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05/07/2023 | FRANCE | N°23DA00354

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 05 juillet 2023, 23DA00354


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 14 juin 2022 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2203050 du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet territorialement compétent de renouveler le titre de séjour de Mme B... et de lui restituer son pass

eport dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 14 juin 2022 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2203050 du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet territorialement compétent de renouveler le titre de séjour de Mme B... et de lui restituer son passeport dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 février 2023 et le 10 mars 2023, le préfet de l'Eure demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme B....

Il soutient que le refus de titre en litige ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2023, Mme B..., représentée par Me Florent Nkounkou, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 14 juin 2022 est insuffisamment motivé ;

- le refus de titre méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre ;

- la décision fixant le pays de renvoi est également illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par une ordonnance du 18 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mai 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91 647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Mme B..., ressortissante de la République du Congo, a sollicité, le 3 novembre 2021, le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 14 juin 2022, le préfet de l'Eure a rejeté cette demande, a obligé Mme B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Saisi par Mme B..., le tribunal administratif de Rouen, par un jugement du 31 janvier 2023, a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet territorialement compétent de renouveler le titre de séjour de l'intéressée dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Le préfet de l'Eure relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires, doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous les éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, la possibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé dans son avis du 4 avril 2022 que si l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays.

5. Pour renverser cette présomption, Mme B... a produit trois attestations des 10 mars 2020, 13 novembre 2021 et 12 juillet 2022, rédigées par un même pneumologue du centre hospitalier universitaire de Brazzaville, qui indique que la prise en charge du syndrome de l'apnée du sommeil sévère dont souffre l'intéressée n'est pas possible au Congo par un appareil sous pression positive continue. Un médecin oto-rhino-laryngologiste exerçant dans un autre hôpital a confirmé dans un certificat du 17 février 2020 que l'entretien, la surveillance et les contrôles liés à un tel appareillage ne sont pas disponibles au Congo. Enfin, Mme B... a produit une étude, il est vrai réalisée auprès de médecins non spécialisés, qui a conclu à une mauvaise connaissance par les médecins de Brazzaville du syndrome de l'apnée du sommeil et par suite à une mauvaise prise en charge de cette pathologie.

6. Toutefois, d'une part, le compte-rendu de suivi établi le 22 juin 2022 par le fournisseur de l'appareil utilisé par Mme B..., a constaté que cet appareil avait été utilisé par l'intéressée deux heures et deux minutes par jour sur les huit derniers mois, alors que la Haute Autorité de Santé a relevé dans un document d'octobre 2014 que l'effet positif d'un tel équipement n'est observé que chez les patients dont l'observance est au moins égale à quatre heures par nuit.

7. D'autre part, l'examen respiratoire pratiqué le 14 août 2020 par un centre hospitalier a conclu à un syndrome d'apnée du sommeil modéré et indiqué que l'intéressée pouvait également être prise en charge par une orthèse d'avancée mandibulaire dont l'utilisation est plus aisée qu'un appareil sous pression positive continue. Le document mentionné ci-dessus de la Haute Autorité de Santé indique que l'orthèse d'avancée mandibulaire est prescrite en deuxième intention par rapport à un appareil sous pression positive continue, y compris dans les cas de comorbidité cardio-vasculaire, lorsque l'index apnées/hypopnées est inférieur à 30, ce qui est le cas de Mme B.... Ce document souligne également l'efficience de cette orthèse. Si les certificats mentionnés ci-dessus des 13 novembre 2021 et 12 juillet 2022 d'un pneumologue hospitalier de Brazzaville ont exposé que l'orthèse de l'avancée mandibulaire n'est pas indiquée pour Mme B..., il n'est pas établi que ce praticien connaisse et suive l'intéressée et cette affirmation n'est pas corroborée par le compte-rendu de suivi et l'examen respiratoire mentionnés ci-dessus.

8. Enfin, aucun document des médecins suivant l'intéressée n'établit qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'une orthèse d'avancée mandibulaire en République du Congo.

9. Dans ces conditions, il n'est pas établi que Mme B... ne pourrait pas bénéficier d'un traitement de substitution approprié dans son pays d'origine. Le préfet est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen s'est fondé, pour annuler l'arrêté du 14 juin 2022, sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... tant devant le tribunal administratif de Rouen que devant la cour.

Sur les autres moyens invoqués par Mme B... :

S'agissant de la motivation :

11. L'arrêté du 14 juin 2022 énonce les motifs de droit et de fait qui ont fondé ses différentes décisions. En particulier, s'il cite l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 4 avril 2022, il fait également mention de " l'examen particulier du dossier et de l'ensemble des éléments communiqués par l'intéressée ". Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté doit donc être écarté.

S'agissant du moyens propre à la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.

S'agissant du moyen propre à la décision fixant le pays de renvoi :

13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Eure est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen, par le jugement contesté, a annulé son arrêté du 14 juin 2022. Les conclusions de Mme B... à fin d'annulation et par voie de conséquence, ses conclusions d'injonction, tant en première instance qu'en appel, doivent donc être rejetées.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

15. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 31 janvier 2023 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : Les demandes de Mme B... devant le tribunal administratif et devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme C... B... et à Me Florent Nkounkou.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 22 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 juillet 2023.

Le rapporteur,

Signé : D. PerrinLe président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°23DA00354 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00354
Date de la décision : 05/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : NKOUNKOU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-07-05;23da00354 ?
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