au deuxième alinéa de l'article R.421-39 ; b) Le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage en mairie des pièces mentionnées au troisième alinéa de l'article R.421-39." ; que selon l'article R.421-39 du même code : "Mention du permis de construire doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de la décision d'octroi et pendant toute la durée du chantier ... Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle les formes de l'affichage et fixe la liste des pièces du dossier dont tout intéressé peut prendre connaissance." ; que l'article A.421-7 dudit code, pris pour l'application de ces dispositions, prévoit que "l'affichage du permis de construire sur le terrain est assuré par les soins du bénéficiaire du permis de construire sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres. Ce panneau indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale dudit bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature des travaux et, s'il y a lieu, la superficie du terrain, la superficie du plancher autorisée, ainsi que la hauteur de la construction exprimée en mètres par rapport au sol naturel et l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté ... Ces renseignements doivent demeurer lisibles de la voie publique pendant toute la durée du chantier." ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de visite des lieux à laquelle il a été procédé par les premiers juges le 26 avril 1993, que les seules mentions du panneau d'affichage, lisibles de la voie publique, étaient les suivantes : "L'ACTP" - "16 avril 1992" - "Edifier un temple" - "Castellane 04" ; qu'en particulier n'était pas lisible de la voie la mention de la hauteur et de la surface des constructions prévues ; que ces mentions étaient nécessaires s'agissant de volumes nouveaux, alors au surplus qu'en l'espèce la construction projetée avait une surface de plancher hors oeuvre de 4 830 m2 et une hauteur de 32 m ; que la circonstance qu'il suffisait de s'avancer de quelques mètres sur le chemin situé en contrebas du panneau, dont au demeurant les dimensions, soit 76 centimètres sur 63 centimètres, étaient inférieures à celles fixées par l'article A. 421-7 du code susvisé, pour pouvoir lire l'ensemble des mentions, regroupées sur une partie seulement du panonceau, ne saurait pallier cette insuffisance de lisibilité, dès lors que l'article R.421-39 précité exige que l'affichage soit visible de l'extérieur ; qu'ainsi, l'affichage sur le terrain ne pouvant être tenu pour régulier, le délai du recours contentieux, visé par l'article R.490-7 du code déjà cité, n'a pu courir à l'égard des tiers ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des pièces du dossier que, par lettre datée du 12 août 1992, l'association requérante a demandé au maire de retirer l'arrêté en litige ; qu'en admettant qu'elle puisse être ainsi regardée comme ayant eu connaissance au plus tôt à cette date du permis en cause, dans des conditions lui permettant de l'identifier utilement et donc de faire courir le délai du recours contentieux, cette circonstance est sans incidence en l'espèce, dès lors que la demande a été enregistrée par le tribunal administratif le 5 octobre 1992, soit avant l'expiration dudit délai ;
Considérant, en troisième lieu, qu'à la date à laquelle ladite demande a été enregistrée par le tribunal administratif de Marseille, M. et Mme X... demeuraient à 300 mètres "à vol d'oiseau", ainsi que le précise un constat d'huissier du 2 novembre 1992, de la construction projetée ; que, compte tenu notamment de l'importance de l'immeuble autorisé par l'arrêté attaqué, ils justifiaient d'un intérêt suffisant pour demander l'annulation de cet arrêté ; que, dans ces conditions, le défaut d'intérêt de M. Y... et de l'Association ci-dessus désignée, à le supposer établi, est indifférent à la recevabilité ou au bien-fondé des conclusions en annulation de la demande ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé que l'affichage du permis sur le terrain avait fait courir, à l'égard des tiers, le délai du recours contentieux et, pour ce motif, a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande ; qu'ainsi le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 24 juin 1993 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme X..., M. Y... et l'Association interdépartementale et intercommunale pour la protection de la retenue de Fontaine l'Evêque dit Lac de Sainte-Croix et de son environnement, des lacs et sites du Verdon et de leurs environnements, devant le tribunal administratif de Marseille ;
Au fond :
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la demande :
Considérant qu'aux termes de l'article L.123-1 du code de l'urbanisme : "Les plans d'occupation des sols fixent ... les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire" et que selon l'article R.123-21 du même code : "Le règlement fixe les règles applicables aux terrains compris dans les diverses zones du territoire couvertes par le plan. 1° A cette fin, il doit : a) Déterminer l'affectation dominante des sols par zones ... en précisant l'usage principal qui peut en être fait et, s'il y a lieu, la nature des activités qui peuvent y être interdites ou soumises à des conditions particulières ... ainsi que les divers modes d'occupation du sol qui font l'objet d'une réglementation ; b) Edicter, en fonction des situations locales, les prescriptions relatives à l'implantation des constructions par rapport aux voies, aux limites séparatives et aux autres constructions." ;
Considérant que, si aucune disposition législative ou réglementaire ne les obligent à se doter d'un plan d'occupation des sols, les communes sont tenues dès lors qu'elles décident d'adopter un tel document d'urbanisme pour tout ou partie du territoire communal, d'épuiser leur compétence en édictant des prescriptions répondant aux exigences des articles L.123-1 et R.123-21 précités du code de l'urbanisme ; que, dans le cas où elles décident, comme elles le peuvent, d'apporter des exceptions aux règles ainsi édictées, la mise en jeu de ces exceptions doit être également subordonnée à l'édiction de prescriptions spécifiques répondant aux exigences de ces mêmes articles ;
Considérant que selon l'article 4 b du règlement du plan d'occupation des sols applicable sur le territoire de la commune de Castellane, "peuvent être autorisées les constructions ou installations de caractère exceptionnel ou conformes à l'intérêt général de nature telle que les dispositions du présent règlement seraient inadaptées à leur cas" ; qu'en écartant ainsi, pour les projets qu'il vise, l'ensemble des règles édictées par le plan, sans leur substituer des dispositions spécifiques et, par là même, sans les soumettre au cadre normatif minimum que tout plan d'occupation des sols doit comporter, l'article 4 b, qui méconnaît les dispositions impératives susvisées des article L.123-1 et R.123-21, est illégal ;

