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11/05/1994 | FRANCE | N°93LY00528

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3e chambre, 11 mai 1994, 93LY00528


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 15 avril 1993, présentée pour M. X..., demeurant Le Golf, Drumettaz Clarafond, à Viviers du Lac (73420), par Me Joly, avocat ;
M. X... demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 24 février 1993, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier d'Aix-les-Bains à lui verser une indemnité de 50 000 francs, qu'il estime insuffisante, en réparation du préjudice que lui a causé l'amputation du pouce de la main gauche ;
2°) de condamner le centre hospitalier d

'Aix-les-Bains à lui verser la somme de 320 871,29 francs, avec intérêts...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 15 avril 1993, présentée pour M. X..., demeurant Le Golf, Drumettaz Clarafond, à Viviers du Lac (73420), par Me Joly, avocat ;
M. X... demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 24 février 1993, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier d'Aix-les-Bains à lui verser une indemnité de 50 000 francs, qu'il estime insuffisante, en réparation du préjudice que lui a causé l'amputation du pouce de la main gauche ;
2°) de condamner le centre hospitalier d'Aix-les-Bains à lui verser la somme de 320 871,29 francs, avec intérêts de droit, et les intérêts des intérêts ;
3°) de condamner le centre hospitalier d'Aix-les-Bains à lui verser la somme de 8 000 francs, en application de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 avril 1994 :
- le rapport de M. RIQUIN, conseiller ;
- les observations de Me REY substituant Me JOLY, avocat de M. X..., et de Me LE PRADO, avocat du centre hospitalier d'Aix-les-Bains ;
- et les conclusions de M. CHANEL, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X... demande la réformation du jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 24 février 1993, en ce qu'il a limité à la somme de 61 490,84 francs, l'indemnité que le centre hospitalier d'Aix-les-Bains a été condamné à lui verser en réparation du préjudice subi à raison de l'amputation du pouce de la main gauche ;
Sur la fin de non-recevoir opposé par le centre hospitalier d'Aix-les-Bains :
Considérant qu'à l'appui de ses conclusions tendant à la réformation du jugement susvisé, M. X... a présenté l'exposé des faits et moyens exigés par les dispositions de l'article R.87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que par suite la fin de non-recevoir, fondée sur l'absence de motivation de sa requête, doit être rejetée ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'à la date des faits, M. X... exerçait la profession de jardinier municipal, et avait la qualité d'agent public de la commune d'Aix-les-Bains ; qu'en méconnaissance des dispositions de l'ordonnance du 7 janvier 1959, le tribunal n'a pas mis en cause la ville d'Aix-les-Bains, employeur de M. X..., dans l'instance qui opposait ce dernier au centre hospitalier d'Aix-les-Bains ; que par suite le jugement attaqué doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Aix-les-Bains :
Considérant que M. X... a été victime, le 4 mars 1988 à 10 H 30 du matin, d'une injection d'huile hydraulique sous pression dans le pouce gauche ; qu'il s'est rendu une heure plus tard au centre hospitalier d'Aix-les-Bains où lui ont été administrés des anti-inflammatoires et des antalgiques ; que ressentant le lendemain de fortes douleurs, M. X... a été conduit au centre hospitalier de Grenoble où il a subi successivement quatre excisions destinées à nettoyer les tissus, avant d'être amputé le 14 avril 1988 de la phalange distale et de la moitié de la phalange proximale du pouce gauche, et de subir enfin le 17 juin suivant une greffe de la face palmaire du pouce ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la gravité de la blessure que M. X... présentait à son admission au centre hospitalier d'Aix-les-Bains n'a pas été décelée ; que l'erreur de diagnostic ainsi commise est à l'origine du retard apporté aux soins qui s'imposaient et qui consistaient à nettoyer systématiquement et le plus tôt possible au moyen d'excisions toutes les parties contaminées par l'huile ; que le requérant a ainsi été privé de chances sérieuses d'éviter l'amputation partielle de son doigt ; que par suite le centre hospitalier d'Aix-les-Bains doit supporter la totalité du préjudice esthétique subi par M. X..., résultant de l'amputation de son pouce ;

Considérant en revanche qu'en cas d'injection d'huile hydraulique sous pression et notamment en cas d'atteinte du pouce, comme en l'espèce, la gaine du tendon fléchisseur, ainsi que la gaine du nerf radial et celle du nerf cubital sont le plus souvent atteintes, accroissant de ce fait l'importance des séquelles, comme le confirme le bilan dressé le 13 juillet 1988 par le CHRU de Grenoble, qui indique que l'injection accidentelle subie par M. X... a entraîné des lésions jusqu'au tiers inférieur de l'avant-bras ; que le centre hospitalier d'Aix-les-Bains n'est par suite responsable que de l'aggravation des souffrances physiques, et des séquelles que présente actuellement l'intéressé qui est imputable au retard avec lequel les soins adéquats lui ont été prodigués ; qu'il sera fait une juste appréciation de cette aggravation en la fixant à la moitié des troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis et des douleurs qu'il a supportées ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. X..., âgé de 30 ans à l'époque de l'accident, souffre d'un préjudice esthétique dont il sera fait une juste évaluation en le fixant à la somme de 20 000 francs ; qu'il a subi des blessures qui ont entraîné une incapacité permanente partielle de 25 % ; que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation des troubles de toutes natures subis dans ses conditions d'existence par l'intéressé, compte non tenu de la perte de revenus, en fixant, de ce chef, l'indemnité au chiffre de 100 000 francs ; qu'il y a lieu d'ajouter à cette somme celle de 30 000 francs à titre de réparation des dommages afférents aux souffrances physiques supportés par M. X... ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier d'Aix-les-Bains une indemnité de 85 000 francs ; qu'à celle-ci s'ajoute une somme de 2 615,72 francs, compensant la perte de revenus dûment justifiée, et qu'il convient également d'y ajouter le montant des frais médicaux, d'hospitalisation et pharmaceutiques qui demeurent à la charge de M. X... et qui s'élèvent à la somme de 1 490, 84 francs, après déduction des frais relatifs aux examens subis par M. X... au centre hospitalier d'Aix-les-Bains et ceux concernant la première excision qui sont exclusivement la conséquence de l'accident initial ; qu'en revanche, les frais de réparation automobile n'apparaissant pas être la conséquence directe de la faute commise par l'hôpital, M. X... n'est pas fondé à en demander le remboursement ; qu'ainsi l'indemnité totale à laquelle est en droit de prétendre M. X... s'élève à la somme de 89 106,56 francs ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. X... a droit aux intérêts de la somme qui lui est allouée à compter du 6 septembre 1990, date de l'enregistrement de sa demande ;
Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts est demandée pour la première fois devant la cour le 15 avril 1993 ; qu'à cette date, il était dû à M. X... au moins une année d'intérêt ; que dès lors il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie :
Considérant que, régulièrement mise en cause par le tribunal administratif, la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie n'a présenté aucune demande de remboursement de ses débours ; que par suite ses conclusions présentées pour la première fois en appel sont irrecevables, et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours admi-nistratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le centre hospitalier d'Aix-les-Bains à verser à M. X... la somme de 4 000 francs ;
Article 1er : Le jugement en date du 24 février 1990 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier d'Aix-les Bains est condamné à verser à M. X... la somme de 89 106,56 francs qui portera intérêts à compter du 6 septembre 1990 ; ces intérêts porteront eux-mêmes intérêt au 15 avril 1993.
Article 3 : Le centre hospitalier d'Aix-les -Bains est condamné à verser à M. X... la somme de 4 000 francs, en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administrati-ves d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande et d'appel est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie sont rejetées.


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