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18/06/2025 | FRANCE | N°23DA01031

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 18 juin 2025, 23DA01031


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La fondation Sainte-Marie a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, la décision du 19 juillet 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale Nord-Lille a refusé d'autoriser le licenciement, pour motif disciplinaire, de Mme C..., ainsi que la décision implicite par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique formé à l'encontre de cette décision, et, d'autre part, la décision du 7 février 2020 par laquelle

la ministre du travail a expressément rejeté son recours hiérarchique.



Mme A...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fondation Sainte-Marie a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, la décision du 19 juillet 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale Nord-Lille a refusé d'autoriser le licenciement, pour motif disciplinaire, de Mme C..., ainsi que la décision implicite par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique formé à l'encontre de cette décision, et, d'autre part, la décision du 7 février 2020 par laquelle la ministre du travail a expressément rejeté son recours hiérarchique.

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 29 janvier 2021 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a retiré la décision implicite rejetant le recours hiérarchique présenté par la fondation Sainte-Marie à l'encontre de la décision du 22 mai 2020 par laquelle l'inspectrice du travail avait refusé d'autoriser son licenciement, a annulé cette décision et a autorisé la fondation Sainte-Marie à la licencier.

Par un jugement n° 2000783, 2002872, 2102577 du 5 avril 2023, le tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions d'annulation de la décision implicite rejetant le recours hiérarchique de la fondation Sainte-Marie présenté contre la décision de l'inspectrice du travail du 19 juillet 2019, a rejeté le surplus des demandes de la fondation Sainte-Marie et a rejeté la demande de Mme C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juin 2023, Mme C..., représentée par Me Saidi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 avril 2023 ;

2°) d'annuler la décision de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion du 29 janvier 2021, ensemble la décision de l'inspectrice du travail du 22 mai 2020 ;

3°) d'enjoindre à la ministre du travail de refuser l'autorisation de la licencier et, en tant que de besoin, d'enjoindre aux parties de réaliser une médiation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la fondation Sainte-Marie une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis de se prononcer sur les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir du représentant de la fondation Sainte-Marie, de l'absence de production de la décision contestée, et du principe selon lequel " la fraude corrompt tout " ;

- le tribunal administratif a omis de se prononcer sur les moyens tirés de l'absence de délégation de pouvoir donnée à l'auteur de la demande de licenciement et d'irrégularité de la consultation du comité social et économique ;

- le tribunal administratif a méconnu les stipulations des articles 6 § 1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en omettant de soumettre au contradictoire l'arrêté de délégation de signature du 22 juillet 2015 dont il a déduit la compétence de l'auteur de l'acte contesté ;

- les premiers juges ont entaché leur décision de contradiction, ainsi qu'il ressort des points 12 et 33 de celle-ci ;

- il a commis une erreur de droit en écartant ses moyens tirés de ce que ni la demande d'autorisation de licenciement, ni la décision contestée ne précisent l'ensemble de ses mandats, de ce que la décision contestée est insuffisamment motivée, et de ce que la procédure contradictoire et la procédure d'instruction du recours hiérarchique n'ont pas été impartiales ;

- la demande présentée par la fondation Sainte-Marie devant le tribunal administratif est irrecevable dès lors qu'elle ne justifie pas de la qualité à agir de son représentant, qu'elle a omis de produire l'acte contesté et qu'elle se prévaut de documents falsifiés ;

- la décision contestée est entachée d'incompétence faute pour son auteur de bénéficier d'une délégation de signature ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- ni la demande d'autorisation de licenciement, ni la décision contestée ne précisent ses mandats de membre de la délégation unique du personnel, de secrétaire de cette délégation, du comité d'entreprise puis du comité social et économique, de représentante des créanciers et de représentante des salariés au conseil de la vie sociale ;

- la procédure contradictoire et la procédure d'instruction du recours hiérarchique n'ont pas été impartiales dès lors qu'il n'a pas été tenu compte de ses observations et que les observations et pièces produites par l'employeur ne lui ont pas été communiquées ;

- elle n'a pas bénéficié d'un délai raisonnable pour répondre aux éléments produits par l'employeur et communiqués par l'administration dans le cadre de l'enquête contradictoire et de la procédure d'instruction du recours hiérarchique ;

- les témoignages qui lui ont été transmis étaient anonymisés, en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- elle n'a pu être auditionnée par l'inspection du travail ;

- la fondation Sainte-Marie ne justifie pas avoir saisi l'administration de sa demande d'autorisation de licenciement par la voie du téléservice prévu aux articles R. 112-9 et R. 112-9-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'auteur de cette demande ne justifiait ni d'une délégation de pouvoir régulière, ni d'un mandat spécial, et ses fonctions de directeur régional au sein du groupe SOS Seniors ne lui permettent pas de représenter la fondation Sainte-Marie ;

- seul le conseil d'administration avait compétence pour solliciter l'autorisation de la licencier ;

- la demande d'autorisation de licenciement ne précise pas son état civil ;

- le signataire du courrier du 21 février 2020 l'informant de la reprise de la procédure de licenciement et du maintien de la dispense d'activité et du courrier la convoquant à un entretien préalable ne disposait d'aucun pouvoir pour ce faire ;

