La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/02/2023 | FRANCE | N°21DA01481

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 09 février 2023, 21DA01481


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1903249 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, déclaré ne pas avoir lieu de statuer sur les conclusions de M. C... aux fins de décharge des impositions en litige à hauteur de la somme de 19 815 euros dégre

vée en cours d'instance, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de sa demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1903249 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, déclaré ne pas avoir lieu de statuer sur les conclusions de M. C... aux fins de décharge des impositions en litige à hauteur de la somme de 19 815 euros dégrevée en cours d'instance, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juin 2021, M. C..., représenté par Me Boudin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les sommes portées au crédit de son compte courant d'associé, ouvert dans les écritures de l'EURL RIA Normandie, ne constituent pas des revenus distribués ; il s'agit, d'une part, de remboursements de prêts consentis à l'EURL RIA Normandie et, d'autre part, de remboursements de paiements de fournisseurs effectués par ses soins pour pallier les difficultés financières rencontrées par l'entreprise ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée aux droits en litige n'est pas fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut, d'une part, au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de 1 968 euros prononcé en cours d'instance et, d'autre part, au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu l'avis de dégrèvement du 16 novembre 2011.

Par une ordonnance du 24 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 tandis que l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) RIA Normandie, dont M. C... était le gérant et l'associé unique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la même période en matière d'impôt sur les sociétés. A l'issue de ces procédures, l'administration a constaté que des sommes avaient été inscrites au crédit du compte courant d'associé de M. C... dans la société RIA Normandie sur l'année 2011 et que M. C... avait ainsi bénéficié de revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. En conséquence, l'administration a assujetti M. et Mme C... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2011 en suivant la procédure de rectification contradictoire. M. C... relève appel du jugement du 11 mai 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, après avoir déclaré ne pas avoir lieu de statuer sur ses conclusions aux fins de décharge de ces impositions à hauteur de la somme de 19 815 euros dégrevée en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur l'étendue du litige :

2. A hauteur du dégrèvement de 1 968 euros prononcé en cours d'instance d'appel, il n'y a plus lieu de se prononcer sur les conclusions à fins de décharge présentées par M. C....

Sur le bien-fondé des impositions demeurant en litige :

3. Il résulte des mentions de la proposition de rectification adressée le 15 octobre 2014 à M. et Mme C... que l'administration a constaté, au cours de la vérification de comptabilité dont la société RIA Normandie a fait l'objet, que le compte courant d'associé de M. C... dans la comptabilité de cette société avait été crédité à de nombreuses reprises pour un montant total de 220 603 euros en 2011. M. C... a pu justifier ces crédits à hauteur de 94 276 euros, le solde restant injustifié à hauteur de 126 327 euros, puis étant ramené par le service à 121 760 euros après recours hiérarchique. L'administration a ainsi regardé la somme de 121 760 euros comme un revenu distribué imposable, sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, entre les mains de M C.... Le requérant limite sa contestation en appel, compte tenu des moyens développés, à la somme de 18 500 euros en base au titre de remboursements de prêts et à la somme de 68 941 euros au titre de paiements des factures réglées par lui pour le compte de la société RIA Normandie.

4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevés sur les bénéfices. / (...) ".

5. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé, alors même que l'inscription résulterait d'une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2º du 1. de l'article 109 du code général des impôts. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.

6. L'existence et la mise à disposition du contribuable des revenus distribués en cause par inscription au crédit du compte courant d'associé de M. C... sont établies par l'administration et ne sont d'ailleurs par contestées par celui-ci.

En ce qui concerne la somme de 18 500 euros en base au titre de remboursements de prêts :

7. S'agissant de la somme de 9 000 euros inscrite au crédit du compte courant d'associé le 23 mars 2011 avec l'intitulé " prêt D... ", le requérant fait valoir que ce prêt a été remboursé le 5 avril 2011 comme en témoigne l'écriture à cette date avec le libellé " remboursement prêt Sol en Seine ". Toutefois, d'une part, le libellé de l'écriture comptable est, par lui-même, sans valeur probante. D'autre part, M. C... n'apporte pas la preuve qu'une somme de 9 000 euros aurait initialement fait l'objet d'un prêt, ni davantage que le versement d'une somme du même montant, le 5 avril 2011, à la société Sol en Seine correspondrait au remboursement de ce prêt. Enfin, l'administration fait valoir, sans être contredite, que la société Sol en Seine n'existait pas en 2011. En tout état de cause, la société Sol en Seine et D... sont deux personnes différentes. Dès lors, le requérant n'apporte pas la preuve du remboursement de prêt allégué et le moyen doit être écarté.

