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17/05/2023 | FRANCE | N°22DA02372

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 mai 2023, 22DA02372


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 2200036 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté

sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 novembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 2200036 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2022, Mme C..., représentée par Me Mezine, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que le préfet a refusé de procéder à son admission exceptionnelle au séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :

- cette décision est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors qu'elle a été privée de la possibilité de présenter des observations avant l'édiction de cette décision ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2022, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février2023.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Sauveplane, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., épouse C..., ressortissante algérienne née le 17 février1978 à El Harrouch (Algérie), est entrée en France le 8 octobre 2019, selon ses déclarations, sous couvert d'une carte de résident longue durée délivrée le 23 février 2014 par les autorités italiennes, accompagnée de deux de ses trois enfants. Elle a sollicité, le 19 mars 2021, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un étranger en situation régulière. Par un arrêté du 1er décembre 2021, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 7 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Mme C... fait valoir qu'elle réside en France depuis le 8 octobre 2019 avec son époux, qui est titulaire d'une carte de séjour temporaire et exerce une activité salariée dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, et que trois enfants sont nés, les 29 août 2005, 30 janvier 2008 et 10 juillet 2013, de leur union. Toutefois, Mme C..., qui est entrée en France à l'âge de quarante-et-un ans et ne résidait sur le territoire français que depuis deux ans et deux mois à la date de l'arrêté contesté, n'établit ni même n'allègue ne pas être éligible au regroupement familial et se borne à se prévaloir de la présence de son époux et de la scolarisation en France de ses trois enfants. Dans ces conditions, compte tenu notamment du fait que Mme C... est titulaire d'une carte de résident longue durée délivrée par les autorités italiennes qui l'autorise à rendre régulièrement visite à son époux en France, le préfet du Pas-de-Calais, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. De même, le moyen tiré de ce que le préfet du Pas-de-Calais, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté pour les mêmes motifs.

4. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, que l'admission exceptionnelle au séjour de Mme C... par la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais, en refusant de procéder à l'admission exceptionnelle au séjour de Mme C..., ne peut être regardé comme ayant entaché cette décision d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que cet arrêté, en ce qu'il fait obligation à Mme C... de quitter le territoire français, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles la mesure ainsi édictée par le préfet du Pas-de-Calais se fonde, et satisfait ainsi à l'exigence de motivation posée par les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

6. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3.

Sur la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a. le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; / (...) ". Si l'article 41 de la charte s'adresse non pas aux États membres, mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l'Union européenne, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne également invoqué par Mme C....

8. Il appartient à l'autorité préfectorale comme à toute administration de faire application du droit de l'Union européenne et d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration. Parmi ces principes, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2. de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce droit implique seulement que, informé de ce qu'une décision est susceptible d'être prise à son encontre, l'intéressé soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. En outre, lorsque, comme en l'espèce, il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Dès lors, le droit de l'intéressé d'être entendu, étant ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français et le délai de départ volontaire, qui sont pris concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.

9. Si Mme C... soutient qu'elle n'a pas eu la possibilité de présenter des observations avant l'édiction de la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait sollicité un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'elle n'aurait pas eu la possibilité de faire valoir tous éléments utiles avant que cette décision ne soit prise. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision du préfet du Pas-de-Calais fixant à trente jours le délai imparti à Mme C... pour quitter volontairement le territoire français est entachée d'une violation du principe général du droit d'être entendu avant l'édiction d'une mesure défavorable, garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.

10. En second lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté, en ce qu'il fixe à trente jours le délai de départ volontaire, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles la mesure ainsi édictée par le préfet du Pas-de-Calais se fonde, et satisfait ainsi à l'exigence de motivation posée par les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., épouse C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Mezine.

Copie en sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 4 mai 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2023.

Le président, rapporteur,

Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA02372 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02372
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : MEZINE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-17;22da02372 ?
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