- il n'était pas compétent non plus pour présider le comité social et économique du 12 mars 2020 ;

- l'employeur a pris la décision de la licencier avant la tenue de l'entretien préalable, en méconnaissance des articles L. 1232-2 et L. 1232-3 du code du travail ;

- son état de santé ne lui a pas permis de se rendre à l'entretien préalable prévu le 5 mars 2020 et que l'employeur a refusé de reporter ;

- le comité social et économique s'est prononcé plus de dix jours après la réception du courrier précité du 21 février 2020, lequel doit être regardé comme une mise à pied prononcée à titre conservatoire, en méconnaissance des articles R. 2421-6 et R. 2421-14 du code du travail ;

- la mise à pied prononcée à titre conservatoire est illégale dès lors que le règlement intérieur n'a pas été affiché et n'a pas été déposé au greffe du conseil de prud'hommes, que la mise à pied est seulement prévue à titre de sanction et non à titre conservatoire, que la durée de cette mise à pied est indéterminée, que cette durée ne saurait excéder trois jours, qu'elle n'a pas été notifiée à l'inspection du travail dans un délai de quarante-huit heures et qu'elle n'est pas motivée ;

- la durée excessive de la mise à pied a pour effet d'entacher de nullité la procédure de licenciement ;

- l'inspection du travail a été saisie un mois après la notification de la mise à pied conservatoire, en méconnaissance des mêmes dispositions prescrivant un délai

de quarante-huit heures ;

- le comité social et économique s'est prononcé dans des conditions irrégulières dès lors que la réunion a été fixée et ses membres convoqués avant la tenue de l'entretien préalable, dans un délai supérieur à dix jours contrairement aux prévisions des articles R. 2421-6 et R. 2421-14 ;

- les membres du comité n'ont pas été informés de sa situation personnelle, du poste qu'elle occupe et de ses mandats ;

- le comité social et économique a été saisi de griefs distincts de ceux qui ont été évoqués lors de l'entretien préalable et transcrits dans la note de saisine du comité, en méconnaissance des droits de la défense ;

- le procès-verbal de la réunion du comité social et économique n'a pas été transmis avec la demande d'autorisation de licenciement, en méconnaissance de l'article R. 2421-1 du code du travail ;

- le document présenté par l'employeur à l'inspection du travail ne constitue pas un procès-verbal de réunion, faute d'avoir été rédigé par la secrétaire du comité social et économique ;

- l'employeur n'a pas transmis à l'inspection du travail la copie du courrier du 6 mai 2019 lui notifiant une mise à pied conservatoire, en méconnaissance de l'article L. 2421-1 du code du travail ;

- il y a lieu d'écarter des débats l'ensemble des documents, notamment les attestations de salariées, qui sont falsifiés, ainsi que les attestations adressées par le médecin du travail à des personnes dépourvues de toute qualité à agir et de tout pouvoir pour intervenir au nom de la fondation Sainte-Marie ;

- ces documents, ainsi que les messages électroniques produits à l'instance, doivent encore être écartés dès lors qu'ils ne respectent pas l'article 202 du code de procédure civile, que leur transmission révèle une violation du secret des correspondances et une méconnaissance des articles 6, 8 § 1 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 9 du code civil et des articles 9 et suivants du code de procédure civile ;

- les avis d'arrêt maladie concernant des salariés doivent également être écartés dès lors qu'ils lui ont été transmis en méconnaissance du secret médical ;

- les résultats de l'enquête interne ne sont pas probants dès lors que cette enquête a porté sur un échantillon insuffisant de salariés ;

- le courrier du médecin du travail du 5 mai 2019 doit être écarté dès lors qu'il se rapporte à des faits prescrits ;

- le courrier du médecin du travail du 10 mai 2019 doit être écarté dès lors qu'il a été reçu postérieurement à la notification de sa mise à pied ;

- il en est de même pour le courrier du 14 mai 2019 reçu postérieurement à l'entretien préalable ;

- la lettre de recadrage du 26 mars 2016 doit être écartée des débats dès lors que cette mesure ne figure pas dans l'échelle des sanctions, et qu'elle devait être retirée de son dossier en application de l'article 5.3.2 de la convention professionnelle ;

- les faits qui lui sont reprochés ont été portés à la connaissance de ses supérieurs hiérarchiques plus de deux mois avant sa convocation à l'entretien préalable et sont prescrits ;

- ces faits ne sont pas établis ;

- le motif d'intérêt général tenant au maintien de la paix sociale au sein de l'entreprise fait obstacle à son licenciement ;

- la demande d'autorisation de licenciement présente un lien avec ses mandats.

Par un mémoire, enregistré le 2 septembre 2024, la fondation Sainte-Marie, représentée par Me Eyrignoux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande d'annulation présentée devant le tribunal administratif était tardive et donc irrecevable ;

- le tribunal administratif n'était pas tenu de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par la requérante aux demandes présentées par la fondation Sainte-Marie qui ont été rejetées au fond ;

- ces fins de non-recevoir ne peuvent être opposées en appel dès lors que le tribunal administratif n'aurait pu les retenir sans l'avoir préalablement invitée à régulariser ses demandes ;

- les moyens soulevés par la requérante pour contester le bien-fondé du jugement attaqué ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 4 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 2 octobre 2024 à 12 heures.

