Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par trois requêtes distinctes, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision en date du 19 juin 2018, par laquelle le directeur général du centre hospitalier de Valenciennes lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de cinq mois, dont deux mois avec sursis, ensemble l'avis du conseil de discipline en date du 14 juin 2018, d'enjoindre au centre hospitalier de Valenciennes de le réintégrer dans ses fonctions et de lui verser son traitement et les arriérés qu'il aurait dû percevoir depuis le 1er juillet 2018, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de mettre à la charge du centre hospitalier de Valenciennes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, d'annuler la décision en date du 15 octobre 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier de Valenciennes lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de cinq mois, dont deux mois avec sursis et de mettre à la charge du centre hospitalier de Valenciennes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, d'annuler l'avis en date du 13 mai 2019 par lequel la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière s'est prononcée en faveur du maintien de la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de cinq mois, dont deux mois avec sursis prononcée à son encontre par le directeur général du centre hospitalier de Valenciennes le 15 octobre 2018.
Par un jugement n° 1806930, 1810645, 1904477 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du directeur général du centre hospitalier de Valenciennes du 19 juin 2018 ainsi que sur les conclusions aux fins d'injonction dont elle est assortie et a rejeté le surplus des demandes de M. B... et les conclusions présentées par le centre hospitalier de Valenciennes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 juin 2021, 2 juin et 28 juin 2022, M. B..., représenté par Me Farid Belkebir, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 15 octobre 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier de Valenciennes lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de cinq mois, dont deux mois avec sursis et à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier de Valenciennes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Valenciennes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le centre hospitalier de Valenciennes a manqué à son obligation de loyauté dans la conduite de la procédure disciplinaire ;
- il a manqué à son obligation d'impartialité et a méconnu les droits de la défense ;
- la procédure disciplinaire a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6 -1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les faits reprochés ne sont pas établis ou ne sont pas de nature à justifier une sanction disciplinaire ; en tout état de cause, l'insuffisance professionnelle ne relève pas de la procédure disciplinaire ;
- la sanction infligée est disproportionnée ;
- elle est entachée d'un détournement de procédure, visant à contourner la protection attachée aux lanceurs d'alerte ;
- la sanction a été prise en méconnaissance du principe non bis in idem dès lors qu'il a déjà fait l'objet d'une suspension administrative le 29 août 2018 pour les mêmes faits et qu'il a subi une baisse de notation pour l'année 2018 ;
- la sanction infligée emporte des conséquences manifestement excessives sur l'exercice de ses mandats syndicaux et de représentant du personnel.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 1er avril et 23 juin 2022, le centre hospitalier de Valenciennes, représenté par Me Régis Froger, conclut au rejet de la requête de M. B... et demande la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués au soutien de la requête de M. B... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le décret n°89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le décret n°2003-655 du 18 juillet 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- et les observations de Me Sarah Moscardini, représentant le centre hospitalier de Valenciennes.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... a été recruté au centre hospitalier de Valenciennes le 1er août 1994 au grade d'adjoint administratif. Par une décision du 19 juin 2018, le directeur général du centre hospitalier de Valenciennes lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de cinq mois, dont deux mois avec sursis. Par une décision du 15 octobre 2018, le directeur général de cet établissement a de nouveau infligé cette sanction à M. B..., après avoir retiré sa précédente décision le 29 août 2018. Par un avis du 13 mai 2019, la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière s'est prononcée en faveur du maintien de cette sanction. Par un jugement du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 2018 et a rejeté les demandes de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 15 octobre 2018 et de l'avis du 13 mai 2019 de la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur général du centre hospitalier de Valenciennes du 15 octobre 2018.
Sur la légalité de la décision du directeur général du centre hospitalier de Valenciennes du 15 octobre 2018 :
2. En premier lieu, il ressort des mentions non contredites du procès-verbal du conseil de discipline réuni le 12 octobre 2018, d'une part, que M. B... a eu connaissance du rapport introductif ainsi que de toutes les pièces qui y étaient jointes et qui lui ont été communiquées, d'autre part, que l'intéressé et son conseil ont été mis en mesure de faire valoir l'ensemble des arguments au soutien de ses intérêts. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le centre hospitalier de Valenciennes a manqué à son obligation de loyauté dans la conduite de la procédure disciplinaire.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 7 novembre 1989 visé ci-dessus : " Le conseil de discipline délibère en dehors de la présence de toute personne qui n'est pas membre du conseil, son secrétaire excepté ". Aux termes de l'article 8 du décret du 18 juillet 2003 susvisé : " Le secrétariat des commissions administratives paritaires départementales est assuré par l'établissement qui en assure la gestion ".
