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18/04/2023 | FRANCE | N°22DA00335

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 18 avril 2023, 22DA00335


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Thyssenkrupp ascenseurs a demandé au tribunal administratif de Lille, sous le n° 1811567, d'annuler la décision du 12 octobre 2018 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail de l'unité

départementale Nord-Lille du 20 avril 2018 refusant d'autoriser le licenciement de M. A... et, statuant de nouveau, a refusé d'autoriser ce licenciement. Elle a par ailleurs demandé au tribunal de mettre à la charge de l'Etat la somme de

3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Thyssenkrupp ascenseurs a demandé au tribunal administratif de Lille, sous le n° 1811567, d'annuler la décision du 12 octobre 2018 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail de l'unité

départementale Nord-Lille du 20 avril 2018 refusant d'autoriser le licenciement de M. A... et, statuant de nouveau, a refusé d'autoriser ce licenciement. Elle a par ailleurs demandé au tribunal de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, sous le n° 2006868, d'annuler, d'une part, la décision du 12 février 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle de Lille-Ouest a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire, d'autre part, la décision du 4 août 2020 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a confirmé la décision de l'inspecteur du travail, et, enfin, de mettre à la charge de la société Thyssenkrupp ascenseurs la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1811567, 2006868 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces deux requêtes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 14 février 2022, le 18 mai 2022 et le 9 août 2022, M. A..., représenté par Me Ducrocq, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa requête enregistrée sous le n° 2006868 tendant à l'annulation de la décision de la ministre du travail du 4 août 2020 ;

2°) d'annuler la décision de la ministre du travail du 4 août 2020 confirmant la décision du 12 février 2020 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement pour faute ;

3°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 12 février 2020 autorisant son licenciement pour faute ;

4°) de confirmer l'article 3 du jugement en ce qu'il a rejeté les conclusions présentées dans l'instance n° 2006868 par la société Thyssenkrupp ascenseurs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de rejeter la demande de la société Thyssenkrupp ascenseurs tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté la requête n° 1811567 ;

6°) de mettre à la charge de la société Thyssenkrupp ascenseurs la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions des 12 février et 4 août 2020 sont insuffisamment motivées et méconnaissent les articles R. 421-5, R. 2421-7 et R. 2421-16 du code du travail ; elles ne précisent pas les raisons pour lesquelles l'administration du travail a considéré qu'il n'existait pas de lien entre son licenciement et ses mandats syndicaux ;

- il existe un lien entre ses mandats de représentant du personnel et son licenciement ;

- le motif tiré du non-respect des dispositions de l'accord du 12 décembre 2018 par

le non-respect de la remise de bons de délégation dans le cadre de ses mandats depuis les mois de septembre, octobre et novembre 2019 n'est pas matériellement établi ;

- ce grief, qui ne révèle pas un manquement d'une gravité suffisante, ne peut en tout état de cause justifier son licenciement pour faute ; la sanction est disproportionnée ;

- les deux autres motifs, tirés de ses nombreuses absences répétées et injustifiées et de la non-réalisation des audits de sécurité ne sont pas davantage établis et ne peuvent fonder son licenciement disciplinaire ;

- s'agissant des conclusions d'appel présentées par la société TK Elevator contre la décision du 12 octobre 2018 refusant son licenciement, les deux griefs qui lui sont faits ne sont pas matériellement établis et ne peuvent dès lors être regardés comme une faute susceptible de fonder son licenciement.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 mai, 17 juillet et 31 août 2022, la société TK Elevator, venant aux droits de la société Thyssenkrupp ascenseurs, représentée par Me Preteseille, conclut :

1°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif du 22 décembre 2021 en tant qu'il a rejeté sa requête enregistrée sous le n° 1811567 et par voie de conséquence, à l'annulation de la décision du 12 octobre 2018 de la ministre du travail, en tant qu'elle a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... ;

2°) au rejet de la requête d'appel de M. A... en tant qu'il demande l'annulation du jugement du 22 décembre 2021, en tant qu'il a rejeté la requête n° 2006868 ;

3°) à ce que soit mis à la charge de M. A... les dépens et le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés dans la requête d'appel de M. A... ne sont pas fondés ;

- les décisions de l'inspecteur du travail et de la ministre du travail sont suffisamment motivées ;

- il n'existe aucun lien entre les mandats détenus par M. A... et son licenciement, fondé sur des faits fautifs, matériellement établis, qui présentent un caractère de gravité et de répétition justifiant cette sanction ;

- s'agissant de la décision du 12 octobre 2018 de la ministre du travail, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille ne l'a pas annulée alors qu'il a retenu qu'étaient matériellement établies et fautives les absences répétées et non motivées ainsi que l'absence de remise de bons de délégation ; ces faits réitérés et suffisamment graves, justifiaient la mesure de licenciement envisagée.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 juin 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut à la confirmation du jugement et au rejet du recours présenté par M. A....

