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06/10/2022 | FRANCE | N°21DA02445

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 06 octobre 2022, 21DA02445


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2021 et des mémoires enregistrés le 26 avril 2022 et le 27 juin 2022, la société Ferme éolienne des trois rivières, représentée par

Me Yaël Cambus, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté inter préfectoral du 13 août 2021 des préfètes de la Somme et de l'Oise, portant sur la demande d'autorisation environnementale pour construire et exploiter cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de Rollot et de Mortemer,

en tant qu'il refuse de faire droit à la demande d'autorisation environnementale pour l'éolien...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2021 et des mémoires enregistrés le 26 avril 2022 et le 27 juin 2022, la société Ferme éolienne des trois rivières, représentée par

Me Yaël Cambus, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté inter préfectoral du 13 août 2021 des préfètes de la Somme et de l'Oise, portant sur la demande d'autorisation environnementale pour construire et exploiter cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de Rollot et de Mortemer, en tant qu'il refuse de faire droit à la demande d'autorisation environnementale pour l'éolienne E 9 ;

2°) de délivrer l'autorisation environnementale sollicitée assortie des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre aux préfets de la Somme et de l'Oise de délivrer l'autorisation sollicitée dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le projet ne porte pas atteinte aux monuments, au paysage et à la commodité du voisinage ;

- il ne porte pas non plus atteinte aux chiroptères.

Par des mémoires en défense enregistrés le 29 mars 2022 et le 30 mai 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée la dernière fois au 22 juillet 2022 à 12 heures par ordonnance du 28 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté ministériel du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Jean-Baptiste Duclercq, représentant la société Ferme éolienne des trois rivières.

Une note en délibéré a été enregistrée le 27 septembre 2022 pour la société Ferme éolienne des trois rivières.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ferme éolienne des trois rivières a déposé une demande d'autorisation environnementale afin de construire et d'exploiter cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de Rollot et de Mortemer. Par un arrêté du 13 août 2021, les préfètes de l'Oise et de la Somme ont autorisé la construction et l'exploitation des éoliennes E 5, E 6, E7 et E 10 et ont refusé l'éolienne E 9 au motif qu'elle était de nature à porter atteinte aux monuments et, en raison de son impact sur le paysage, la commodité du voisinage et sur les chiroptères. La société Ferme éolienne des trois rivières demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il refuse d'autoriser cette éolienne.

Sur les conclusions d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. L'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. En particulier, il considère que " les mesures prévues par le pétitionnaire ne sont pas suffisantes pour éviter les effets de saturation paysagère et d'encerclement de la commune de Rollot et de la nécropole de Méry-la-Bataille ". Par ailleurs, il indique que la machine E 9 est proche d'un corridor écologique local pour les chiroptères et que le bridage n'est pas suffisant notamment pour cette machine. Il précise encore " qu'il n'est pas possible de spécifier, dans le présent arrêté, de mesures qui permettraient de prévenir les dangers ou inconvénients de l'éolienne E 9 du projet pour la nature, le paysage, la conservation des sites et des monuments et la commodité du voisinage (encerclement et saturation) mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ". Les motifs de refus de l'éolienne E 9 sont ainsi suffisamment précisés. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

3. D'une part, aux termes de l'article L 181-3 du code de l'environnement :

" I-L 'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ".

4. Il résulte de l'étude écologique, partie de l'étude d'impact composant le dossier d'autorisation, que l'éolienne E 9 était localisée dans la demande initiale sur un corridor de déplacement des chiroptères, situé le long d'un chemin enherbé entre des bassins de stockage et un bosquet. Ce corridor assure ainsi la liaison entre un territoire de chasse et un territoire de nidification pour les chauve-souris. Selon l'étude d'impact, il se caractérise par une forte activité des chiroptères qui concerne au moins six espèces, identifiées au cours d'une session d'écoute le 17 juillet 2018. Ces six espèces sont protégées par l'arrêté ministériel du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection. L'étude cartographiait en conséquence cet axe comme une zone de sensibilité forte pour l'impact du projet sur les chiroptères. L'avis du 24 janvier 2020 de la mission régionale d'autorité environnementale préconisait, sur la base de ce constat, de supprimer ou de déplacer cette éolienne. En réponse à cet avis, le pétitionnaire a proposé de déplacer cet aérogénérateur dans un champ de grande culture à cinquante mètres du chemin enherbé.

5. Toutefois, alors que la largeur du corridor n'est pas précisée par l'étude d'impact, l'éolienne en litige restera située dans l'axe reliant la zone de nourrissage et la zone de nidification. Il n'est ainsi pas établi que ce déplacement de cinquante mètres au sein d'un openfield garantisse l'absence de tout impact sur les chiroptères. Au contraire, l'étude note que le corridor permet aux chauve-souris de se déplacer au sein des openfields et que leur activité commence à décroître au sein des openfiels à partir de cent cinquante mètres. Le déplacement de l'éolienne E 9 ne constitue donc pas une mesure d'évitement des impacts

6. Par ailleurs, l'implantation de l'éolienne E9, même déplacée aboutira à l'empierrement du corridor qui constitue le chemin d'accès à cette machine. Or, le caractère enherbé du chemin, dépourvu ainsi que l'attestent les photographies produites par le ministre de tout caractère minéral, lui donne sa fonction de corridor de déplacement des chiroptères entre la zone de nourrissage et la zone de nidification. La modification des caractéristiques du chemin portera donc également atteinte aux chiroptères, sur une zone identifiée comme de forte activité par l'étude d'impact.

7. Il ne résulte donc pas de l'instruction que le déplacement de l'éolienne à cinquante mètres du chemin enherbé constituant le corridor de déplacement des chiroptères permette d'éviter le risque d'atteinte aux chiroptères. Les autres mesures proposées par le pétitionnaire, à savoir le bridage, la hauteur des mâts, la suppression des milieux attractifs, l'éclairage discontinu et adapté, la compensation par la plantation de haies et la préservation de jachères ainsi que la conception et l'entretien régulier des machines ne constituent pas des mesures d'évitement propres à réduire tout impact et ne permettent pas de compenser les risques liés à la localisation d'un aérogénérateur situé à proximité immédiate d'une zone de sensibilité forte pour les chiroptères.

8. Il résulte de l'instruction que les préfètes de la Somme et de l'Oise auraient pris la même décision de refus si elles s'étaient fondées uniquement sur ce motif d'atteinte aux chiroptères. Par suite les conclusions de la société Ferme éolienne des trois rivières aux fins d'annulation de l'arrêté du 13 août 2021 en tant qu'il refuse d'autoriser l'éolienne E9 doivent être rejetées ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fins de délivrance de l'autorisation et d'injonction.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame à ce titre la société Ferme éolienne des trois rivières.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Ferme éolienne des trois rivières est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme éolienne des trois rivières, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la préfète de l'Oise et au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 22 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2022.

Le rapporteur

Signé: D. PerrinLa présidente de la formation de jugement,

Signé: C. Baes-Honoré

La greffière,

Signé: C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA02445 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02445
Date de la décision : 06/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Baes Honoré
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES ET CGR LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-06;21da02445 ?
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