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26/10/1994 | FRANCE | N°93LY00605

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4e chambre, 26 octobre 1994, 93LY00605


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 26 avril 1993, présentée par la SARL Régie dauphinoise - Cabinet A. Forest dont le siège est situé ... ;
La société demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 24 février 1993 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée pour la période du 1er juillet 1983 au 30 juin 1986 par avis de recouvrement n° 87-6933 H du 7 août 1987 et de la taxe sur les salaires correspondante ;
2°) de prononcer la déch

arge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la 6ème ...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 26 avril 1993, présentée par la SARL Régie dauphinoise - Cabinet A. Forest dont le siège est situé ... ;
La société demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 24 février 1993 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée pour la période du 1er juillet 1983 au 30 juin 1986 par avis de recouvrement n° 87-6933 H du 7 août 1987 et de la taxe sur les salaires correspondante ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la 6ème directive des communautés européennes ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 octobre 1994 :
- le rapport de M. Millet, conseiller ;
- et les conclusions de M. Bonnaud, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SARL Régie Dauphinoise Cabinet A. Forest, qui exerce principalement l'activité de régie d'immeubles et accessoirement celle de transactions immobilières, détient à ce titre des avances de fond, qui lui sont confiés par les copropriétaires et les locataires, qu'elle place pour son propre compte auprès d'organismes financiers ; qu'elle a déduit de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable au titre de la période du 1er juillet 1983 au 30 juin 1986 la totalité de celle qui a grevé ses acquisitions de biens et services ; que l'administration, considérant que les produits financiers tirés de ces placements étaient exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions de l'article 261 C 1er c du code général des impôts a, d'une part, fait application pour chaque exercice du prorata de déduction prévue à l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts et, d'autre part, assujetti la société à la taxe sur les salaires ;
En ce qui concerne la taxe sur les salaires :
Considérant qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 18-I de la loi n° 93-1353 du 30 décembre 1993 portant loi de finances rectificative pour 1993 : "1. Les sommes payées à titre de traitements, salaires, indemnités et émoluments, y compris la valeur des avantages en nature, sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, à la charge des personnes ou organismes, à l'exception des collectivités locales et de leurs groupements, des services départementaux de lutte contre l'incendie, des bureaux d'aide sociale dotés d'une personnalité propre lorsqu'ils sont subventionnés par les collectivités locales, du centre de formation des personnels communaux et des caisses des écoles, qui paient des traitements, salaires, indemnités et émoluments lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 % au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée" ; et qu'aux termes de l'article 18-II de la même loi : "Les dispositions du I ont un caractère interprétatif et s'appliquent aux instances en cours sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée" ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, qui ont un caractère rétroactif par la volonté du législateur , que la circonstance que la société pourrait pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée déductible des années civiles précédant celles du paiement des rémunérations assujetties à la taxe sur les salaires litigieuse, bénéficier d'un prorata de 100 %, est sans incidence sur la détermination du rapport prévu à l'article 231.1 du code général des impôts, lequel doit tenir compte, notamment, tant au numérateur qu'au dénominateur, des produits financiers qu'elle perçoit ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
S'agissant de l'existence de secteurs distincts :
Considérant que la société se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales de l'instruction administrative du 18 février 1981 selon laquelle les recettes relatives aux opérations financières et notamment les produits de placement, lorsque leur montant excède 5 % des recettes totales de l'entreprise, peuvent être considérés comme relevant d'un secteur distinct d'activité lorsque l'entreprise se soumet à l'ensemble des obligations résultant de la constitution de secteurs distincts ;
Considérant que si la société requérante dont les produits de placement ont représenté 14 % de ses recettes totales au cours de la période litigieuse, soutient qu'elle n'affecte aucun moyen en personnel et matériel à cette activité dont la gestion serait assurée par les services bancaires, il est constant que, notamment, la négociation du contrat de placement, l'emploi des fonds et la comptabilisation des opérations nécessitent l'affectation d'une partie des moyens de l'entreprise à ces opérations financières ; que, par suite, en ne retraçant pas dans ses comptes, comme l'exigent les dispositions de l'article 213 de l'annexe II au code général des impôts, la répartition des biens et services par activité, la société ne peut être regardée comme s'étant soumise à l'ensemble des obligations imposées pour la constitution de secteurs distincts ; qu'elle se prévaut, dès lors, en vain, d'une instruction administrative dont elle ne remplit pas les conditions ;
S'agissant de l'application de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts :
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : "1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ..." ; que l'article 273 du même code, issu du même article de la même loi, dispose : "1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. Ils fixent notamment : ...les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite ..." ;