Il soutient n'avoir pas d'autres observations complémentaires à formuler que celles exposées dans son mémoire de première instance du 26 novembre 2020 auquel il renvoie.

Par une ordonnance du 19 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 1er septembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Preteseille, pour la société TK Elevator.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., recruté par un contrat à durée indéterminée à compter du 2 novembre 1992 par la société Thyssenkrupp ascenseurs en qualité d'agent de montage, occupait, depuis le 21 octobre 2005, l'emploi de conducteur de travaux au sein de l'établissement situé

à Marcq-en-Barœul dans le département du Nord. M. A... détenait par ailleurs des mandats syndicaux en tant que membre élu titulaire au sein du comité social et économique et délégué syndical central de la CFDT. Par un courrier du 29 mars 2018, son employeur a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire en invoquant ses absences répétées et injustifiées en novembre et décembre 2017 et l'absence ou la remise tardive de ses bons de délégation pour l'exercice de ses mandats de représentant élu du personnel. Par une décision du 20 avril 2018, l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle de Lille-Ouest a refusé de délivrer l'autorisation de licencier M. A.... Par un courrier du 14 juin 2018, la société Thyssenkrupp ascenseurs a formé à l'encontre de cette décision un recours hiérarchique auprès de la ministre du travail, laquelle, par une décision du 12 octobre 2018, a annulé la décision du 20 avril 2018 prise par l'inspecteur du travail au motif que le principe du contradictoire avait été méconnu. La ministre a toutefois de nouveau refusé l'autorisation de licenciement en retenant que le non-respect de l'obligation de remise des bons de délégation par M. A... ne constituait pas une faute d'une gravité suffisante. Par un courrier du 12 décembre 2019, la société Thyssenkrupp ascenseurs a une nouvelle fois sollicité auprès de l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle de Lille-Ouest l'autorisation de licencier M. A... aux motifs d'absences injustifiées, de

la non-réalisation des audits de sécurité, d'une demande de remboursement de notes de frais pour des déjeuners avec consommation d'alcool ainsi que du non-respect de l'accord collectif du 12 décembre 2018 prévoyant la remise des bons de délégation. Par une décision du 12 février 2020, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement sollicité pour motif disciplinaire. La société Thyssenkrupp ascenseurs a notifié le licenciement à son salarié protégé le 18 février suivant. Par une décision du 4 août 2020, prise sur recours hiérarchique formé par M. A... auprès de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, cette dernière a confirmé la décision de l'inspecteur du travail du 18 février 2020.

2. M. A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer l'annulation des décisions des 12 février et 4 août 2020. M. A... relève appel du jugement rendu le 22 décembre 2021 par ce tribunal, en tant qu'il a rejeté sa requête dirigée contre les deux décisions précitées de l'inspecteur du travail puis de la ministre du travail. La société Thyssenkrupp ascenseurs, devenue société TK Elevator, forme appel incident contre le même jugement, en tant qu'il a rejeté sa requête enregistrée sous le n° 1811567, par laquelle elle demandait l'annulation de la décision du 12 octobre 2018 en vertu de laquelle la ministre du travail, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail de l'unité départementale Nord-Lille du 20 avril 2018 refusant d'autoriser le licenciement de M. A... pour un vice de procédure, a refusé de valider cette mesure.

Sur les conclusions d'appel principal :

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 4 août 2020 :

3. Il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lille dans son jugement du 22 décembre 2021, le moyen tiré de ce que le requérant ne peut utilement invoquer le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision rejetant le recours hiérarchique dirigé contre la décision de l'inspecteur du travail statuant sur la demande d'autorisation de licenciement formée par l'employeur.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 12 février 2020 :

En ce qui concerne la motivation :

4. D'une part, aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) " et, d'autre part, aux termes des articles R. 2421-7 et R. 2421-16 de ce code : " L'inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé ".

