Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 août 1993, présentée pour M. A..., demeurant à SERRA DI FIUMORBU, GHISONACCIA (20240) par Me X..., avocat ;
M. A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 juin 1993, par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à ce que la compagnie méditerranéenne d'exploitation des services des eaux et le syndicat intercommunal de la plaine de Fium'Orbu soient déclarés responsables des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime le 8 mai 1989 à Serra Z... Fiumorbu au lieu-dit "Acqua citoza" ;
2°) d'ordonner une expertise aux fins de déterminer l'étendue du préjudice subi ;
3°) de condamner la compagnie méditerranéenne d'exploitation des services des eaux et le syndicat intercommunal de la plaine de Fium'Orbu à lui verser la somme de 5 000 francs à titre de provision ;
4°) de condamner la compagnie Assurances Générales de France à garantir la compagnie méditerranéenne d'exploitation des services des eaux de la condamnation qui sera prononcée contre elle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 1994 :
- le rapport de M. RIQUIN, conseiller ;
- les observations de Me Y... substituant la SCP VERNE BORDET PERRIER, avocat de la compagnie méditerranéenne d'exploitation des services des eaux et des assurances générales de France. - et les conclusions de M. CHANEL, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 11 juin 1993, par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa requête tendant à ce que la compagnie méditerranéenne d'exploitation des services des eaux et le syndicat intercommunal de la plaine de Fium'Orbu soient déclarés responsables des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime le 8 mai 1989 à Serra Z... Fiumorbu, au lieu-dit "Acqua citoza" ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'en première instance, M. A... a indiqué au tribunal qu'il a la qualité de fonctionnaire ; qu'en méconnaissance des prescriptions de l'ordonnance du 7 janvier 1959, l'Etat en tant qu'employeur public de M. A... n'a pas été mis en cause ; qu'il y a lieu de soulever d'office l'irrégularité du jugement, qui doit dès lors être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la requête de M. A... ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que M. A... impute la chute dont il a été victime à la présence d'un tuyau d'adduction d'eau potable, destiné à la desserte provisoire d'une habitation qui traversait en biais la route sur laquelle il circulait à bicyclette ; que le litige qui l'oppose à la compagnie méditerranéenne d'exploitation des services des eaux, concessionnaire du réseau public de distribution d'eau, est en conséquence relatif à un dommage causé par la présence d'un ouvrage public ; que dès lors la compagnie n'est pas fondée à soutenir que la juridiction administrative n'est pas compétente pour en connaître ;
Sur la responsabilité de la compagnie méditerranéenne d'exploitation des services des eaux :
Considérant que la narration que M. A... fait des circonstances de l'accident dont il a été victime est corroborée par le témoignage d'un voisin, et par le constat d'huissier dressé en août 1989 qui établit la présence et le caractère dangereux de ce tuyau pour la circulation des deux-roues ; que dans ces conditions, le lien de causalité entre la chute dont a été victime M. A... et l'ouvrage incriminé doit être regardé comme établi ; que la responsabilité de la compagnie méditerranéenne d'exploitation des services des eaux, en sa qualité de maître de l'ouvrage, est engagée de ce fait à l'égard de M. A..., qui avait la qualité de tiers par rapport au tuyau en question dès lors que celui-ci n'était pas incorporé à la voie publique ; que le requérant est en conséquence fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal a rejeté sa demande au motif que l'obstacle que constituait le tuyau ne révélait pas un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ; que toutefois, en ne prenant pas les précautions nécessaires au franchissement de cet obstacle pourtant parfaitement visible sur la chaussée au moment de l'accident, le requérant a commis une faute justifiant que soit laissée à sa charge la moitié des conséquences dommageables de l'accident ;
Sur la responsabilité du syndicat intercommunal de la plaine de Fium'Orbu :
Considérant qu'il est constant que le réseau de distribution d'eau potable a été concédé par voie d'affermage par le syndicat intercommunal de la plaine de Fium'Orbu à la compagnie méditerranéenne d'exploitation des services des eaux ; qu'exception faite du cas où le concessionnaire serait insolvable, la responsabilité du concédant ne peut être engagée à l'occasion d'un dommage causé par un ouvrage dépendant du réseau concédé ; que l'insolvabilité de la compagnie méditerranéenne d'exploitation des services des eaux n'est pas alléguée ; que par suite les conclusions dirigées par M. A... à l'encontre du syndicat intercommunal de la plaine de Fium'Orbu doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la compagnie méditerranéenne d'exploitation des services des eaux doit être condamnée à réparer la moitié des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime M. A... ;
Sur le préjudice :
Considérant que l'état du dossier ne permet pas de déterminer le montant du préjudice subi par M. A... ; que, par suite, il y a lieu, avant de statuer sur sa demande d'indemnité, d'ordonner une expertise médicale en vue de déterminer la date de consolidation des blessures, le taux d'IPP et d'ITP, et de réunir les éléments permettant d'apprécier le préjudice esthétique et les souffrances physiques de l'intéressé ;
Sur les conclusions de M. A..., tendant à l'allocation d'une provision de 5 000 francs :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la compagnie méditerranéenne d'exploitation des services des eaux à verser à M. A... une provision de 5 000 francs ;
Sur les conclusions tendant à ce que la compagnie assurances générales de France soit condamnée à garantir la compagnie méditerranéenne d'exploitation des services des eaux des condamnations qui seront prononcées à son encontre :
Considérant que ces conclusions, fondées sur les stipulations d'un contrat de droit privé, ne relèvent pas de la juridiction administrative ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 11 juin 1993 est annulé.
Article 2 : La compagnie méditerranéenne d'exploitation des services des eaux est condamnée à réparer la moitié des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime M. A....
Article 3 : Avant de statuer sur le montant de l'indemnité due à M. A..., et le cas échéant à l'Etat, il sera procédé à une expertise aux fins pour l'expert après avoir décrit les blessures dont le requérant a été victime :
- de déterminer : . la date de leur consolidation, . le taux de l'ITP et sa durée, . le taux de l'IPP,
- de donner son avis : . sur les souffrances physiques qu'a endurées M. A..., . éventuellement sur son préjudice esthétique et son préjudice d'agrément spécifique.
Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R.159 à R.170 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en présence de M. A..., de l'Etat, de la compagnie méditerranéenne d'exploitation des services des eaux et de la caisse nationale militaire de sécurité sociale.
Article 5 : L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en six exemplaires dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 6 : La compagnie méditerranéenne d'exploitation des services des eaux est condamnée à verser à M. A... une provision de 5 000 francs.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.