Considérant que la société requérante soutient que les dispositions de l'article 212 du code général des impôts prises en application de l'article 273-1 précité, telles que les interprète l'administration fiscale, ne transposent pas correctement l'article 19 de la 6e directive du conseil des communautés européennes en date du 17 mai 1977 ; qu'à cet effet, elle fait valoir, d'une part, que ne peuvent être retenues dans le calcul du prorata que les opérations qui entrent dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée à l'exclusion des produits des placements de trésorerie qui ne correspondent pas à une opération économique ; que, d'autre part, il doit être fait abstraction, selon l'article 19-2 de la directive susindiquée, pour le calcul du prorata, du montant du chiffre d'affaires afférent aux produits accessoires financiers ; qu'ainsi, en considérant que le dénominateur du prorata devait comprendre le montant annuel des recettes afférentes à l'ensemble des opérations qu'elle a réalisées, l'administration restreint illégalement le droit à déduction ;
Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la sixième directive : "1. Le prorata de déduction prévu par l'article 17, paragraphe 5, premier alinéa, résulte d'une fraction comportant :
- au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction conformément à l'article 17, paragraphe 2 et 3. - au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction ... 2. Par dérogation au paragraphe 1, ... il est fait abstraction, pour le calcul du prorata de déduction, ... du montant du chiffre d'affaires afférent aux opérations accessoires immobilières ou financières ... ..."; et qu'aux termes de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts dans sa rédaction résultant de l'article 7 du décret n° 79-1163 du 29 décembre 1979 :"Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations égale au montant de cette taxe multipliée par le rapport existant entre le montant annuel des recettes afférentes à des opérations ouvrant droit à déduction et le montant annuel des recettes afférentes à l'ensemble des opérations réalisées ..." ;

Considérant qu'il est nécessaire à la solution du litige de rechercher si l'interprétation donnée par l'administration de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts est ou non fondée au regard de la sixième directive et, à cette fin, de déterminer si :
- premièrement, eu égard à la rédaction qui leur a été donnée, les dispositions susmentionnées de l'article 19 de la sixième directive doivent être interprétées en ce sens que lorsqu'une entreprise assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, qui perçoit également des produits financiers en rémunération du placement d'excédents de trésorerie, exerce son droit à déduction, lesdites opérations de placement doivent en principe, eu égard à leur nature au regard du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, affecter ou non l'exercice de ce droit ;
- deuxièmement, dans l'hypothèse d'une affectation du droit à déduction, si les produits financiers sont à comprendre au dénominateur du prorata, ou à exclure de celui-ci en raison de leur nature ou au titre "d'opérations accessoires financières" visées par le paragraphe 2 de l'article 19 de la sixième directive, compte tenu de leur montant ou de leur proportion dans les recettes totales ou encore de la circonstance que les opérations en cause constituent un prolongement direct et permanent de l'activité taxable ou, enfin, à tout autre titre ;
Considérant que cette question d'interprétation de l'article 19 de la sixième directive soulève une difficulté d'interprétation sérieuse ; que, par suite, et en application de l'article 177 du traité instituant la communauté économique européenne il y a lieu d'en saisir, à titre préjudiciel, la cour de justice des communautés européennes et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur les conclusions de la requête de la SARL Régie dauphinoise - Cabinet A. Forest sur lesquelles il n'est pas expressément statué ;
Article 1er : Les conclusions de la requête de la SARL Régie dauphinoise - Cabinet A. Forest relatives à la taxe sur les salaires sont rejetées.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur les autres conclusions de la requête de la SARL Régie dauphinoise - Cabinet A. Forest jusqu'à ce que la cour de justice des communautés européennes se soit prononcée sur la question préjudicielle énoncée dans les motifs du présent arrêt.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 93LY00605
Date de la décision : 26/10/1994
Sens de l'arrêt : Rejet sursis à statuer
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 COMMUNAUTES EUROPEENNES - APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANCAIS - RENVOI PREJUDICIEL A LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES - Interprétation de dispositions des directives - 6ème directive TVA - Exercice du droit à déduction d'une entreprise qui n'est pas assujettie à la taxe pour l'ensemble de ses activités (1).

15-03-02, 15-05-11-01, 19-06-02-08-03-03 Les produits de placement de trésorerie perçus par une entreprise exerçant principalement l'activité de régie d'immeubles doivent-ils être pris en compte pour la détermination du prorata de taxe sur la valeur ajoutée ? Compte tenu de la difficulté résultant de l'interprétation que donne l'administration de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts au regard de l'article 19 de la 6ème directive TVA du 17 mai 1977, la Cour de justice des Communautés européennes est saisie à titre préjudiciel de la question de savoir : - si ces produits doivent, au regard du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, affecter ou non l'exercice du droit à déduction ; - dans l'affirmative, s'ils doivent être portés au dénominateur du prorata, ou en être exclus, notamment au titre des "opérations accessoires financières" visées au 2 de l'article 19 de la directive.

- RJ1 COMMUNAUTES EUROPEENNES - REGLES APPLICABLES - FISCALITE - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - Entreprises qui ne sont pas assujetties à la taxe pour l'ensemble de leurs activités - Prorata de déduction - Prise en compte de produits de placement de trésorerie (1) - Question préjudicielle posée à la Cour de justice des Communautés européennes.

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DEDUCTIONS - CAS DES ENTREPRISES QUI N'ACQUITTENT PAS LA TVA SUR LA TOTALITE DE LEURS AFFAIRES - Calcul du prorata de déduction - Recettes à prendre en compte - Prise en compte de produits de placement de trésorerie (1) - Question préjudicielle posée à la C - J - C - E.


Références :

CEE Directice TVA du 17 mai 1977 art. 19
CGI 261 C, 231, 271, 273
CGI Livre des procédures fiscales L80
CGIAN2 212, 213
Décret 79-1163 du 29 décembre 1979 art. 7
Loi 93-1353 du 30 décembre 1993 art. 18 Finances rectificative pour 1993
Traité du 25 mars 1957 Rome art. 177

1.

Rappr. CE, 1994-03-18, Société Sofitam ex Satam, p. 144


Composition du Tribunal
Président : M. Megier
Rapporteur ?: M. Millet
Rapporteur public ?: M. Bonnaud

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1994-10-26;93ly00605 ?
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