4. Il résulte de ces dispositions que la circonstance que Mme ..., directrice adjointe du centre hospitalier de Valenciennes, désignée comme secrétaire du conseil de discipline du 12 octobre 2018, ait été présente au cours de son délibéré n'a pas entaché d'irrégularité la procédure disciplinaire dirigée contre M. B.... Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne fait obstacle à ce que le secrétaire du conseil de discipline soit l'auteur de la décision de suspension de M. B... à titre conservatoire, ni à ce que le conseil de discipline réuni le 12 octobre 2018 ait été composé de la même manière que celui réuni initialement le 16 juin 2018. Enfin, il ne ressort d'aucune des mentions du procès-verbal du conseil de discipline, ni d'aucune pièce du dossier que Mme ... aurait tenté d'influencer le vote des membres de ce conseil, qui n'a au demeurant pas réussi à réunir une majorité pour se prononcer sur la sanction. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du principe d'impartialité du conseil de discipline et du principe des droits de la défense doit être écarté.
5. En troisième lieu, c'est par de justes motifs énoncés au point 9 du jugement attaqué, qu'il y a lieu d'adopter, que le tribunal a écarté comme étant inopérant le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. Celui-ci ne peut avoir pour effet, dans le cas de l'exclusion temporaire de fonctions du troisième groupe, de ramener la durée de cette exclusion à moins d'un mois (...) ".
7. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis, constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
8. Pour infliger à M. B... une sanction disciplinaire du troisième groupe, en l'espèce, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de cinq mois dont deux mois avec sursis, le directeur général du centre hospitalier de Valenciennes s'est fondé sur les absences injustifiées et répétées de M. B... désorganisant le service, un travail quantitativement et qualitativement insuffisant et un comportement inadapté à l'égard des patients et de la hiérarchie. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est absenté à plusieurs reprises du service sans être joignable et sans justification et, à de nombreuses reprises, a adopté un comportement provocateur à l'égard des patients et de ses supérieurs hiérarchiques, notamment en refusant d'exercer ses missions ou d'utiliser le matériel mis à sa disposition pour ce faire. Il a ainsi refusé de procéder aux distributions des kits hôteliers aux patients, en méconnaissance des obligations lui incombant, a refusé d'utiliser le téléphone DECT et a abusivement exercé son droit de retrait en prétextant l'inadaptation de son fauteuil de bureau. Aucune des pièces produites par M. B... ne permet de remettre en cause l'exactitude matérielle et le caractère fautif de ces agissements. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont écarté les moyens tirés de l'erreur matérielle et de l'erreur d'appréciation dirigés contre la décision du 15 octobre 2018. Eu égard à la nature et à la réitération des manquements constatés, M. B... n'est pas davantage fondé à soutenir que l'autorité disciplinaire a pris une sanction disproportionnée.
9. En cinquième lieu, c'est par de justes motifs énoncés au point 13 du jugement attaqué qu'il y a lieu d'adopter, que le tribunal a écarté le moyen tiré du détournement de procédure invoqué par M. B... qui se prévalait de sa qualité de lanceur d'alerte.
10. En sixième lieu, dès lors que la mesure de suspension prise à l'encontre de M. B... le 29 août 2018 a pour seul objet d'écarter l'intéressé du service pendant la durée de la procédure disciplinaire et, de ce fait, ne présente pas le caractère d'une sanction déguisée, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la sanction disciplinaire a été prise en méconnaissance du principe non bis in idem.
11. En septième lieu, dès lors que la baisse de notation de M. B... au titre de l'année 2018 est intervenue postérieurement à la décision contestée et ne constitue, au surplus, pas une sanction disciplinaire déguisée, M. B... ne peut davantage utilement se prévaloir de la méconnaissance du principe non bis idem par le directeur général du centre hospitalier de Valenciennes.
12. En dernier lieu, c'est par de justes motifs énoncés aux points 14 à 17 du jugement attaqué, qu'il y a lieu d'adopter, que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance par la décision attaquée, qui l'oblige à restituer son badge d'accès au centre hospitalier, des droits syndicaux de M. B....
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision en date du 15 octobre 2018. Sa requête doit donc être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Valencienne, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. B... la somme réclamée sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelant la somme de 1 500 euros à verser au centre hospitalier de Valenciennes en application des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera au centre hospitalier de Valenciennes la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre hospitalier de Valenciennes.
Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,
- Mme Anne Khater, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juillet 2022.
La rapporteure,
Signé : A. Khater La présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
Anne-Sophie Villette
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N°21DA01383