Par une mesure d'instruction prise le 15 avril 2025 en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, il a été demandé à la fondation Sainte-Marie de produire l'acte nommant M. E... comme directeur de la fondation Sainte-Marie à compter du 1er juillet 2019 et la délégation donnant à M. E... les pouvoirs nécessaires à l'exercice de ses missions de direction, conformément à l'article 10 des statuts de la fondation.

Les éléments transmis à la suite de cette demande par la fondation Sainte-Marie ont été communiqués à Mme C... en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- l'arrêté du 3 août 2018 relatif à l'organisation de la direction générale du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- les conclusions de M. Malfoy, rapporteur public,

- et les observations de Me Eyrignoux, représentant la fondation Sainte-Marie.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée par la fondation Sainte-Marie à compter du 15 avril 2002, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, afin d'exercer les fonctions d'aide-soignante dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Informé de faits de maltraitance reprochés à Mme C... à l'égard d'autres salariées de l'établissement, l'employeur lui a adressé un courrier daté du 6 mai 2019 l'informant de sa mise à pied conservatoire. L'intéressée détenant par ailleurs des mandats de déléguée syndicale et de membre titulaire du comité social et économique, la fondation Sainte-Marie a saisi l'inspection du travail le 17 mai 2019 afin d'obtenir l'autorisation de la licencier pour motif disciplinaire. Par une décision du 19 juillet 2019, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme C... au motif que la demande avait été présentée par une personne ne justifiant pas de sa qualité à agir au nom de la fondation Sainte-Marie. L'employeur a présenté un recours hiérarchique le 2 août 2019, qui a été rejeté implicitement puis de façon expresse par une décision de la ministre du travail du 7 février 2020. La fondation Sainte-Marie a saisi le tribunal administratif de Lille de deux demandes visant à l'annulation de la décision du 19 juillet 2019 et des décisions implicite et expresse rejetant son recours hiérarchique. De façon concomitante, l'employeur a adressé le 23 mars 2020 une seconde demande à l'inspection du travail qui, par une décision du 22 mai 2020, a refusé d'autoriser le licenciement de Mme C... au motif que les faits reprochés n'étaient pas établis. Saisi d'un recours hiérarchique contre cette décision, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, par une décision du 29 janvier 2021, après avoir retiré sa décision implicite rejetant ce recours, a annulé la décision de l'inspectrice du travail pour un vice de procédure et autorisé le licenciement de l'intéressée. Celle-ci a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à l'annulation de cette décision de la ministre du travail du 29 janvier 2021. Par un même jugement du 5 avril 2023, le tribunal administratif de Lille a joint les trois demandes d'annulation, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions visant la décision implicite rejetant le recours hiérarchique présenté contre la décision du 19 juillet 2019 puis a rejeté le surplus des demandes de la fondation Sainte-Marie, ainsi que la demande de Mme C.... Celle-ci relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de la décision du 29 janvier 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, Mme C... relève appel du jugement du 5 avril 2023 en tant qu'il rejette ses conclusions d'annulation de la décision du 29 janvier 2021 autorisant son licenciement. Dans ces conditions, elle ne saurait utilement se prévaloir de ce que le tribunal administratif aurait omis de se prononcer sur les fins de non-recevoir qu'elle a opposées aux demandes présentées par la fondation Sainte-Marie en vue d'obtenir l'annulation des décisions des 19 juillet 2019 et 7 février 2020.

3. En deuxième lieu, le tribunal administratif a écarté le moyen soulevé par Mme C... tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté en se référant à un arrêté du 13 octobre 2020 portant délégation de signature au sein de la direction générale du travail. Cet arrêté, qui présente un caractère réglementaire, a été régulièrement publié au Journal officiel de la République française du 16 octobre 2020, de sorte que les premiers juges n'ont pas méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure en se fondant sur l'existence de cet arrêté sans en ordonner préalablement la production au dossier et sans le communiquer à la requérante.

4. En troisième lieu, d'une part, le tribunal administratif a répondu au point 19 de son jugement au moyen de Mme C... contestant la qualité à agir, au nom de l'employeur, de l'auteur de la demande d'autorisation de licenciement présentée le 23 mars 2020 à l'administration du travail. Retenant que cette demande avait été présentée par Mme Audier, présidente de l'association Groupe SOS Seniors, elle-même présidente de la fondation Sainte-Marie, et compétente en cette qualité pour mettre en œuvre la procédure de licenciement d'un salarié de la fondation, les premiers juges ont nécessairement écarté comme inopérant l'argumentaire de Mme C... tendant à démontrer que l'auteur de la demande n'aurait pas bénéficié d'une délégation de pouvoir. D'autre part, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de rappeler l'ensemble des arguments de Mme C..., a répondu au point 28 du jugement à son moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du comité social et économique. Par suite, le moyen tiré d'une omission à statuer sur ce point doit être écarté.