5. Il ressort des termes de la décision attaquée que les considérations de droit qui en constituent le fondement sont précisées, et en particulier les dispositions pertinentes du code du travail. S'agissant de la situation de M. A..., la décision mentionne qu'il détient les mandats de membre titulaire du CSE, de délégué syndical central et de représentant de proximité de l'agence de Lille. La décision mentionne également les différents éléments permettant de s'assurer du respect des règles procédurales ainsi que les reproches formulés par l'employeur à l'encontre du salarié. Elle précise ensuite les considérations sur lesquelles s'est fondé l'inspecteur du travail pour estimer que le grief relatif au non-respect de l'accord du 12 décembre 2018 prévoyant la remise de bons de délégation était matériellement établi et présentait un caractère fautif justifiant à lui seul le prononcé de la mesure. Par ailleurs, l'inspecteur du travail a vérifié que le licenciement ne présentait pas de lien avec les mandats détenus par l'intéressé. Si M. A... soutient que la décision en litige est entachée d'un défaut de motivation dès lors qu'elle ne comporte aucun motif sur l'existence ou l'absence de discrimination, la mention précitée suffit également à satisfaire à l'exigence de motivation prévue par les dispositions du code du travail citées au point précédent. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la matérialité des faits reprochés par l'employeur :

6. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives qui bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

7. Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. / Si un doute subsiste, il profite au salarié ".

8. La société Thyssenkrupp ascenseurs a sollicité l'autorisation de licencier M. A... pour motif disciplinaire, en invoquant trois fautes commises par ce dernier, à savoir, d'une part, la méconnaissance des dispositions de l'accord du 12 décembre 2018 relatif à la mise en place des instances représentatives du personnel au sein de la société par le non-respect de la remise de bons de délégation dans le cadre de ses mandats depuis les mois de septembre, octobre et novembre 2019, d'autre part, de nombreuses absences répétées et injustifiées et enfin la non-réalisation des audits de sécurité auxquels il était tenu en sa qualité de conducteur de travaux.

9. Pour autoriser le licenciement de M. A... pour motif disciplinaire, l'inspecteur du travail a retenu, s'agissant du premier grief, que la société Thyssenkrupp ascenseurs fournissait la preuve matérielle que l'intéressé ne remettait pas de bons de délégation dans le cadre de ses mandats syndicaux depuis avril 2019, en méconnaissance de l'article 9.2.2 de l'accord du 12 décembre 2018 dont il avait pourtant connaissance. L'inspecteur a considéré que cette abstention systématique pendant plusieurs mois, de la part du salarié en dépit des mises en garde qui lui avaient été adressées constituait un comportement qui revêtait un caractère fautif de nature à justifier à lui seul le licenciement.

10. En vertu des stipulations de l'article 9.2.2 de l'accord relatif à la mise en place des instances représentatives du personnel au sein de la société Thyssenkrupp ascenseurs SAS, signé le 12 décembre 2018 entre la société et les organisations syndicales : " Le système de bons de délégation ne constitue pas une autorisation préalable de l'employeur. Il vise à faciliter l'information de la hiérarchie, à assurer le bon fonctionnement des services et à faciliter la comptabilisation et l'indemnisation des heures de délégation. Les bons de délégation doivent être utilisés pour l'exercice du mandat des représentants des salariés, hors les réunions organisées par Thyssenkrupp Ascenseurs. / Un modèle de bon de délégation qui devra être utilisé par les représentants des salariés est annexé au présent accord (Annexe 3). / En cas de pluralité de mandats, afin de faciliter le décompte des heures de délégation, le représentant des salariés doit indiquer à quel mandat les heures de délégation doivent être affectées. / Les bons de délégation doivent être remis le plus tôt possible et, sauf imprévu, trois jours avant l'absence prévue à la hiérarchie du représentant du personnel concerné. Ils peuvent être transmis par tous moyens possibles (remise en main propre, envoi par La Poste, envoi d'un pdf...). / (...) A la place d'un bon de délégation papier, il est possible d'utiliser un message électronique dès lors que toutes les informations prévues par le bon de délégation papier sont mentionnées dans le message électronique. Les mêmes délais de prévenance s'appliquent en cas d'utilisation d'un message électronique ".

