Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 22 juin 1992, présentée pour la société Entreprise GAGNERAUD père et fils, société anonyme représentée par M. Y..., représentant légal de sa direction régionale du Sud-Est, dont le siège est ... ;
La société Entreprise GAGNERAUD père et fils demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 17 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que la ville de Marseille soit condamnée à lui verser la somme de 2 648 568,05 francs à raison des sujétions imprévues qu'elle a dû supporter du fait de l'exécution du marché de travaux publics conclu par la ville de Marseille avec le groupement d'entreprises solidaires dont elle était le mandataire ;
2°) de déclarer recevables ses conclusions de première instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 1994 :
- le rapport de M. SIMON, président-rapporteur ;
- les observations de Me CECCALDI, avocat de la société Gagneraud et de Me COUTARD, avocat de la ville de Marseille ;
- et les conclusions de M. CHANEL, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la ville de Marseille et le groupement d'entreprises constitué par les sociétés Degremont, Gagneraud père et fils, X... SAE et Adam, ont conclu un marché de travaux publics pour la construction d'une station d'épuration de boues, qui a été approuvé le 17 février 1980 ; que ledit groupement n'ayant pas accepté le décompte général qu'il a reçu le 4 septembre 1989, la société Degremont a adressé le 10 octobre 1989 au maître d'oeuvre, conformément aux dispositions de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales approuvé par le décret du 21 janvier 1976 applicable au marché litigieux, un mémoire de réclamation contestant ce décompte ;
Sur la fin de non-recevoir tirée par la ville de Marseille de ce que la société Degremont n'avait pas qualité pour lui présenter une réclamation au nom du groupement d'entreprises :
Considérant qu'il résulte de l'acte d'engagement produit au dossier que la société Degremont était le mandataire commun des entreprises groupées ci-dessus désignées ; que, dès lors, la ville de Marseille n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'avait pas qualité pour présenter au nom de celles-ci la réclamation dont elle l'a saisie ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion encourue par la requérante :
Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales ci-dessus évoqué que l'entrepreneur dispose d'un délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général par le maître de l'ouvrage pour faire valoir, dans un mémoire de réclamation, ses éventuelles réserves, le règlement du différend intervenant alors selon les modalités précisées à l'article 50 ; que le renvoi à l'article 50 doit s'entendre comme concernant, non les dispositions du 1 dudit article, lesquelles ont trait aux litiges entre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre, mais les dispositions du 2 et du 3 du même article qui sont relatives aux différends opposant directement l'entrepreneur à la personne responsable du marché, le mémoire de réclamation précité étant celui qui est visé à l'article 50-22 ; qu'il ressort de l'article 50-3 que, si l'entrepreneur peut saisir le juge administratif en l'absence de décision du maître de l'ouvrage dans le délai de trois mois, il n'est forclos à le faire qu'à l'expiration d'un délai de six mois suivant la décision expresse du maître de l'ouvrage ;
Considérant que le mémoire de réclamation ci-dessus évoqué n'a suscité aucune réponse de la part de la personne responsable du marché ; que pour les motifs sus-indiqués, la décision implicite qui en est résulté n'a fait courir aucun délai de recours à l'encontre de la requérante ; que, dès lors, la société Gagneraud père et fils est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a opposé une fin de non-recevoir à sa demande ; qu'il suit de là que son jugement doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu de renvoyer la société Gagneraud père et fils devant le tribunal administratif de Marseille pour qu'il soit statué sur sa demande ;
Sur l'allocation de sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que les conclusions de la ville de Marseille, qui succombe dans la présente instance, tendant à l'allocation de sommes non comprises dans les dépens, soient accueillies ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit à la demande de la société Gagneraud père et fils et de condamner la ville de Marseille à lui verser 5 000 francs en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : Le jugement en date du 17 avril 1992 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La société GAGNERAUD père et fils est renvoyée devant le tribunal administratif de Marseille pour qu'il soit statué sur sa demande.
Article 3 : La ville de Marseille est condamnée à verser à la société GAGNERAUD père et fils la somme de 5 000 francs en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.