Vu l'ordonnance en date du 11 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 7e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, par application des dispositions de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour la S.A. SORENSEN, dont le siège social est situé ..., par la S.C.P. LYON-CAEN, FABIANI et LIARD, avocats aux Conseils ;
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, présentés pour la S.A. SORENSEN, enregistrés les 24 août et 22 décembre 1988 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat ;
La S.A. SORENSEN demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 6 mai 1988 par lequel le tribunal administratif de MARSEILLE a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1977 à 1980 ;
2°) de lui accorder la décharge sollicitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 1991 :
- le rapport de Mme LAFOND, conseiller ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la S.A. SORENSEN conteste l'annulation du report sur les résultats bénéficiaires des exercices clos en 1977, 1978, 1979 et 1980 des déficits allégués des exercices clos en 1974, 1975 et 1976 et des amortissements réputés différés ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressement du 5 novembre 1981 comportait l'ensemble des indications exigées par les dispositions précitées et notamment les motifs de rejet de la comptabilité des exercices clos en 1974, 1975 et 1976 ; que, si elle faisait état, entre autres, de constatations opérées par le service des contributions indirectes et consignées dans deux procès-verbaux des 25 avril 1975 et 30 avril 1976, la circonstance que ces procès-verbaux n'aient pas été annexés à ladite notification n'est pas de nature à vicier la procédure d'imposition dès lors que le président-directeur-général de la société avait eu connaissance en son temps des constatations opérées le 25 avril 1975, lesquelles l'ont conduit, selon ses affirmations, à fermer l'établissement de BERCY ;
Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :
Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : "1... En cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est réparti successivement sur les exercices suivants..." ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à la société requérante d'apporter la preuve de la réalité des déficits allégués au titre des exercices clos en 1974, 1975 et 1976 ; que cette preuve doit porter non seulement sur l'existence de ces déficits, mais également sur leur nature et sur leur montant ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société n'a pu, à aucun moment, produire l'inventaire détaillé des stocks des exercices clos en 1974, 1975 et 1976 ; que les stocks ne sauraient être justifiés par les comptes tenus en qualité de marchands en gros ; que, dès lors, c'est à bon droit que sa comptabilité n'a pu être regardée comme probante ; que, dans ces conditions, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir des éléments de cette comptabilité pour établir l'existence et le montant des déficits allégués ; que, toutefois, pour apporter la preuve qui lui incombe, elle fait état de factures impayées et de vols et détournements de fonds commis par ses préposés à son insu ; que, s'agissant des factures impayées, elles ne sauraient être admises en déduction des résultats dès lors que la société ne justifie pas qu'elles aient constitué une perte certaine au titre des exercices en cause ; qu'en ce qui concerne les vols et détournements de fonds, s'il n'est pas contesté qu'ils ont été commis à l'insu du dirigeant et peuvent par suite être déduits des résultats, ils ne peuvent suffire à justifier les déficits subis ;
Mais considérant qu'il résulte de l'instruction que, faute de connaître le montant des vols et détournements, le vérificateur a purement et simplement annulé les déficits déclarés ; que dans ces conditions, la S.A. SORENSEN doit être regardée comme apportant la preuve que la méthode utilisée par l'administration pour déterminer les résultats des exercices clos en 1974, 1975 et 1976 présente un caractère sommaire et conduit à des résultats exagérés ; qu'à défaut de données plus précises fournies par la requérante et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise qui ne pourrait que revêtir un caractère frustratoire, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en réduisant à 320 000 francs le déficit reportable au 1er janvier 1977, majoré des amortissements réputés différés soit 42 449,62 francs ;
Article 1er : La S.A. SORENSEN est déchargée, en droits et pénalités, de l'impôt sur les sociétés établi au titre des exercices 1977 et 1978.
Article 2 : Le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés de l'exercice 1979 est ramenée de 287 571 francs à 37 000 francs.
Article 3 : La S.A. SORENSEN est déchargée des droits et pénalités correspondant à la réduction de base d'imposition définie à l'article 2.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de MARSEILLE en date du 6 mai 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la S.A. SORENSEN est rejeté.