11. Il résulte des stipulations précitées que les bons de délégation ont pour objet d'informer préalablement la hiérarchie des absences des représentants des salariés, nécessitées par l'exercice de leur mandat. Si l'accord prévoit la possibilité d'utiliser notamment un message électronique en lieu et place d'un bon de délégation, ce mode alternatif ne saurait pour autant être interprété comme dispensant le salarié de son obligation de prévenir sa hiérarchie au minimum trois jours avant l'absence programmée. Par ailleurs, à supposer même que postérieurement à la signature de l'accord, un modèle différent du bon de délégation annexé à l'accord initial aurait été substitué sans être soumis à l'avis du comité social et économique, cette circonstance ne dispensait pas M. A..., soit de continuer d'utiliser les anciens modèles, soit, en tout état de cause, d'informer sa hiérarchie par la voie d'un message électronique répondant aux conditions et formes définis par l'article 9.2.2 de l'accord précité.

12. Si M. A... soutient encore que l'accessibilité directe à son agenda électronique " Outlook " permettait à son manager de savoir s'il était ou non en heures de délégation et que ce mode de fonctionnement ne posait pas de difficulté à ce dernier, ce moyen de communication ne saurait être regardé comme satisfaisant aux exigences de l'accord du 12 décembre 2018 qui requiert de l'agent qu'il adresse cette information lui-même et directement à son supérieur hiérarchique et non qu'il reviendrait à ce dernier de la rechercher par lui-même. Au demeurant, les informations contenues dans l'agenda électronique, dont les données peuvent être modifiées à tout moment, ne comportent pas l'ensemble des informations équivalentes à celles contenues dans les bons de délégation. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le nouveau manager de M. A... avait exigé l'utilisation de bons de délégation ou de moyens équivalents en excluant expressément l'usage de l'agenda électronique, auquel il n'avait pas constamment accès, ainsi que l'atteste le procès-verbal de constat établi le 4 novembre 2019 par un huissier de justice.

13. M. A... soutient encore que l'ensemble des autres représentants élus du personnel ne procédaient pas eux-mêmes à la remise des bons de délégation, en se prévalant d'un compte-rendu du comité social économique extraordinaire du 28 novembre 2019 mentionnant que d'autres représentants du personnel ne remettaient pas de bons de délégation. Toutefois, ces éléments ne sauraient révéler une tolérance ni une pratique consistant à dispenser les intéressés de leur obligation d'informer préalablement la hiérarchie de leurs absences, alors que la société TK Elevator a produit des bons de délégation signés par des représentants élus siégeant au même CSE, attestant du respect de cette formalité, qui revêt le caractère d'une obligation pour le salarié.

14. Enfin, si M. A... soutient qu'il consacrait presque 100 % de son temps à ses mandats de représentant du personnel, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il aurait bénéficié d'une décharge totale d'activité, de sorte qu'il n'était pas exempté de son obligation d'informer préalablement sa hiérarchie de ses absences pour l'exercice de ses mandats de représentant du personnel.

15. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le grief fondé sur l'absence de remise de bons de délégation est établi.

En ce qui concerne la qualification juridique des faits :

16. Il est constant qu'en sa qualité de représentant du personnel signataire de l'accord du 12 décembre 2018, M. A..., qui ne bénéficiait pas d'une décharge totale du temps qu'il devait consacrer à son poste de travail, avait connaissance de l'obligation d'informer sa hiérarchie de ses absences prévisionnelles consacrées à l'exercice de ses mandats. En outre, l'usage des bons de délégation ou d'un mode d'information équivalent prévu par l'article 9.2.2 de l'accord précité, lui a été rappelé par deux courriels datés des 7 juin et 5 juillet 2019 de la direction des ressources humaines, puis par un troisième courriel daté du 15 octobre 2019 du directeur d'agence suivi d'un quatrième courriel de son responsable hiérarchique, daté du 4 novembre 2019, l'invitant à régulariser sa situation par leur transmission. Il ressort au demeurant du rapport de l'inspecteur du travail que durant l'enquête contradictoire, M. A... a reconnu ne pas les transmettre depuis avril 2019 et n'utiliser que son agenda " Outlook " comme seul et unique support. Ce support ne peut cependant être regardé comme un moyen d'information présentant les caractéristiques d'un message électronique reprenant toutes les mentions en principe contenues dans un bon de délégation et il n'apparaît pas que tout ou partie des représentants du personnel de la société auraient été exemptés de leur obligation d'informer préalablement la hiérarchie de leurs absences selon les formalités prescrites par l'articles 9.2.2. A cet égard, il ressort du rapport de la DIRECCTE sur le recours porté par M. A... contre la décision d'autorisation de licenciement, que le comportement de ce dernier diffère de celui des autres représentants du personnel par son refus systématique et total de remplir les bons de délégation et de prévenir de ses absences, sans se justifier a posteriori. Ce rapport indique notamment que trois représentants du personnel dont le salarié produit les témoignages, " remplissent des bons de délégation ou à défaut, préviennent systématiquement et méthodiquement la hiérarchie de leurs absences pour l'ensemble du mois ". En outre, l'abstention de M. A... de recourir aux bons de délégation ou à un message électronique équivalent avait déjà été relevée au cours des mois de novembre et décembre 2017, motif pour lequel une précédente procédure disciplinaire avait été engagée. Ainsi, en dépit des mises en garde qui lui ont été adressées, par la réitération délibérée de faits qui ont pour effet de perturber le bon fonctionnement et l'organisation du travail au sein de l'entreprise, M. A... a adopté un comportement qui revêt un caractère gravement fautif. Dans les circonstances de l'espèce, en estimant que ces faits établis à l'encontre de M. A... constituaient à eux-seuls des fautes suffisamment graves pour justifier son licenciement, l'inspecteur du travail a procédé à une exacte qualification de ces manquements.