Considérant que l'article premier de l'arrêté attaqué prévoit que : "Le permis de construire est accordé pour le projet décrit dans la demande susvisée, en application des dispositions de l'article 4 b du règlement du plan d'occupation des sols (construction à caractère exceptionnel), compte tenu de l'inadaptation du projet aux articles NB1, NB10 et NB11 du règlement et sous les réserves énoncées ci-après." ; qu'ainsi le permis de construire en litige n'a pu être délivré qu'à la faveur de la disposition illégale de l'article 4 b susvisé ; qu'il doit, par suite, être annulé par voie de conséquence de cette illégalité ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article R.88 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que la possibilité ouverte par l'article R.88 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel d'infliger une amende à l'auteur d'une requête abusive relève du pouvoir propre du juge administratif ; que, dès lors, les conclusions présentées en ce sens par les défendeurs sont irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant, d'une part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner la commune de Castellane et l'Association Cultuelle du Temple Pyramide à payer aux demandeurs la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L.8-1 précité font obstacle à ce que les demandeurs, qui ne sont pas la partie perdante, soient condamnés à payer aux défendeurs la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 24 juin 1993 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du maire de la commune de Castellane en date du 16 avril 1992 est annulé.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Castellane et de l'Association Cultuelle du Temple Pyramide tendant à la condamnation des demandeurs sur le fondement des articles L.8-1 et R.88 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions des demandeurs tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93LY01300
Date de la décision : 20/12/1994
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - LEGALITE DES PLANS - LEGALITE INTERNE - PRESCRIPTIONS POUVANT LEGALEMENT FIGURER DANS UN P - O - S - Absence - Dispositions se bornant à écarter pour certaines constructions ou installations l'ensemble des règles du plan (1).

68-01-01-01-03-01, 68-01-01-02-03 Si aucune disposition législative ou réglementaire ne les obligent à se doter d'un plan d'occupation des sols, les communes sont tenues dès lors qu'elles décident d'adopter un tel document d'urbanisme pour tout ou partie du territoire communal, d'épuiser leur compétence en édictant des prescriptions répondant aux exigences des articles L. 123-1 et R. 123-21 du code de l'urbanisme. Dans le cas où elles décident, comme elles le peuvent, d'apporter des exceptions aux règles ainsi édictées, la mise en jeu de ces exceptions doit être également subordonnée à l'édiction de prescriptions spécifiques répondant aux exigences de ces mêmes articles.

- RJ1 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - APPLICATION DES REGLES FIXEES PAR LES P - O - S - DEROGATIONS - Disposition dérogatoire se bornant à écarter pour certaines constructions ou installations l'ensemble des règles du plan - Illégalité (1).


Références :

Code de l'urbanisme R490-7, R421-39, A421-7, L123-1, R123-21, 4, L8-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R153-1, R88, L8-1

1.

Rappr. CE, 1990-01-30, Epoux Letort, T. p. 1032


Composition du Tribunal
Président : M. Guihal
Rapporteur ?: Mme Haelvoet
Rapporteur public ?: M. Courtial

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1994-12-20;93ly01300 ?
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