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17/11/2022 | FRANCE | N°22DA01200

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 novembre 2022, 22DA01200


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter

de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement no 2108007 du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé l'arrêté du 29 avril 2021 du préfet du Nord, d'autre part, enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 8 juin 2022 sous le n°22DA01200, le préfet du Nord demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- les premiers juges, en annulant l'arrêté contesté au motif que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B..., ont commis une erreur d'appréciation au vu notamment de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui relève que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- il n'avait pas à se prononcer sur l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine de M. B... compte tenu du fait que le collège de médecins a estimé, dans son avis, que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- les autres moyens soulevés par M B... devant le tribunal administratif de Lille ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Clément, conclut, d'une part, au rejet de la requête, d'autre part, à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2021 du préfet du Nord, en outre, à ce qu'il soit d'enjoint au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, à ce que la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet du Nord ne sont pas fondés ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît les stipulations du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est entachée d'illégalité, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

- cette décision est entachée d'illégalité, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le délai de départ volontaire ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

M. B... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 août 2022.

II. Par une requête, enregistrée le 9 juin 2022 sous le n°22DA01210, le préfet du Nord demande à la cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement no 2108007 du 3 juin 2022 du tribunal administratif de Lille jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête au fond.

Il soutient que :

- les premiers juges, en annulant l'arrêté contesté au motif que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B..., ont commis une erreur d'appréciation au vu notamment de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui relève que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- les autres moyens soulevés par M B... devant le tribunal administratif de Lille ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Clément, conclut, d'une part, au rejet de la requête, d'autre part, à ce que la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet du Nord ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 août 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 décembre 2008 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mathieu Sauveplane, président, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant algérien né le 12 avril 1975 à Sidi Okba (Algérie), est entré en France le 29 août 2017, sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa court séjour. Il a été mis en possession d'un récépissé valant autorisation provisoire de séjour, valable du 8 octobre 2019 au 7 janvier 2020, afin de poursuivre les soins requis par son état de santé. Il a sollicité, le 11 août 2020, la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", en invoquant son état de santé et ses liens personnels ou familiaux en France. Par un arrêté du 29 avril 2021, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

2. Par la requête enregistrée sous le n° 22DA01200, le préfet du Nord relève appel de ce jugement. Le préfet du Nord demande également à la cour, par la requête enregistrée sous le n°22DA01210, de prononcer le sursis à l'exécution de ce jugement dans l'attente de l'arrêt sur le fond.

3. Les requêtes introduites par le préfet du Nord, enregistrées sous les nos 22DA01200 et 22DA01210, sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur la requête à fin d'annulation :

4. Pour annuler l'arrêté du 29 avril 2021 du préfet du Nord, les premiers juges ont relevé que M. B... était entré en France afin de recevoir les soins adaptés aux souffrances cervico-dorso-lombalgiques dont il est atteint depuis les années 90. En raison de ces souffrances physiques, M. B... a été reconnu travailleur handicapé et a poursuivi un traitement antidouleur. Incapable de réaliser les gestes de la vie quotidienne, il réside chez sa sœur, titulaire d'une carte de résident, qui l'aide dans l'accomplissement de ces derniers. Les premiers juges ont également relevé que M. B... souffrait d'un syndrome dépressif sévère préexistant à l'arrêté en litige, qui l'ont amené à réaliser de multiples tentatives de suicide, notamment en 2019. Les premiers juges ont déduit de ces éléments que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet du Nord, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. B..., avait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a, par un avis du 9 février 2021, estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que si M. B... avait porté à la connaissance du préfet sa pathologie rhumatologique, laquelle existe depuis au moins 1995, le défaut de prise en charge médicale de cette pathologie ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par ailleurs, si l'intéressé avait également produit un certificat médical, daté du 12 janvier 2021, mentionnant la prise d'un antidépresseur, il ne ressort pas des pièces produites par M. B... et, notamment, du courrier du 6 juillet 2021 d'hospitalisation en soins libres du 28 juin 2021 au 6 juillet 2021, que son hospitalisation à la suite d'une tentative d'autolyse, postérieure à l'arrêté en litige, révèlerait une condition médicale préexistante. En outre, le préfet du Nord fait valoir, sans être contredit, que le système de santé en Algérie permet une prise en charge des pathologies psychiatriques. Enfin, si M. B... se prévaut de la présence en France de sa sœur qui l'assiste dans la vie quotidienne, il ne ressort pas des pièces que l'état de santé de celui-ci nécessiterait l'aide d'une tierce personne, ni davantage que sa sœur serait la seule personne à pouvoir lui fournir cette assistance alors qu'il a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de quarante-deux ans. Dès lors, le préfet du Nord, en refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour, ne peut être regardé comme ayant entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé. Il suit de là que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à ce moyen pour annuler l'arrêté du 29 avril 2021.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal administratif de Lille, ainsi que ceux qu'il soulève devant la cour.

