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31/07/2025 | FRANCE | N°23DA01767

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 31 juillet 2025, 23DA01767


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 17 novembre 2020 par le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPH) pour un montant de 885 141,77 euros ainsi que le courrier du 8 décembre 2020 par lequel le FIPH a saisi l'Agence régionale de santé Hauts-de-France en vue de la mise en œuvre de la procédure de mandatement d'of

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 17 novembre 2020 par le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPH) pour un montant de 885 141,77 euros ainsi que le courrier du 8 décembre 2020 par lequel le FIPH a saisi l'Agence régionale de santé Hauts-de-France en vue de la mise en œuvre de la procédure de mandatement d'office de cette somme prévue par l'article L. 6145-3 du code de la santé publique et, d'autre part, de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 885 141,77 euros.

Par un jugement n° 2100478 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 septembre 2023 et le 19 juillet 2024, le CHU de Lille, représenté par la SCP Yahia Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du titre de perception émis à son encontre le 17 novembre 2020 par le FIPH pour un montant de 885 141,77 euros et celles tendant à la décharge de l'obligation de payer cette somme ;

2°) d'annuler ce titre de perception d'un montant de 885 141,77 euros ;

3°) de prononcer la décharge totale de l'obligation de payer la somme de 885 141,77 euros ;

4°) de mettre à la charge du FIPH la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête de première instance n'est pas irrecevable dès lors qu'elle n'est pas tardive, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;

- l'annulation sollicitée l'est, à titre principal, pour les motifs qu'il invoque mettant en cause le bien-fondé du titre de perception litigieux et, à titre subsidiaire, pour ceux ayant trait à la régularité en la forme de ce titre ;

- le titre de perception contesté est illégal en raison de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de l'article 22 du décret n° 2006-501 du 3 mai 2006 relatif au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique qui méconnaît l'objectif constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la loi eu égard aux règles de recouvrement forcé qu'il instaure et qui diffèrent de celles prévues par les dispositions de l'article 38 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires qui prévoient qu'un employeur doit s'acquitter de manière spontanée du paiement de la contribution relative à l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés à l'occasion de sa déclaration annuelle ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le FIPH ne pouvait faire application de l'article 192 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le FIPH a fait une appréciation erronée du nombre de personnes handicapées bénéficiaires de l'obligation d'emploi présentes au sein de ses effectifs ;

- le titre de perception litigieux a été édicté par une autorité incompétente ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière l'ayant privée d'une garantie tenant à la méconnaissance par l'arrêté du 2 juin 2006 fixant le contenu de la déclaration annuelle au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique des dispositions combinées des articles 4 et 7 du décret n° 2006-501 du 3 mai 2006 ;

- il ne comporte pas la mention des bases de liquidation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2024, le FIPH, représenté par la SCP d'avocats Normand et associés, conclut au rejet de la requête et demande à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du CHU de Lille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés le 25 septembre 2024 et le 13 décembre 2024, le CHU de Lille demande à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 2100478 du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions à fin d'annulation du titre de perception émis à son encontre le 17 novembre 2020 par le FIPH pour un montant de 885 141,77 euros et celles tendant à la décharge de l'obligation de payer cette somme ainsi qu'à l'annulation de ce titre et au prononcé de la décharge de l'obligation de payer ladite somme, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du IV de l'article L. 323-8-6-1 du code du travail.

Il soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent les dispositions des articles 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par des mémoires, enregistrés les 18 novembre 2024, 5 décembre 2024 et 8 janvier 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le FIPH soutient que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et que la question prioritaire de constitutionnalité ne présente pas un caractère sérieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code de la santé publique ;

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n°2006-501 du 3 mai 2006 ;

- le décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- l'arrêté du 2 juin 2006 fixant le contenu de la déclaration annuelle au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juillet 2025 :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Rousseau, avocat du CHU de Lille et de Me Vetois, avocat du FIPH.

Considérant ce qui suit :

1. Par sa requête, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille relève appel du jugement n° 2100478 du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Lille en tant que celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis à son encontre le 17 novembre 2020 par le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPH) pour un montant de 885 141,77 euros ainsi qu'à la décharge de l'obligation de payer cette même somme.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, aux termes de L. 323-8-6-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, ces dispositions ayant été ultérieurement reprises aux articles 33 et suivants de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires puis aux articles L. 351-1 et suivants du code général de la fonction publique : " (...) II. - Les employeurs mentionnés à l'article L. 323-2 peuvent s'acquitter de l'obligation d'emploi instituée par cet article, en versant au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique une contribution annuelle pour chacun des bénéficiaires de la présente section qu'ils auraient dû employer (...) ".

