Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Beauvais Prefa a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et intérêts, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2016.
Par un jugement n° 1802395 du 15 avril 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 juin 2021 et le 24 septembre 2021, la SARL Beauvais Prefa, représentée par Me Bonte, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et intérêts, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qu'elle fonde les rappels en litige sur un motif ayant trait à la taxe sur la valeur ajoutée collectée sans s'intéresser au sort à réserver à la taxe sur la valeur ajoutée déductible ;
- l'administration a procédé à tort à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 33 695 euros dans la mesure où cette somme a été mise en recouvrement au titre de vérifications de comptabilité antérieures car elle comprend des encaissements pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée a été redressée au titre d'une période précédemment contrôlée ;
- elle a déclaré le bon montant de taxe sur la valeur ajoutée, soit 554 937 euros, mais admet un écart de 2 405 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2021, et un mémoire, enregistré le 27 octobre 2021, qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions de la SARL Beauvais Prefa aux fins de décharge ne sont recevables qu'à concurrence du dégrèvement sollicité dans le cadre de la réclamation préalable, soit 33 695 euros au principal ;
- les moyens soulevés par la SARL Beauvais Prefa ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 29 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 29 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Beauvais Prefa, qui exerce une activité de fabrication d'éléments en béton pour la construction, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2016 à l'issue de laquelle l'administration a rappelé des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, en suivant la procédure de rectification contradictoire. La SARL Beauvais Prefa relève appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et intérêts, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi mis à sa charge au titre de la période allant du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2016.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " la proposition de rectification prévue à l'article L. 57 fait connaitre au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et les montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition ou la période concernée. Le caractère suffisant de la motivation de la proposition de rectification est indépendant du bien-fondé des motifs du redressement qui y sont mentionnés.
3. Il résulte des mentions de la proposition de rectification du 16 juin 2017 adressée à la SARL Beauvais Prefa que, s'agissant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée seul contesté, l'administration, après avoir rappelé les textes applicables en matière d'exigibilité de taxe sur la valeur ajoutée et indiqué que la société réalisait à la fois des livraisons de biens et des prestations de services, a dressé un tableau des factures de la société comportant l'indication de la date de la facture, son montant, son libellé, la nature de la facture (vente ou prestation de service), la date de l'encaissement et sa date d'exigibilité. A partir de ce tableau, l'administration a calculé un montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée exigible pour la période du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2016, de 557 342 euros, sans tenir compte de la taxe sur la valeur ajoutée collectée correspondant aux prestations de services facturées sur la période antérieure à la période vérifiée. La proposition de rectification comporte ensuite le rappel des montants de taxe sur la valeur ajoutée déclarés par la société dans les situations mensuelles sur la même période, faisant ressortir une taxe sur la valeur ajoutée collectée de 585 574 euros. La proposition de rectification mentionne que l'administration a entendu déduire de ce montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée la taxe sur la valeur ajoutée collectée relative aux opérations auto-liquidées, d'un montant de 30 637 euros, ainsi que la somme de 33 695 euros correspondant à la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée collectée mentionnée sur la déclaration de décembre 2015 correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée déclarée à tort et ayant fait l'objet d'une rectification au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014. S'agissant de cette somme de 33 695 euros, la proposition de rectification relève que " cette régularisation vise (...) à récupérer la taxe sur la valeur ajoutée de la période antérieure au 1er septembre 2014 déclarée à tort sur la période du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2016 et déjà rappelée dans le cadre de la première vérification. Or, il est rappelé qu'il n'a pas été tenu compte dans le calcul de votre taxe sur la valeur ajoutée exigible sur la période du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2016 évoqué précédemment des opérations facturées hors de la période allant du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2016. Il convient donc de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée collectée que vous avez déclarée ce montant de 33 695 euros qui correspond à de la taxe sur la valeur ajoutée collectée antérieure à la période visée par le présent contrôle et neutralisée par votre régularisation de 33 695 euros. " Par suite, la proposition de rectification était suffisamment motivée. La circonstance, invoquée par la société requérante, que l'administration n'a pas recherché le montant exact de la taxe sur la valeur ajoutée ni le montant qui, selon elle, n'aurait pas dû figurer dans les déclarations CA3 pour avoir été déjà réglé au titre des exercices précédents et sans prendre en compte la taxe sur la valeur ajoutée déductible, reste sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation dès lors que ces arguments tendent à contester le bien-fondé de la rectification. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
