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17/05/2023 | FRANCE | N°22DA01768

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 mai 2023, 22DA01768


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 8 février 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre à l'autorité préfectorale compétente, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire,

de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente et d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 8 février 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre à l'autorité préfectorale compétente, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente et dans le délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2201182 du 15 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé l'arrêté du 8 février 2022 du préfet de la Seine-Maritime, d'autre part, enjoint au préfet territorialement compétent, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 août 2022, le préfet de Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rouen.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges, pour annuler son arrêté, ont estimé que cet arrêté méconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.

La requête a été communiquée à Mme B... le 14 septembre 2022 qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 20 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mathieu Sauveplane, président assesseur, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante tunisienne née le 6 juin 1995 à Zarzis (Tunisie), est entrée en France en décembre 2016, selon ses déclarations. Elle a sollicité, le 15 décembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 8 février 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 15 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet territorialement compétent, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de ce jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel de ce jugement.

2. Pour annuler l'arrêté du 8 février 2022, le tribunal administratif de Rouen a estimé que la décision par laquelle le préfet de la Seine-Maritime avait refusé de délivrer à Mme B... un titre de séjour portait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaissait ainsi les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le tribunal administratif a relevé que Mme B..., qui était entrée en France en 2016 pour rejoindre son époux, titulaire d'une carte de résident valable du 20 novembre 2019 au 19 novembre 2029, le mariage étant en date du 26 décembre 2015, avait donné naissance sur le territoire français, le 19 mai 2019 et le 7 juillet 2020, à deux enfants et qu'à la date de l'arrêté contesté, elle résidait en France auprès de son époux, en situation régulière depuis plus de trois années, et que le plus jeune de ses enfants avait une santé fragile. Les premiers juges ont déduit de l'ensemble de ces éléments que, compte tenu de l'ancienneté et de la stabilité de la vie familiale de l'intéressée en France et nonobstant la circonstance qu'en raison de la situation professionnelle et administrative de son époux, elle pourrait bénéficier d'un regroupement familial, la décision de refus de titre de séjour portait une atteinte excessive au droit de Mme B... au respect de la vie familiale et privée et méconnaissait, en conséquence, les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est mariée, le 26 décembre 2015, en Tunisie, avec un compatriote. L'époux de Mme B... réside en France et est titulaire d'une carte de résident, valable du 20 novembre 2019 au 19 novembre 2029. Mme B..., après être entrée régulièrement en Allemagne le 30 novembre 2016, a rejoint son époux en France au cours de l'année 2016. Elle a donné naissance sur le territoire français à deux enfants, nés le 19 mai 2019 et le 7 juillet 2020, le second enfant né de cette union bénéficiant d'une prise en charge médicale depuis la naissance en raison d'une affection abdominale. Ainsi, à la date de la décision de refus de titre de séjour, Mme B... résidait en France auprès de son époux, qui est en situation régulière depuis plus de trois années. Il n'est pas contesté par le préfet de la Seine-Maritime que l'époux de Mme B... bénéficie de revenus suffisants pour lui permettre de prendre en charge l'ensemble de sa famille, sans être une charge déraisonnable pour le système d'assistance français. Par ailleurs, il n'est pas contesté que la cellule familiale entretient des liens particulièrement étroits. Dans les circonstances particulières de l'espèce, c'est donc à bon droit, alors même que Mme B... remplit, ainsi que le fait valoir le préfet de la Seine-Maritime, les conditions pour le bénéfice d'un regroupement familial, que les premiers juges ont estimé que la décision de refus de titre de séjour portait une atteinte disproportionnée au droit de celle-ci au respect de la vie privée et familiale, au regard des buts poursuivis par cette décision, et méconnaissait ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé son arrêté du 8 février 2022, d'autre part, enjoint au préfet territorialement compétent, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", enfin, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience publique du 4 mai 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2023.

Le président, rapporteur,

Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA01768 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01768
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-17;22da01768 ?
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