5. En dernier lieu, hormis dans le cas où le tribunal administratif a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les premiers juges se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme C... ne peut donc utilement soutenir, pour contester la régularité du jugement attaqué, que les premiers juges auraient commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d'appréciation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté contesté :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ". Par ailleurs, aux termes de l'article 7 de l'arrêté du 3 août 2018 relatif à l'organisation de la direction générale du travail : " Au sein du service de l'animation territoriale de la politique du travail et de l'action de l'inspection du travail, la sous-direction de l'appui et du soutien au contrôle au système d'inspection du travail comprend : (...) / - le bureau du statut protecteur (...) / Au titre du statut protecteur, elle est chargée : (...) / - d'instruire des recours hiérarchiques et contentieux relatifs aux licenciements des salariés protégés (...) ". Ces dispositions combinées confèrent au chef du bureau du statut protecteur compétence non seulement pour instruire les recours hiérarchiques dirigés contre les décisions des inspecteurs du travail en matière de licenciement de salariés protégés, mais également pour signer, au nom du ministre chargé du travail, toutes les décisions relatives au champ de compétence de ce bureau.

7. Par un arrêté du 13 octobre 2020, le directeur général du travail a donné délégation à Mme D... F..., cheffe du bureau du statut protecteur, pour signer, au nom du ministre chargé du travail et dans la limite des attributions de ce bureau, tous actes, décisions ou conventions à l'exclusion des décrets. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée a été signée par une autorité incompétente doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes des articles R. 2421-5 et R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ".

9. La décision contestée, qui vise les dispositions applicables du code du travail, rappelle les mandats dont dispose Mme C..., et mentionne les raisons pour lesquelles la ministre chargée du travail a décidé d'annuler comme irrégulière la décision de l'inspectrice du travail rejetant la demande d'autorisation de licenciement, ainsi que les motifs l'ayant conduite à accorder cette autorisation. Mme C... ne justifie pas avoir présenté, dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique de la fondation Sainte-Marie, un argumentaire précis se rapportant à l'irrecevabilité de la demande d'autorisation de licenciement, à une éventuelle discrimination ou à un motif d'intérêt général imposant son maintien dans l'entreprise. Dans ces conditions, elle ne saurait se plaindre d'un défaut de motivation sur ces différents points, alors, au demeurant, que la décision contestée n'avait pas à répondre à l'ensemble de ses arguments. Par ailleurs, la ministre du travail a motivé de façon suffisante l'autorisation de licencier Mme C... en indiquant que la demande d'autorisation ne présente pas de lien avec ses mandats, quand bien même elle ne précise pas les raisons l'ayant conduite à ce constat. Par suite, la décision du 29 janvier 2021 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, permettant à la requérante de la contester utilement tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

10. En dernier lieu, aux termes des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat (...) ". Il résulte de ces dispositions que le salarié doit être entendu personnellement et individuellement par l'inspecteur du travail. En outre, si aucune règle ni aucun principe ne fait obligation au ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, de procéder lui-même à l'enquête contradictoire, il en va autrement lorsque l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de cette enquête contradictoire, conduisant le ministre à annuler sa décision et à statuer lui-même sur la demande d'autorisation.

11. Si Mme C... indique n'avoir disposé que d'un délai de dix jours pour présenter ses observations à l'inspectrice du travail, dans le cadre de l'enquête contradictoire qui s'est déroulée en mars et avril 2020, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un tel délai aurait été insuffisant, alors au demeurant qu'elle avait eu l'occasion de discuter les faits reprochés lors de la précédente enquête en juillet 2019. Il n'est pas plus établi que l'inspectrice du travail puis la ministre du travail auraient refusé de tenir compte des observations de la requérante, ou que l'inspectrice aurait sciemment omis de transmettre des pièces à la ministre dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique. Si Mme C... soutient ne pas avoir été entendue par l'inspectrice du travail dans le cadre de l'enquête contradictoire, eu égard au contexte d'urgence sanitaire lié à l'épidémie de Covid-19 restreignant les déplacements, il ressort de ses propres écritures qu'elle a été reçue le 4 septembre 2020 par une inspectrice de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France, dans le cadre de l'instruction, par la ministre du travail, du recours hiérarchique présenté par la fondation Sainte-Marie. Il n'est pas démontré qu'avant de statuer sur le recours hiérarchique, la ministre du travail n'aurait pas disposé de l'ensemble des pièces utiles, notamment les documents remis par Mme C... à l'inspectrice dans le cadre de l'enquête contradictoire. Il ressort de ses écritures contentieuses, qui reprennent en partie les observations qu'elle a présentées devant l'inspectrice du travail, que Mme C... a été en mesure de prendre connaissance des témoignages produits par l'employeur dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement sa défense, en dépit de l'anonymisation de certaines attestations. Dans ces conditions, le moyen tiré d'une méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté contesté :

12. En premier lieu, pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement, l'autorité administrative doit prendre en compte chacune des fonctions représentatives du salarié. Lorsque l'administration a eu connaissance de chacun des mandats détenus par l'intéressé, la circonstance que la demande d'autorisation de licenciement ou la décision autorisant le licenciement ne fasse pas mention de l'un de ces mandats ne suffit pas, à elle seule, à établir que l'administration n'a pas, comme elle le doit, exercé son contrôle en tenant compte de chacun des mandats détenus par le salarié protégé.