En ce qui concerne le lien entre le mandat et le licenciement :

17. M. A... soutient qu'il était victime d'un acharnement de son employeur du fait de ses mandats syndicaux, ceux-ci étant à l'origine de son licenciement. Au nombre des éléments de nature à démontrer un lien entre son licenciement et son engagement syndical, il invoque le fait que la direction aurait exempté les autres représentants du personnel de l'obligation de remettre des bons de délégation. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, ce fait ne ressort d'aucune pièce du dossier et notamment pas des témoignages des autres représentants du personnel. S'il se plaint, en deuxième lieu, du refus de son employeur de procéder au remboursement de frais tels que " la prime de panier " et le " lavage de bleu ", la société TK Elevator fait valoir, sans être contredite, que l'intéressé a sollicité ces remboursements de frais afférents à l'année 2019 sans justificatifs et qu'elle les lui a remboursés sans difficulté à partir du moment où il les a produits. Pour arguer du traitement différencié dont il ferait l'objet, M. A... se prévaut également d'un mail de son syndicat adressé le 4 mars 2020 à la direction, faisant état d'un " comportement délétère pour la santé physique et morale des élus CFDT ", qui ne comporte toutefois aucune indication circonstanciée. S'il allègue aussi avoir fait l'objet d'un traitement spécifique durant la période de confinement liée à la crise sanitaire provoquée par le Covid 19 dans la mesure où il aurait été le seul élu du personnel à ne pas bénéficier d'une attestation de l'employeur pour pouvoir continuer de se déplacer et exercer son activité syndicale, ces faits sont toutefois postérieurs à la demande de licenciement. En tout état de cause, il ressort du rapport de l'inspecteur du travail que celui-ci a estimé, d'une part, que l'entreprise avait agi conformément aux dispositions réglementaires en vigueur durant cette période d'état urgence sanitaire, en donnant à son salarié protégé les autorisations uniquement en cas de besoin, ses missions de représentant du personnel pouvant s'effectuer en télétravail et, d'autre part, a constaté que cette pratique était identique pour les autres salariés élus. M. A... soutient encore qu'il n'a pas été convié à une formation amiante programmée en octobre 2018 à laquelle il s'était inscrit et qu'il a été écarté du séminaire organisé dans la région Nord en avril 2020. Toutefois la société TK Elevator fait valoir, sans être utilement contredite sur ces points, qu'il a été convoqué à la formation amiante et invité au séminaire qui n'eut cependant pas lieu en raison de la pandémie liée au Covid 19. S'il apparaît, dans son compte-rendu d'entretien professionnel du 13 février 2019, l'indication, par son supérieur hiérarchique que son temps passé sur son emploi de conducteur de travaux n'était pas suffisant et évaluable compte tenu de ses absences et que son " activité travail est égale à 0 heures 00 ", pour regrettable que soit cette formule, elle ne saurait être regardée comme révélant une désapprobation de l'engagement syndical du salarié ni que son licenciement serait en lien avec son engagement syndical.

18. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que ces éléments ne révèlent aucun rapport de causalité directe entre la mesure de licenciement envisagée et l'exercice par M. A... de ses fonctions représentatives du personnel. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il n'existait aucun lien entre son licenciement et l'exercice de ses mandats représentatifs.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions d'annulation de la décision du 12 février 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle de Lille-Ouest a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire et de la décision du 4 août 2020 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion l'a confirmée.