3. D'autre part, il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article 22 du décret du 3 mai 2006 relatif au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique que la contribution mentionnée initialement à l'article L. 323-8-6-1 du code du travail puis au I de l'article 38 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et désormais à l'article L. 351-12 du code général de la fonction publique " est recouvrée dans les conditions fixées par les articles 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, le 9° de l'article 12 ainsi que les 2°, 7°, 9° et 10) de l'article 18 du présent décret ". Aux termes de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " En cas de contestation d'un titre de perception, avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser cette contestation, appuyée de toutes pièces ou justifications utiles, au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. / Le droit de contestation d'un titre de perception se prescrit dans les deux mois suivant la notification du titre ou, à défaut, du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause. / Le comptable compétent accuse réception de la contestation en précisant sa date de réception ainsi que les délais et voies de recours. Il la transmet à l'ordonnateur à l'origine du titre qui dispose d'un délai pour statuer de six mois à compter de la date de réception de la contestation par le comptable. A défaut d'une décision notifiée dans ce délai, la contestation est considérée comme rejetée. / La décision rendue par l'administration en application de l'alinéa précédent peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de cette décision ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent ".

4. Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé.

5. En l'espèce, à la suite de la production par le CHU de Lille de sa déclaration au titre de son obligation d'emploi des personnes handicapées pour l'année 2017, le FIPH a diligenté un contrôle à l'issue duquel il a émis, en vue du recouvrement de la contribution prévue par les dispositions précitées de l'article L. 323-8-6-1 du code du travail, un premier titre de perception pour un montant de 937 973,20 euros, le 16 juillet 2019. Après la formation par le CHU d'un recours administratif à l'encontre de ce titre, le Fonds a émis, le 17 novembre 2020, un second titre de perception, ramenant le montant dû par le centre hospitalier à la somme de 885 141,77 euros. Il résulte de l'instruction et notamment de la date apposée par les services du CHU à l'aide d'un tampon-dateur sur l'avis de réception postal comportant le même numéro que celui porté sur le courrier daté du 19 novembre 2020 procédant à la notification du titre de perception litigieux que le centre a accusé réception de ce titre le 20 novembre 2020. Contrairement à ce que l'appelant fait valoir, la date apposée sur cet avis est lisible et ses allégations quant à l'absence d'actualisation du tampon ainsi utilisé ne sont nullement étayées ni corroborées par aucune pièce. En outre, l'attestation de distribution établie par les services postaux, qui comporte le même numéro de courrier recommandé que celui porté sur l'avis de réception postal précité, mentionne, elle aussi, une remise intervenue le 20 novembre 2020. Les circonstances que cette attestation ne comporte pas de signature et que l'adresse qui y figure est celle du service gestionnaire du courrier du FIPH implanté à Angers et non celle du service du fonds ayant émis le titre qui se trouve à Paris sont sans incidence sur la validité d'une telle attestation. Si le CHU produit une copie d'écran du site internet permettant d'assurer le suivi d'un courrier et indiquant comme date de réception le 24 novembre 2020, ces mentions, au demeurant incomplètes, ne sont pas de nature à remettre en cause celles portées tant sur l'avis de réception postal que sur l'attestation établie par les services postaux et faisant état d'une réception effective le 20 novembre 2020. Il en est de même en ce qui concerne la circonstance que le courrier en cause a été distribué dès le lendemain de sa date de remise aux services postaux par le FIPH. Par suite et alors que le titre contesté comportait la mention des voies et délais de recours, les conclusions aux fins d'annulation et de décharge présentées par le CHU de Lille, qui n'ont été enregistrées au greffe du tribunal administratif de Lille que le 23 janvier 2021, soit après l'expiration du délai de recours de deux mois prévu par les dispositions citées au point 3 et qui est intervenue en l'espèce le jeudi 21 janvier 2021, sont donc tardives et, par suite, irrecevables.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner ses moyens d'appel ni, par suite, de statuer sur sa demande de renvoi au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, le CHU de Lille n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions à fin d'annulation du titre de perception émis à son encontre le 17 novembre 2020 par le FIPH pour un montant de 885 141,77 euros ainsi qu'à la décharge de l'obligation de payer cette même somme.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du FIPH, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que le CHU de Lille demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du CHU de Lille une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le FIPH et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier universitaire de Lille est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Lille versera au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Lille et au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

Délibéré après l'audience publique du 8 juillet 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoit Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 juillet 2025.

Le président de chambre,

président-rapporteur

Signé : B. A...

Le président-assesseur,

Signé : L. Delahaye

La greffière,

Signé : A. Vigor

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA01767


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01767
Date de la décision : 31/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Benoit Chevaldonnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : YAHIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-31;23da01767 ?
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