13. La décision de l'inspectrice du travail du 22 mai 2020 mentionne les mandats détenus par Mme C... jusqu'en 2019 en qualité de membre de la délégation unique du personnel et de membre du comité d'entreprise, ainsi que ses mandats de déléguée syndicale et de membre du comité social et économique. Se prononçant sur le recours hiérarchique présenté contre cette décision, la ministre du travail rappelle, dans sa décision du 29 janvier 2021, les deux derniers mandats détenus par la requérante. Il résulte ainsi de l'instruction que l'administration a exercé son contrôle en tenant compte de chacun des mandats précités, détenus par Mme C.... Contrairement à ce que soutient la requérante, les fonctions de secrétaire de la délégation unique du personnel, du comité d'entreprise ou du comité social et économique ne constituent pas un mandat différent de celui de membre d'une de ces institutions de représentation, qui feraient l'objet d'une protection particulière au titre de l'article L. 2411-1 du code du travail. Les agents d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, élus pour représenter les professionnels au sein du conseil de la vie sociale dans les conditions prévues par les articles D. 311-5 et D. 311-13 du code de l'action sociale et des familles, ne bénéficient pas plus de cette protection. Si Mme C... fait encore état de son mandat de représentante des créanciers qu'elle a exercé dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de

la fondation Sainte-Marie en 2015, celle-ci soutient sans être contredite en réplique que la protection résultant de ce mandat a cessé, dans les conditions prévues par l'article L. 662-4 du code du commerce, avec le jugement du 16 avril 2015 adoptant le plan de continuation et ordonnant, notamment, le règlement des sommes dues aux salariés dans le cadre du régime de la garantie des salaires. Par suite, la circonstance que ni la demande d'autorisation, ni la décision contestée ne mentionnent l'ensemble des mandats revendiqués par Mme C... n'est de nature à démontrer une omission de l'administration dans le contrôle lui incombant sur ce point.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2421-1 du code du travail : " La demande d'autorisation de licenciement (...) est transmise par voie électronique selon les modalités prévues aux articles R. 112-9 à R. 112-9-2 du code des relations entre le public et l'administration ou par lettre recommandée avec avis de réception en deux exemplaires ". La fondation Sainte-Marie a produit en défense le courrier électronique adressé le 24 mars 2020 par l'unité départementale du Nord-Lille de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France, accusant réception de sa demande présentée le 23 mars 2020 en vue d'obtenir l'autorisation de licencier Mme C.... Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'employeur aurait omis de préciser, dans la demande d'autorisation, l'ensemble des éléments permettant d'identifier la salariée, notamment les informations concernant son état-civil. Dans ces conditions, en l'absence de contestation de ces éléments, le moyen tiré d'une prétendue méconnaissance des articles R. 112-9 à R. 112-9-2 du code des relations entre le public et l'administration, auxquels renvoie l'article R. 2421-1 du code du travail, ne peut qu'être écarté.

15. En troisième lieu, il appartient à l'inspecteur du travail compétent de vérifier la qualité de l'auteur de la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé qui doit être l'employeur ou une personne ayant qualité pour agir en son nom et habilitée à mettre en œuvre la procédure de licenciement. D'une part, il ressort de l'article 10 des statuts de

la fondation Sainte-Marie que son président la représente dans tous les actes de la vie civile. Ni l'article 9 des statuts, qui prévoit que le conseil d'administration fixe les conditions de recrutement et de rémunération du personnel, ni aucune autre stipulation de ce document ne confie à un autre organe que le président la compétence pour demander l'autorisation de licencier un personnel salarié de la fondation. D'autre part, il ressort du procès-verbal du conseil d'administration du 27 juin 2017 que la fondation Sainte-Marie est présidée par une autre association, Groupe SOS Séniors, qui, par une délibération du 18 avril 2018, a désigné Mme Audier comme présidente. L'accusé de réception délivré par l'administration précise que la demande d'autorisation litigieuse a été présentée le 24 mars 2020 par Mme Audier qui était donc compétente pour saisir l'administration du travail au nom de la fondation Sainte-Marie. Les allégations de Mme C..., qui met en cause l'authenticité de la signature de Mme Audier, portée sur divers documents, la validité de délégations de pouvoirs consenties à d'autres personnes que la présidente, ou le défaut de qualité à agir de la personne ayant saisi l'administration du travail de la première demande d'autorisation de licenciement, ne sont pas de nature à infirmer la qualité de Mme Audier pour agir au nom de l'employeur. Contrairement à ce que soutient encore Mme C..., la présidente de la fondation Sainte-Marie n'avait pas besoin d'un mandat spécial pour saisir l'administration du travail. Par suite, le moyen tiré de ce que la demande d'autorisation de licenciement aurait été présentée par une personne dépourvue de qualité pour agir au nom de l'employeur doit être écarté.