7. Pour refuser à M. B... le bénéfice d'un titre de séjour sur le fondement du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le préfet du Nord s'est fondé sur la circonstance que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait estimé, dans son avis du 9 février 2021, que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Le préfet a également relevé que si M. B... se prévalait de la présence en France de sa sœur, titulaire d'une carte de résident et chez laquelle il est hébergé, ce dernier n'était pas isolé dans son pays d'origine où il avait vécu jusqu'à l'âge de quarante-deux ans et qu'il ne justifiait d'aucune insertion particulière dans la société française.

En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté contesté :

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Nord a, par un arrêté du 24 mars 2021 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Lille, donné délégation à Mme A... de la Perrière, signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer, notamment, les décisions de refus de titre de séjour, les décisions portant obligation de quitter le territoire français ainsi que les décisions fixant le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.

9. En second lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que cet arrêté, en ce qu'il refuse de délivrer un titre de séjour à M. B..., lui fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de renvoi, mentionne les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, cet arrêté est suffisamment motivé et satisfait ainsi aux exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'avis émis le 9 février 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration comporte le nom et l'identité des trois médecins qui l'ont rendu. Le caractère collégial de cet avis, requis par les dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, a donc été respecté. Il ressort également des mentions portées sur cet avis que le médecin ayant établi le rapport médical au vu duquel se sont prononcés les médecins, membres du collège de médecins, n'a pas siégé au sein de ce collège. En conséquence le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis le 9 février 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être écarté.

11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et, notamment, du bordereau de transmission à la préfecture du Nord de l'avis émis le 9 février 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que le médecin ayant établi le rapport médical n'est pas au nombre des médecins ayant siégé en qualité de membres du collège ayant rendu l'avis du 9 février 2021. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis émis le 9 février 2021, que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé ne devrait toutefois pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Si le requérant fait grief au préfet de ne pas avoir pris en compte l'ensemble de ses pathologies, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé avait fait connaître à l'administration la pathologie rhumatologique dont il était atteint ainsi que le suivi psychiatrique dont il faisait l'objet, ainsi qu'il ressort d'un certificat médical établi le 12 janvier 2021. En outre, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui comprenait en son sein un médecin psychiatre, a pu prendre en compte le syndrome dépressif dont l'intéressé indique être atteint. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, alors que le traitement relatif au syndrome dépressif dont M. B... est atteint lui a été prescrit en juillet 2021, soit postérieurement à l'arrêté contesté, que le préfet du Nord, en estimant, au vu notamment de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité aurait entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que, comme le fait valoir le préfet du Nord, les éléments produits par M. B... ne sont pas de nature à établir qu'il ne pourrait disposer d'un accès à une prise en charge médicale appropriée à son état de santé, en cas de retour dans son pays d'origine, au regard des médicaments disponibles ou des structures médicales aptes à dispenser des soins appropriés à son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.

14. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 et 13, que le préfet du Nord, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. B..., aurait entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé. Le moyen doit donc être écarté.

15. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 13 que M. B... n'entrait pas dans la catégorie des étrangers remplissant les conditions pour obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la décision de refus de titre de séjour, faut de saisine préalable de la commission du titre de séjour, est inopérant et ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 et aux points 8 à 15 que M. B... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour pour demander, par voie de conséquence, l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

17. En deuxième lieu, il appartient à l'autorité préfectorale comme à toute administration de faire application du droit de l'Union européenne et d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration. Parmi ces principes, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle l'affectant défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce droit implique seulement que l'étranger, informé de ce qu'une décision est susceptible d'être prise à son encontre, soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Or, lorsque, comme en l'espèce, l'étranger sollicite la délivrance d'un titre de séjour, celui-ci ne saurait ignorer, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est également loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Dès lors, le droit de l'intéressé d'être entendu, étant ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français et le délai de départ volontaire, qui sont pris concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Or, si M. B... soutient qu'il n'a pas eu la possibilité de présenter des observations avant l'édiction de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait sollicité un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il n'aurait pas eu la possibilité de faire valoir tous éléments utiles avant que cette décision ne soit prise. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français est entachée d'une violation du principe général du droit d'être entendu avant l'édiction d'une mesure défavorable, ne peut qu'être écarté. De même, les moyens tirés de la méconnaissance du principe de bonne administration et des droits de la défense doivent, pour les mêmes motifs, être écartés.

18. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 13, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France doit être écarté.

19. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui est entré en France en août 2017, est célibataire sans enfant. S'il se prévaut de la présence en France de sa sœur qui l'assiste dans la vie quotidienne et du décès de ses parents qui résidaient en Algérie, il ne ressort pas des pièces que l'état de santé de M. B... nécessiterait l'aide d'une tierce personne, ni davantage que sa sœur serait la seule personne à pouvoir lui fournir cette assistance. De surcroit, M. B... a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de quarante-deux ans, alors que ses parents sont décédés de nombreuses années avant son départ du pays. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'un frère et une sœur de M. B... résident en Algérie. Le requérant ne peut ainsi être regardé comme étant isolé, en cas de retour dans son pays d'origine, et la circonstance qu'il n'entretiendrait pas de relation avec sa sœur demeurée en Algérie reste sans incidence à cet égard. Dans ces conditions, le préfet du Nord, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet du Nord, en faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français, aurait entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

20. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 et aux points 8 à 15, ainsi qu'aux points 16 à 19, que M. B... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ou de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, pour demander, par voie de conséquence, l'annulation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

21. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, alors en vigueur : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".

22. D'une part, en fixant de manière générale un délai de trente jours à l'étranger pour quitter le territoire français, lequel délai est identique à celui prévu au 1. de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, le législateur n'a pas édicté des dispositions incompatibles avec les objectifs de cet article. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait de la prolongation prévue au 2. de l'article 7 de la directive du 15 décembre 2008. En conséquence, les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas incompatibles avec les objectifs de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008.

23. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord, en fixant à trente jours, après un examen particulier de la situation de l'intéressé, le délai de départ imparti à M. B... pour quitter volontairement le territoire français, alors d'ailleurs que celui-ci n'avait fait état d'aucune circonstance particulière justifiant que lui soit accordé un délai supérieur à trente jours, aurait entaché cette décision d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

24. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 et aux points 8 à 15, ainsi qu'aux points 16 à 19, que M. B... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ou de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, pour demander, par voie de conséquence, l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi. Par ailleurs, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision fixant le délai de départ volontaire est sans incidence sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi.

25. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit au point 13, que M. B... serait exposé, en cas de retour en Algérie, à une situation susceptible de constituer un traitement contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou aux dispositions de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, d'une part, a annulé l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à ce dernier un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par voie de conséquence, la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille doit être rejetée. De même, les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte présentées par M. B... devant la cour doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur la requête tendant au sursis à l'exécution du jugement :

27. Dès lors que le présent arrêt se prononce sur la requête présentée par le préfet du Nord tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 3 juin 2022, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête par laquelle le préfet du Nord demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

28. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de M. B... tendant à ce que les sommes de 1 500 euros, à verser à son conseil, soient mises à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement no 2108007 du 3 juin 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille ainsi que les conclusions qu'il présente en appel sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n°22DA01210 du préfet du Nord.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Nord, à M. C... B... et à Me Clément.

Délibéré après l'audience publique du 27 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022.

Le président-rapporteur,

Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

1

2

Nos 22DA01200, 22DA01210


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01200
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CLEMENT;CLEMENT;CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-11-17;22da01200 ?
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