Sur les conclusions d'appel incident présentées par la société TK Elevator contre la décision du 12 octobre 2018 :

20. Par une demande en date du 21 février 2018, la société Thyssenkrupp ascenseurs, devenue société TK Elevator, a sollicité auprès de l'inspecteur du travail de l'unité

de contrôle Lille-Ouest du pôle travail de l'unité départementale Nord-Lille, l'autorisation de procéder au licenciement pour motif disciplinaire de M. A.... Sa demande se fondait sur le reproche fait à l'intéressé, d'une part, d'avoir multiplié les absences au cours des mois de novembre et décembre 2017, sans les justifier malgré un courrier le mettant en demeure d'en expliquer les motifs adressé le 28 décembre 2017, et d'autre part, de méconnaître l'accord sur le dialogue social signé le 14 avril 2016, en s'abstenant de remettre des bons de délégation ou en les remettant tardivement à sa hiérarchie.

21. Par la décision du 12 octobre 2018 dont la société Thyssenkrupp ascenseurs a demandé l'annulation au tribunal, la ministre du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. A..., aux motifs que seule la matérialité et le caractère fautif du grief relatif à l'absence ou à la remise tardive de bons de délégation était matériellement établie et qu'en l'absence d'observation ou de sanction antérieure pour des faits similaires, ce grief n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement du salarié.

En ce qui concerne le grief tiré des absences répétées et injustifiées au cours des mois de novembre et décembre 2017 :

22. Aux termes de l'article L. 2143-13 du code du travail alors applicable : " Chaque délégué syndical dispose d'un temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions. / Ce temps est au moins égal à : / 1° Douze heures par mois dans les entreprises ou établissements de cinquante à cent cinquante salariés ; / 2° Dix-huit heures par mois dans les entreprises ou établissements de cent cinquante et un à quatre cent quatre-vingt-dix-neuf salariés ; / 3° Vingt-quatre heures par mois dans les entreprises ou établissements d'au moins cinq cents salariés. / Ce temps peut être dépassé en cas de circonstances exceptionnelles. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2143-17 de ce code : " Les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale. / L'employeur qui entend contester l'utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire ".

23. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments recueillis au cours de la procédure contradictoire menée par l'inspecteur du travail, que la société employeur reprochait à M. A... quinze journées d'absences injustifiées les 6, 7, 17, 21, 24, 28 et 29 novembre 2017 ainsi que les 1er, 4, 6, 8, 11, 12, 13 et 15 décembre 2017. Pour s'en expliquer, M. A... a invoqué, durant cette période, l'existence de circonstances exceptionnelles résultant selon lui de sa participation active à la négociation d'un plan de sauvegarde de l'emploi dans l'entreprise. Si un tel motif peut justifier légalement le dépassement du crédit d'heures de délégation et l'absence du salarié, il appartient toutefois à ce dernier, en cas de contestation de son employeur, d'apporter tous éléments de nature à établir son implication et sa participation effective à la négociation du plan de sauvegarde de l'emploi dans l'entreprise. Dès lors que le dépassement, par un salarié détenteur de mandats, du temps qu'il peut légalement consacrer à l'exercice de ses fonctions, est susceptible de constituer, alors même que ce temps passé au-delà de la durée légale n'est pas payé comme temps de travail, un manquement de l'intéressé à ses obligations professionnelles, les dispositions précitées de l'article L. 2143-17 du code du travail ne sauraient être interprétées comme limitant l'action de l'employeur à la seule saisine du conseil de prud'hommes. Il en résulte qu'il appartient au ministre chargé du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur des fautes commises durant l'exercice allégué de son mandat en dépassement de son quota d'heures de délégation, d'apprécier si les absences de ce dernier se rattachent à des circonstances exceptionnelles.

24. Il ressort de la décision du 12 octobre 2018 de la ministre du travail, que pour estimer que la matérialité et le caractère fautif du grief tiré des absences répétées et injustifiées de M. A... au cours des mois de novembre et décembre 2017 n'étaient pas établis, la ministre a d'abord indiqué que le salarié alléguait exercer ses mandats durant toutes les journées d'absences incriminées, en dépassement de son crédit légal d'heures de délégation, justifié par des circonstances exceptionnelles résultant de la négociation d'un plan de sauvegarde l'emploi et de la procédure afférente d'information et consultation du comité d'entreprise. Elle a ensuite retenu, en se fondant sur les dispositions précitées de l'article L. 2143-17 du code du travail, que l'employeur n'avait pas saisi le juge judiciaire seul compétent pour se prononcer. En statuant ainsi, la ministre du travail a entaché sa décision d'erreur de droit.