16. En quatrième lieu, il résulte des dispositions de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques que les avocats ont qualité pour représenter leurs clients devant les administrations publiques sans avoir à justifier du mandat qu'ils sont réputés avoir reçu de ces derniers dès lors qu'ils déclarent agir pour leur compte. A cet égard, Mme C... ne saurait utilement se prévaloir de l'article 10 des statuts de la fondation Sainte-Marie, en application duquel " le président ne peut être représenté en justice que par un mandataire agissant en vertu d'une procuration spéciale ", qui n'avait pas à s'appliquer pour le dépôt d'une demande d'autorisation de licenciement auprès de l'administration du travail. Le moyen tiré de ce que l'avocat de la fondation Sainte-Marie n'a pas justifié de son mandat lors du dépôt de la demande d'autorisation de licenciement ne peut donc qu'être écarté.

17. En cinquième lieu, il résulte des articles R. 2421-6 et R. 2421-14 du code du travail que, en cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate du salarié jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail, et doit consulter le comité social et économique dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied et présenter la demande d'autorisation de licenciement au plus tard dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité. En outre, l'employeur peut prendre, dans l'attente d'une éventuelle procédure disciplinaire, des mesures provisoires adaptées destinées à garantir les intérêts de l'entreprise, des autres salariés et des usagers, telles que la mise en disponibilité provisoire du salarié concerné, pourvu qu'il n'en résulte pas, sans l'accord du salarié, une modification durable de son contrat de travail.

18. Il ressort des pièces du dossier que la fondation Sainte-Marie a prononcé la mise à pied de Mme C... à compter du 6 mai 2019 puis, après l'intervention de la première décision de l'inspectrice du travail du 19 juillet 2019 refusant d'autoriser son licenciement, a mis fin à cette mesure conservatoire et l'a dispensée d'activité pendant l'instruction du recours hiérarchique présenté contre la décision de l'inspectrice. Après le rejet de ce recours, l'employeur a informé Mme C..., par un courrier que celle-ci indique avoir reçu le 25 février 2020, de sa décision de conduire une nouvelle procédure de licenciement et du maintien de la dispense d'activité rémunérée. Il n'est allégué ni que le maintien de cette mesure provisoire serait inadapté au regard des intérêts de l'entreprise, des autres salariés et des usagers, ni qu'il en résulterait une modification durable du contrat de travail de Mme C.... Dans ces conditions, ce courrier ne constitue pas une nouvelle mise à pied conservatoire prononcée par son employeur. Dès lors, Mme C... ne peut utilement soutenir que l'employeur n'a pas respecté, à compter de la notification de ce courrier, les délais prescrits par les articles R. 2421-6 et R. 2421-14 du code du travail. Par ailleurs, Mme C... ne saurait utilement se prévaloir de l'irrégularité entachant, selon elle, la mise à pied prononcée le 6 mai 2019 pour demander l'annulation de l'autorisation du 21 janvier 2021.

19. En sixième lieu, il résulte des articles R. 2421-1 et R. 2421-10 du code du travail que la demande d'autorisation de licenciement est transmise à l'inspection du travail, accompagnée du procès-verbal de la réunion du comité social et économique. Toutefois, la circonstance que le procès-verbal du comité social et économique du 12 mars 2020 n'a pas été transmis à l'administration simultanément avec la demande d'autorisation n'a pas fait obstacle à ce que l'inspectrice du travail puis la ministre du travail dispose de ce document en temps utile, ainsi qu'il ressort de la motivation de la décision de l'inspectrice du 22 mai 2020, leur permettant de vérifier la régularité de la consultation du comité. Mme C... ne saurait utilement se prévaloir d'une prétendue irrégularité du procès-verbal établi par les services de la fondation au motif que la secrétaire du comité, c'est-à-dire elle-même, s'est refusée à le rédiger.

20. En septième lieu, si Mme C... soutient que la mise à pied prononcée le 6 mai 2019 n'a pas été notifiée à l'inspection du travail dans les conditions fixées par l'article L. 2421-1 du code du travail, une telle circonstance n'aurait pas d'autre conséquence, le cas échéant, que la nullité de cette mise à pied conservatoire et serait donc sans influence sur la légalité de la décision d'autorisation de licenciement.

21. En huitième lieu, l'article 10 des statuts de la fondation prévoit que le directeur dirige les services de la fondation et en assure le fonctionnement, et dispose des pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa mission, par délégation du président. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avenant n° 1 à son contrat de travail signé le 26 juin 2019, que M. E... a été nommé directeur de la fondation à compter du 1er juillet 2019. Si Mme C... conteste, sans les produire, la validité de plusieurs délégations de pouvoirs débattues dans le cadre de la première procédure de licenciement et concernant divers protagonistes, ses allégations ne démontrent pas que la nomination de M. E... serait intervenue dans des conditions irrégulières. Par ailleurs, il ressort encore des pièces du dossier que Mme B..., désignée par un mandat du 21 avril 2020 pour représenter l'association Groupe SOS Séniors au sein de la fondation, a délégué les pouvoirs nécessaires à M. E... pour lui permettre d'assurer la direction des services, par un acte du 22 avril 2020 intervenu avant que l'inspectrice du travail puis la ministre du travail ne se prononcent sur la demande d'autorisation et vérifient la régularité de la procédure de licenciement. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le directeur de la fondation n'avait pas compétence pour convoquer la requérante à un entretien préalable prévu le 5 mars 2020, ou convoquer et présider le comité social et économique ne peuvent qu'être écartés.

