Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, M. C... Imam a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, d'autre part, de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'annuler ce même arrêté, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2109530-2109560 du 14 décembre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a admis provisoirement M. Imam au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 janvier et 27 juin 2022, et des mémoires non communiqués enregistrés les 1er et 2 juillet 2002, après clôture de l'instruction, M. Imam, représenté en dernier lieu par Me Victoria Zoubkova-Allieis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder à un réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu garanti par le droit de l'Union européenne ;
- elle a été prise en méconnaissance du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu garanti par le droit de l'Union européenne ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle a été prise en méconnaissance des 3° et 8° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pu présenter une demande de renouvellement de son titre de séjour en incarcération et que le risque de fuite n'est pas avéré ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale, compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire, enregistré le 16 juin 2022, le préfet du Nord, représenté par Me Jean-Alexandre Cano, conclut au rejet de la requête de M. Imam et soutient qu'aucun des moyens invoqués à son soutien n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère ;
- et les observations de Me Jules Giafferi représentant le préfet du Nord.
Dès pièces ont été produites par M. A... le 13 juillet 2022, après la clôture d'instruction.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... Imam, ressortissant pakistanais né le 13 octobre 1985 à Sahiwae (Pakistan), déclare être entré régulièrement sur le territoire français le 13 septembre 2014, muni d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". Le 4 juillet 2018, il a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissante française, régulièrement renouvelé jusqu'au 3 juillet 2021, dont il n'a pas demandé le renouvellement. Entre-temps, le 11 février 2021, il a été incarcéré au centre pénitentiaire de Sequedin où il a exécuté une peine d'emprisonnement de seize mois pour des faits de menace de mort réitérée et violences réitérées sur conjoint. Par un arrêté du 6 décembre 2021, le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un jugement du 14 décembre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. Imam relève appel de ce jugement.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".
3. Le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne, se définit comme celui de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Toutefois, ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.
4. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier, du procès-verbal d'audition versé par le préfet du Nord en première instance, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, que M. Imam a refusé d'être auditionné au centre pénitentiaire de Sequedin, par les services de police le 4 novembre 2021 dans le cadre d'une procédure de vérification du droit de circuler ou de séjourner sur le territoire national. M. Imam n'apporte aucun élément permettant d'en contredire sérieusement les mentions. Compte tenu de ce refus, M. Imam ne peut donc utilement se prévaloir de ne pas avoir été informé, préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, de la possibilité qu'une telle mesure soit prise à son encontre et invité à présenter ses observations sur ce point. Il ne ressort au surplus d'aucune pièce du dossier que M. Imam aurait pu livrer au préfet des éléments pertinents susceptibles d'influer le sens de la décision contestée et dont le préfet n'aurait pas été préalablement informé. M. Imam n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de son droit d'être entendu au sens des stipulations précitées.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 5o Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".
6. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet du Nord, pour éloigner M. Imam du territoire français, s'est fondé sur les dispositions précitées du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est constant que M. Imam a été condamné par le tribunal correctionnel de Lille, le 12 février 2021, confirmé par la cour d'appel de Douai le 27 avril suivant, à deux ans d'emprisonnement dont huit mois assortis d'un sursis pour menace de mort réitérée commise par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et violences habituelles suivies d'incapacité supérieure à huit jours, cette peine ayant été assortie d'une interdiction de paraître à son ancienne adresse et au domicile de la victime. Malgré le caractère isolé de cette condamnation, la gravité des infractions dont il s'est rendu coupable et pour lesquelles il a été condamné à une peine d'emprisonnement ferme suffit à regarder l'intéressé comme constituant une menace pour l'ordre public. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet du Nord a obligé M. Imam à quitter le territoire français.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
8. S'il ressort des pièces du dossier que M. Imam est entré en France le 13 septembre 2014 pour y poursuivre ses études et qu'il y a ensuite résidé régulièrement jusqu'en juillet 2021, suite à son mariage avec une ressortissante française, l'intéressé n'établit pas avoir depuis cette date, tenté d'obtenir le renouvellement de son titre de séjour, nonobstant son incarcération. Il ressort également des pièces du dossier que M. Imam est désormais séparé de son épouse, avec laquelle il est en instance de divorce et avec laquelle il lui a été interdit d'entrer en contact par la juridiction correctionnelle. Il ne justifie au surplus pas d'une réelle insertion socioprofessionnelle, ni d'ailleurs, de pathologies dont il serait atteint et qui exigeraient son maintien sur le territoire français. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point précédent, les faits pour lesquels il a été récemment condamné révèlent la menace à l'ordre public que son comportement constitue. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur les décisions de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination :
9. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 2 à 4, le moyen tiré de la méconnaissance du droit du requérant à être entendu préalablement à l'intervention d'une décision qui l'affecterait défavorablement doit être écarté.
10. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucun des termes de la décision attaquée que le préfet du Nord aurait entaché la décision contestée d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. Imam.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". L'article L. 612-3 de ce code précise que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5".
12. Il ressort des termes de la décision attaquée que, pour refuser à M. Imam l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet du Nord s'est fondé sur les dispositions précitées du 3° et du 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. Imam, dont le titre de séjour expirait le 3 juillet 2021, aurait entamé des démarches afin de faire renouveler ce document et, à supposer même qu'il disposerait d'un domicile stable sur le territoire français, M. Imam ne justifie pas de document d'identité ou de voyage en cours de validité. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées des 3° et 8° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
13. Enfin, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 du présent arrêt que M. Imam n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. Imam n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Imam est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... Imam, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Victoria Zoubkova-Allieis.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,
- Mme Anne Khater, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juillet 2022.
La rapporteure,
Signé : A. KhaterLa présidente de chambre,
Signé : A. Seulin La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
Anne-Sophie Villette
2
N°22DA00188