25. Toutefois, lorsque le juge administratif est saisi d'un litige portant sur la légalité de la décision par laquelle l'autorité administrative a autorisé ou refusé le licenciement d'un salarié protégé pour un motif fondé sur des fautes, il lui appartient de contrôler la conclusion à laquelle a abouti l'administration et le bien fondé du motif de licenciement sans s'arrêter sur une erreur susceptible d'entacher une des étapes intermédiaires de l'analyse portée sur ce point par l'autorité administrative.

26. L'existence d'un plan de sauvegarde de l'emploi peut être regardée comme une circonstance exceptionnelle justifiant le dépassement du crédit d'heures de délégation et lorsque le salarié détenteur d'un mandat fait usage de cette faculté, il doit être regardé comme placé dans une situation équivalente à l'utilisation d'heures de délégation, de sorte qu'aucune absence injustifiée ne saurait lui être reprochée. Il est constant que les mois de novembre et décembre 2017 au cours desquels il est reproché à M. A... douze journées d'absences non justifiées, coïncidaient avec la négociation d'un plan de sauvegarde de l'emploi à Angers. Il ressort d'un tableau synthétisant, quotidiennement, pour les mois de novembre et décembre 2017, les activités déclarées par M. A... et celles constatées par son employeur, que la participation effective de M. A... à diverses réunions organisées à Angers est attestée. Si, notamment pour les journées des 6, 17, 21 et 28 novembre 2017 ainsi que celles des 6, 8, 13 et 15 décembre 2017, le salarié n'a pas apporté de justifications, il ressort des mentions portées en observation par l'employeur dans le tableau précité la remise en cause du temps consacré au déplacement et non la réalité de celui-ci, ces dates correspondant au demeurant à la veille ou au lendemain de sa journée de présence à Angers. Mais il ressort par ailleurs du même tableau que les absences pour les journées des 1er et 11 décembre 2017 ont été regardées comme étant en lien avec l'exercice des mandats sans toutefois que l'intéressé en ait informé préalablement la direction par un bon de délégation.

27. Compte tenu des contraintes temporelles induites par les déplacements à Angers et bien qu'il n'ait pas apporté d'éléments justificatifs matériels, la participation effective de M. A... à des activités nécessitées par l'exercice de ses mandats, notamment et principalement pour la négociation d'un plan de sauvegarde de l'emploi à Angers qui n'est pas remise en cause, peut être regardée comme établie pour les journées des 6, 17, 21 et 28 novembre 2017 ainsi que celles des 1er, 6, 8, 11, 13 et 15 décembre 2017. Pour autant, en alléguant sans autre précision, sa participation, le 4 décembre 2017, à une réunion organisée par la direction dont l'existence même est contestée par l'employeur et sa présence à la négociation du plan de sauvegarde de l'emploi à Lille, le 12 décembre suivant, également contestée par la société qui l'emploie, l'intéressé ne peut être regardé comme justifiant le motif de ses absences pour ces deux journées. Dans ces conditions et dans cette mesure, le grief tiré des absences répétées et injustifiées doit être considéré comme matériellement établi et fautif pour ces deux journées.

En ce qui concerne le grief tiré de l'absence de remise ou de remise tardive des bons de délégation :