8. S'agissant des sommes de 3 500 euros et 3 000 euros inscrites au crédit du compte courant d'associé le 26 mars et le 2 mai 2011, le requérant fait valoir qu'il s'agit d'un prêt consenti également par D... qui a été remboursé à hauteur de 6 000 euros le 5 juillet 2011 et joint un extrait de compte bancaire. Toutefois, M. C... n'apporte pas la preuve qu'une somme de 6 500 euros aurait initialement fait l'objet d'un prêt, ni davantage que le versement d'une somme de 6 000 euros, le 5 juillet 2011, correspond au remboursement de ce prêt, alors, au surplus, que le montant du remboursement diverge du montant du prêt allégué. Dès lors, le requérant n'apporte pas la preuve du remboursement de prêt allégué et le moyen doit être écarté.

9. S'agissant de la somme de 3 000 euros inscrite au crédit du compte courant d'associé le 21 septembre 2011, le requérant fait valoir que ce prêt consenti par B... a été remboursé le 28 décembre 2011, comme en atteste le débit au compte courant d'associé à cette date avec le libellé " rem prêt ". Toutefois, d'une part, le libellé de l'écriture comptable est, par lui-même, sans valeur probante. D'autre part, M. C... n'apporte pas la preuve que la somme de 3 000 euros aurait initialement fait l'objet d'un prêt. De surcroit, le débit du compte courant d'associé de 3 000 euros ne signifie pas, en l'absence d'indication de la contrepartie comptable de l'écriture, que la somme a été remboursée à un tiers mais établit seulement que la somme de 3 000 euros a été appréhendée par M. C.... Dès lors, le requérant n'apporte pas la preuve du remboursement de prêt allégué et le moyen doit être écarté.

10. Enfin, M. C... ne saurait utilement se prévaloir d'une prétendue erreur de son expert-comptable dès lors que le requérant, en sa qualité de gérant, était présumé, sauf preuve contraire qu'il n'apporte pas, connaître la situation comptable de la société, de sorte que les sommes inscrites à son compte courant doivent être regardées comme ayant été mises à sa disposition dès cette inscription. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a imposé la somme de 18 500 euros entre les mains de M. et Mme C... sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts.

En ce qui concerne la somme de 68 941 euros au titre du paiement de factures de la société RIA Normandie :

11. En premier lieu, la circonstance, alléguée par M. C..., que les factures des fournisseurs de la société RIA Normandie prétendument réglées par lui à titre personnel, n'aurait pas été déclarées par ces mêmes fournisseurs au passif lors de l'ouverture de la procédure collective de la société RIA Normandie ne saurait valoir preuve du règlement par l'intéressé sur ses fonds personnels de ces factures au lieu et place de la société RIA Normandie.

12. En second lieu, M. C... n'apporte aucune indication sur les factures fournisseurs qu'il aurait réglées à titre personnel. De surcroit, il ressort des mentions de la proposition de rectification du 15 décembre 2014 que les factures fournisseurs que M. C... prétend avoir réglé à titre personnel n'étaient pas identifiées précisément, l'écriture de crédit de compte courant d'associé se bornant à porter une indication générique " règlement espèce " ou " règlement facture " et la nature même de ces règlements en espèces ainsi qu'il est allégué ne permet pas de vérifier l'identité du bénéficiaire du paiement. Enfin, si M. C... produit la copie de ses relevés de compte bancaire, ces relevés sont sans valeur probante en l'absence d'identification possible des bénéficiaires des paiements. Par suite, c'est à juste titre que l'administration a imposé la somme de 68 941 euros entre les mains de M. et Mme C... sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts.

Sur les pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...). ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

14. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, l'administration fait valoir qu'une somme totale de 121 760 euros a été inscrite au crédit du compte courant d'associé de M. C... pendant l'année 2011, que les revenus distribués représentent presque le double des revenus déclarés et que M. C... n'a pas été en mesure de préciser les bénéficiaires des remboursements allégués. L'administration fait également valoir que l'épouse de M. C... a encaissé sur son compte bancaire personnel la somme correspondant au règlement d'un client de la société RIA Normandie pour un montant de 3 645 euros. Ce faisant, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérer de M. C... d'éluder le paiement de l'impôt, justifiant l'application de la majoration prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des impositions demeurant en litige.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. L'Etat n'étant pas pour l'essentiel la partie perdante à l'instance, les conclusions de M. C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : A hauteur du dégrèvement de 1 968 euros accordé en cours d'instance d'appel, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. C....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 26 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2023.

Le président, rapporteur,

Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°21DA01481 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01481
Date de la décision : 09/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : KPMG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-02-09;21da01481 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award