4. Il résulte des mentions de la proposition de rectification du 16 juin 2017 que la SARL Beauvais Prefa a fait l'objet d'une première vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 à l'issue de laquelle l'administration a constaté que les opérations de livraison de biens effectuées par la société entraînaient l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée à la livraison alors que la société considérait que l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée n'intervenait qu'à l'encaissement. En conséquence, l'administration a procédé au rappel de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux soldes créditeurs de taxe sur la valeur ajoutée collectée sur la période vérifiée. La SARL Beauvais Prefa ayant toutefois déclaré la taxe sur la valeur ajoutée rappelée au fur et à mesure des encaissements au titre d'une période postérieure à la période vérifiée pour un montant de 33 695 euros, a régularisé la double imposition en portant en déduction de sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée de la période de décembre 2015 un montant de 33 695 euros. Au cours de la seconde vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2016 faisant l'objet du présent litige, l'administration a constaté que la société réalisait à la fois des livraisons de biens et des prestations de services. En conséquence, le vérificateur a examiné l'ensemble des factures pour la période vérifiée afin de déterminer la règle d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée pour chaque facture, en fonction de la nature de la prestation effectuée par la société telle que mentionnée sur chaque facture. Au terme de cette analyse, l'administration a déterminé une taxe sur la valeur ajoutée collectée exigible de 557 342 euros pour la période vérifiée alors que l'analyse des déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée déposées au titre de la même période faisait ressortir une taxe sur la valeur ajoutée collectée déclarée de 585 574 euros, de laquelle l'administration a déduit la taxe sur la valeur ajoutée collectée relative aux opérations auto-liquidées d'un montant de 30 637 euros et la somme de 33 695 euros correspondant à la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée collectée mentionnée sur la déclaration de décembre 2015 correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée déclarée à tort et ayant fait l'objet d'une rectification au titre de la période antérieure du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. L'administration a ainsi mis en évidence un montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée déclaré de 521 242 euros, correspondant au montant de 585 574 euros diminué de la somme de 30 637 euros, représentant la taxe sur la valeur ajoutée régularisée, et de la somme de 33 695 euros, représentant la taxe sur la valeur ajoutée collectée auto-liquidée. L'administration a alors rappelé la différence de 36 100 euros entre la taxe sur la valeur ajoutée collectée exigible de 557 342 euros pour la période vérifiée et cette somme de 521 242 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée collectée déclarée par la société au titre de la même période.
5. La SARL Beauvais Prefa fait valoir que la taxe sur la valeur ajoutée collectée déclarée par elle à hauteur de 554 937 euros au titre de la période de septembre 2014 à décembre 2016 comprend la taxe sur la valeur ajoutée collectée à tort sur des encaissements de 2014 à 2016 et qu'il existe une double imposition à hauteur de 33 695 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction que la société requérante a régularisé cette double imposition d'un montant de 33 695 euros sur sa déclaration de décembre 2015. Or, ainsi que l'a mentionné l'administration dans la proposition de rectification du 16 juin 2017, il n'a pas été tenu compte dans le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée exigible pour la période du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2016 des opérations facturées antérieurement. Par suite, l'administration était fondée à annuler la régularisation de la double imposition de 33 695 euros pour la période antérieure au 1er septembre 2014 dans la mesure où la nouvelle méthode utilisée par elle neutralisait par principe la double imposition résultant du décalage de déclaration et de paiement des opérations facturées antérieurement au 1er septembre 2014. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'une double imposition à hauteur de 33 695 euros ne peut qu'être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la SARL Beauvais Prefa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de la SARL Beauvais Prefa tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Beauvais Prefa est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Beauvais Prefa et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 12 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. B... A..., premier-conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.
Le président, rapporteur,
Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°21DA01298 2