28. Aux termes des stipulations du paragraphe 2.2 de l'article 2 de l'accord-cadre sur le dialogue social et l'exercice des mandats des représentants du personnel, signé le 14 avril 2016 entre la société Thyssenkrupp ascenseurs et les organisations syndicales représentatives présentes dans cette société : " Le système de bons de délégation ne constitue pas une autorisation préalable de l'employeur. Il vise à faciliter l'information de la hiérarchie, à assurer le bon fonctionnement des services et à faciliter la comptabilisation et l'indemnisation des heures de délégation. Les bons de délégation doivent être utilisés pour l'exercice du mandat des représentants des salariés, hors les réunions organisées par Thyssenkrupp Ascenseurs. / Un modèle de bon de délégation qui devra être utilisé par les représentants des salariés est annexé au présent accord (Annexe 1). / En cas de pluralité de mandats, afin de faciliter le décompte des heures de délégation, le représentant des salariés doit indiquer à quel mandat les heures de délégation doivent être affectées. / Les bons de délégation devront être remis le plus en amont possible, notamment en cas de réunion ou de déplacement prévu suffisamment à l'avance et, idéalement, trois jours avant l'absence prévue à la hiérarchie du représentant du personnel concerné. Ils peuvent être transmis par tous moyens possibles (remise en main propre, envoi par La Poste, envoi d'un pdf.). / Pour les représentants des salariés qui participent à une réunion hebdomadaire avec leur encadrement, la remise du bon de délégation pourra être faite lors de cette réunion. / Dans les autres cas, le représentant des salariés informera, dans toute la mesure du possible, sa hiérarchie de son absence par tous moyens (courriel, SMS...) et régularisera ensuite par la remise d'un bon de délégation. Dans l'hypothèse où la réunion est organisée par Thyssenkrupp ascenseurs, la direction en informera le supérieur hiérarchique du représentant des salariés devant y participer ".

29. En l'espèce, M. A... ne conteste pas avoir sciemment omis d'utiliser les bons de délégation pour informer sa hiérarchie de ses absences programmées en lien avec l'usage de ses heures de délégation syndicale mais estime avoir informé son employeur de ses absences, par tous moyens, soit par le biais de son agenda " Outlook " auquel son supérieur hiérarchique avait accès, soit par la remise d'un document intitulé " fiche de décompte individuel " sur lequel il renseignait a posteriori le motif de son absence à son poste de travail, soit encore par la mise en copie par mail de l'assistant du service gestion administrative du personnel de l'entreprise de ses trajets dans le cadre de ses mandats. Toutefois, ainsi qu'il a déjà été dit au point 16, le support tel que l'agenda " Outlook " ne peut être regardé comme un moyen d'information reprenant toutes les mentions en principe contenues dans le bon de délégation et la remise d'une fiche de décompte individuel a posteriori n'est pas davantage conforme aux exigences de l'accord précité, qui impose au salarié de communiquer les informations relatives à ses absences pour motif syndical, avant la date prévue pour cet événement. Si, en réponse au courrier adressé par son employeur le 28 décembre 2017 lui rappelant la nécessité de respecter cette obligation, M. A... a notamment remis, le 8 janvier 2018, les bons de délégation justifiant ses absences pour les journées des 2, 3, 4 et 5 janvier 2018 ou le 22 janvier 2018, pour la journée du 19 janvier, ces régularisations a posteriori n'ont pu compenser l'absence de toute information préalable de son responsable. Dans ces conditions, et alors qu'il n'apparaît pas que les autres représentants du personnel auraient été dispensés de respecter les termes de l'accord-cadre, le grief tiré de l'absence de remise ou de remise tardive des bons de délégation ou à tout le moins d'une information de portée équivalente, doit être regardé comme matériellement établi.

En ce qui concerne l'appréciation des manquements :

30. Il ressort des pièces du dossier que parmi les quinze jours d'absence de M. A..., seules deux journées ne peuvent être regardées avec certitude comme étant en relation avec l'exercice de son mandat syndical. Par ailleurs, s'il n'a pas respecté la procédure d'information préalable prévue par l'accord-cadre, notamment par l'absence de remise de bons de délégation, il n'est ni établi ni même allégué que ces irrégularités auraient jamais fait l'objet de la part de la société Thyssenkrupp ascenseurs d'un rappel à l'ordre du salarié à la date de la décision ici en cause. Dans ces conditions, et alors que l'intéressé n'avait précédemment fait l'objet d'aucune mesure disciplinaire, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que ces fautes n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. A....

31. Il résulte de ce qui a été dit aux points 20 à 30, que la société TK Elevator n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête n° 1811567 demandant l'annulation de la décision du 12 octobre 2018 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail de

l'unité départementale Nord-Lille du 20 avril 2018 refusant d'autoriser le licenciement de M. A... et, statuant de nouveau, a refusé d'autoriser ce licenciement.

Sur les frais liés au litige :

32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société TK Elevator, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A..., au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A..., la somme demandée au même titre par la société TK Elevator.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société TK Elevator présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident présentées par la société TK Elevator sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la société TK Elevator et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience publique du 4 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

N° 22DA00335 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00335
Date de la décision : 18/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : STEPHENSON HARWOOD AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-04-18;22da00335 ?
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