22. En neuvième lieu, aux termes de l'article R. 2421-8 du même code : " L'entretien préalable au licenciement a lieu avant la consultation du comité social et économique faite en application de l'article L. 2421-3. (...) ". Saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée que si le comité social et économique a été mis à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.

23. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 21 février 2020, la fondation Sainte-Marie a convoqué Mme C... à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, prévu le 5 mars 2020. Si la requérante indique ne pas s'être présentée à ce rendez-vous pour un motif médical, son congé de maladie ne faisait pas obstacle à sa convocation à l'entretien préalable et l'employeur n'était pas tenu de faire droit à une éventuelle demande de nouvelle convocation ou de report de la date d'entretien.

24. D'autre part, si les dispositions de l'article R. 2421-8 du code du travail imposent que la réunion du comité social et économique appelé à se prononcer sur le projet de licenciement d'un salarié protégé ait lieu après l'entretien préalable entre le salarié et l'employeur prévu à l'article L. 1232-2 du même code, elles n'interdisent pas à peine d'irrégularité de la procédure que la convocation des membres de ce comité leur soit adressée antérieurement à l'entretien préalable. Mme C... ne saurait donc utilement soutenir que les membres du comité social et économique ont été convoqués par un courrier du 5 mars 2020, avant son entretien préalable prévu le même jour. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des pièces du dossier, notamment des convocations au comité social et économique et de la note d'information destinée à ses membres, que ceux-ci ont été informés de sa situation personnelle, du poste qu'elle occupe et de ses mandats de représentation. Ainsi qu'il a été dit au point 21, Mme C... n'établit pas que le directeur de la fondation aurait été sans pouvoir lui permettant de présider le comité social et économique. L'intéressée, qui ne s'est pas présentée à l'entretien préalable prévu le 5 mars 2020, ne démontre pas que le comité social et économique a été saisi de griefs distincts de ceux qui auraient été évoqués lors de cet entretien.

25. En dixième lieu, aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. (...) ". Selon l'article L. 1232-3 du code du travail : " Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié ".

26. Si Mme C... reproche au directeur de la fondation d'avoir publiquement annoncé son licenciement le 7 mai 2019 une semaine avant son entretien préalable, cette circonstance se rapporte à la première procédure de licenciement dont il est constant qu'elle s'est conclue par un refus de l'administration d'accorder l'autorisation de la licencier. Il n'est pas allégué par Mme C... qu'avant l'entretien préalable prévu le 5 mars 2020 dans le cadre de la seconde procédure de licenciement, les responsables de la fondation Sainte-Marie auraient tenu des propos laissant supposer de leur part une décision de la licencier avant la tenue de cet entretien.

27. En onzième lieu, en vertu de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance. Dans le cas où des investigations complémentaires ont été diligentées par l'employeur, elles ne sont de nature à justifier un report du déclenchement de ce délai que si elles sont nécessaires à la connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié. L'employeur ne peut pas fonder une demande d'autorisation de licenciement sur des faits prescrits en application de cette disposition, sauf si ces faits procèdent d'un comportement fautif de même nature que celui dont relèvent les faits non prescrits donnant lieu à l'engagement des poursuites disciplinaires.

28. Si, d'après le rapport de l'audit réalisé du 7 au 20 janvier 2019 sur l'analyse des facteurs impactant la qualité de vie professionnelle et personnelle, les enquêteurs ont relevé notamment l'existence de conflits interprofessionnels et une dégradation de l'ambiance de travail au sein de la fondation Sainte-Marie, ils ne font pas état dans ce rapport de faits reprochés par les salariés à Mme C... qui auraient pu être portés à la connaissance de l'employeur à l'occasion de la restitution des conclusions de l'audit en février et mars 2019. Il ressort des pièces du dossier que la fondation Sainte-Marie a reçu plusieurs attestations, établies par des collègues de Mme C... à compter du mois d'avril 2019 dénonçant des faits de maltraitance imputés à l'intéressée. Ces témoignages ont été complétés par des courriers d'alerte émanant du médecin du travail au cours du mois de mai 2019. La circonstance que, dans certaines attestations, les témoins indiquent avoir ponctuellement rapporté les faits dont ils s'estimaient victimes auprès du directeur de la fondation ou de responsables de certains services de l'établissement ne permet pas d'établir que l'employeur avait une connaissance exacte de la nature et de l'ampleur des faits reprochés à la requérante. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que les faits reprochés par l'employeur étaient prescrits lorsqu'elle a été convoquée le 6 mai 2019 à un entretien préalable à un licenciement.

29. En douzième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " (...) Si un doute subsiste, il profite au salarié (...) ".

30. Pour autoriser le licenciement de Mme C..., la ministre du travail s'est fondée sur les agissements et propos agressifs, menaçants et violents qu'il lui est reproché d'avoir commis de façon répétée sur le lieu de travail, et qui sont à l'origine de tensions et de craintes altérant la santé mentale ou physique des salariées qui en sont victimes.

31. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'audit effectué au cours du mois de janvier 2019 au sein de la fondation Sainte-Marie afin d'améliorer la qualité de la prise en charge des résidents, plusieurs salariés ont fait part de fortes tensions professionnelles au sein du service, qu'ils ont ensuite confirmé dans des courriers adressés à la direction en mettant en cause le comportement et les propos humiliants et dénigrants de la requérante à l'égard de certains d'entre eux depuis plusieurs années. Mme C... n'apporte à l'instance aucun élément permettant de douter de la validité des attestations produites par la fondation Sainte-Marie et de l'identité de leurs auteurs. La circonstance que ces attestations ne sont pas rédigées dans les conditions prévues par l'article 202 du code de procédure civile ne fait pas obstacle à ce qu'elles soient prises en compte. Il n'est pas établi que les éléments de preuve réunis par l'employeur, notamment les messages électroniques échangés par Mme C... avec un autre protagoniste au mois de juillet 2018, auraient été obtenus par des moyens disproportionnés portant une atteinte excessive au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. Elle ne saurait utilement se prévaloir d'une méconnaissance du secret médical à l'encontre des éléments versés au dossier se rapportant à l'état de santé d'autres salariés, alors qu'il n'est pas établi que ces derniers auraient refusé leur communication par l'employeur. Il ressort des nombreuses attestations produites par ce dernier, qui sont précises et concordantes, que Mme C... tient de façon habituelle des propos méprisants sur plusieurs de ses collègues et formule à leur égard des menaces, leur signifiant qu'elle est en mesure d'obtenir leur licenciement si elle le souhaite. La violence verbale de Mme C... et son attitude de dénigrement à l'égard de ses collègues ont été corroborées par le médecin du travail qui, après avoir reçu plusieurs salariées dans le cadre des visites médicales annuelles, a alerté la fondation Sainte-Marie par un courrier du 10 mai 2019 mentionnant que leur collègue investie de fonctions représentatives, qui ne peut être que Mme C..., a un comportement et tient certains propos qui ne sont pas nécessaires pour mener à bien une action syndicale dans l'intérêt des salariés, débordant également parfois de ses prérogatives. Il ressort également des pièces du dossier que le comportement de Mme C... au sein du service est à l'origine d'un mal-être et d'une souffrance morale chez ses collègues qui en sont victimes et est donc de nature à porter atteinte à leur santé mentale. Si Mme C..., qui fait état de nombreux dysfonctionnements au sein de l'établissement, d'ailleurs relevés par le rapport d'audit précité, se prévaut de faits répréhensibles imputables à d'autres salariées alors qu'elle-même est appréciée par un grand nombre de ses collègues, ainsi qu'il ressort des nombreuses attestations établies en sa faveur, ces éléments ne permettent pas de remettre en cause les griefs sur lesquels s'est fondée la ministre du travail pour autoriser son licenciement. Eu égard à la teneur des propos reprochés à Mme C... et à son attitude menaçante, qu'elle a tenue de façon réitérée, les faits retenus par la ministre, qui revêtent un caractère fautif, sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, en dépit de l'absence d'antécédent disciplinaire, de son ancienneté de dix-huit ans au sein de la fondation et de l'ambiance de travail dégradée au sein du service. Par suite, la ministre du travail n'a pas méconnu les dispositions applicables du code du travail en autorisant le licenciement de Mme C....

32. En treizième lieu, si Mme C... fait état de fortes tensions avec la direction de la fondation Sainte-Marie, les représentants du syndicat concurrent et certaines salariées de l'établissement, et relève la concomitance entre sa demande visant à obtenir les comptes de la fondation et l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cette procédure, justifiée par la gravité des fautes reprochées, présenterait un lien avec ses fonctions représentatives ou son appartenance syndicale. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'un lien entre son licenciement et les mandats qu'elle détient doit être écarté.

33. En dernier lieu, l'autorité administrative peut refuser l'autorisation de licenciement en retenant un motif d'intérêt général, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.

34. Il ressort des pièces du dossier que la fondation Sainte-Marie comporte d'autres représentants syndicaux que Mme C.... Il n'est pas démontré que le licenciement de la requérante aurait pour effet d'empêcher ces représentants d'exercer leur mandat et de défendre les intérêts des salariés auprès de l'employeur. Dans ces conditions, le maintien de Mme C... au sein de l'établissement ne saurait constituer, dans les circonstances de l'espèce, un motif d'intérêt général justifiant que soit refusée l'autorisation de la licencier.

35. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

36. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la fondation Sainte-Marie et de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme dont Mme C... demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme dont la fondation Sainte-Marie demande le versement au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la fondation Sainte-Marie présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à la fondation Sainte-Marie et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Délibéré après l'audience publique du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Geneviève Verley-Cheynel, présidente de la cour,

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de la cour,

Signé : G. Verley-CheynelLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière

C. Huls-Carlier

2

N° 23DA01031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01031
Date de la décision : 18/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Verley-Cheynel
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Malfoy
Avocat(s) : EYRIGNOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-18;23da01031 ?
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