La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/06/2022 | FRANCE | N°21DA00213

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 14 juin 2022, 21DA00213


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Valenciennes à lui verser la somme globale de 24 875 euros en réparation des préjudices subis du fait de sa prise en charge au sein de cet établissement. Dans le cadre de cette instance, la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut a demandé au tribunal de mettre à la charge du centre hospitalier de Valenciennes le versement de la somme de 22 871,42 euros au titre de ses débours définitifs exposés pour le

compte de son assurée, assortis des intérêts à compter de la date de no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Valenciennes à lui verser la somme globale de 24 875 euros en réparation des préjudices subis du fait de sa prise en charge au sein de cet établissement. Dans le cadre de cette instance, la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut a demandé au tribunal de mettre à la charge du centre hospitalier de Valenciennes le versement de la somme de 22 871,42 euros au titre de ses débours définitifs exposés pour le compte de son assurée, assortis des intérêts à compter de la date de notification de son premier mémoire et la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1708423 du 2 décembre 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er février 2021, Mme F..., représentée par la Me Stéphane Dominguez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Valenciennes à lui verser la somme globale de 24 875 euros en réparation des préjudices résultant de l'infection nosocomiale contractée à la suite de sa prise en charge au sein de cet établissement ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Valenciennes les entiers dépens et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité du centre hospitalier de Valenciennes est engagée du fait d'une infection nosocomiale contractée à la suite de sa prise en charge du 16 mai 2012 et dès lors qu'aucune antibioprophylaxie n'a été mise en place, augmentant ainsi le risque d'infection ;

- elle a enduré des souffrances évaluées à 3 sur une échelle de 7 qu'il convient d'indemniser à hauteur de 8 000 euros ;

- le préjudice esthétique temporaire qu'elle a subi du fait du port d'un corset thérapeutique pendant plus d'un mois, évalué par l'expert à 2 sur 7, doit être réparé à hauteur de 5 000 euros ;

- elle a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 15 septembre au 13 octobre 2012 qu'il convient d'indemniser sur la base d'une somme de 25 euros par jour, à la somme de 700 euros ;

- elle a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel de 75 % du 14 au 29 octobre 2012, de 50 % du 30 octobre au 15 novembre 2012, de 25 % du 16 novembre au 27 décembre 2012 et de 10 % du 28 décembre 2012 jusqu'au mois de novembre 2013, dont l'évaluation s'élève respectivement à 281,25 euros, 212,50 euros, 256,25 euros et 825 euros, soit un montant total de 1 575 euros ;

- l'indemnisation du préjudice résultant de son incapacité permanente partielle évaluée au taux de 8 % par l'expert doit, compte tenu de son âge, être fixée à 9 600 euros ;

- elle a été contrainte d'engager des dépenses de santé, dont elle justifie par la livraison d'un lit médical et d'un fauteuil roulant qu'il convient de lui rembourser.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Olivier Saumon, conclut à sa mise hors de cause.

Il soutient que les conditions d'intervention de la solidarité nationale ne sont pas réunies.

Par des mémoires enregistrés les 26 aout 2021 et 27 janvier 2022, la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut, représentée par Me Benoît de Berny, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 2 décembre 2020 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Valenciennes à lui verser la somme de 22 871,42 euros au titre de ses débours définitifs exposés pour le compte de son assurée, avec intérêts à compter de la notification du mémoire de première instance du 30 janvier 2018 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Valenciennes le versement de la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Valenciennes la somme 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité sans faute de l'hôpital est engagée dès lors que Mme F... a été victime d'une infection au niveau du foyer d'intervention, apparue un mois après l'opération réalisée le 16 mai 2012, pour laquelle elle s'est vu administrer un traitement en vue de combattre le staphylocoque et qui présente un caractère nosocomial au sens des articles L. 1142-1 et R. 6111-6 du code de la santé publique ;

- ses débours définitifs s'élèvent à la somme de 22 871,42 euros comprenant les frais hospitaliers du 15 septembre au 13 octobre 2012 d'un montant de 19 692,73 euros, les frais médicaux du 8 août 2012 au 10 juin 2013 d'un montant 487,94 euros, les frais pharmaceutiques du 13 octobre 2012 au 18 mars 2013 d'un montant de 945,21 euros, les frais d'appareillage du 28 août 2012 au 4 mars 2013 d'un montant de 1 478,99 euros et les frais de transport du 13 octobre 2012 au 15 novembre 2012 d'un montant de 266,55 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2021, le centre hospitalier de Valenciennes, représenté par Me Didier Le Prado, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 27 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 1er mars 2022.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... F..., née le 20 mai 1965, qui présentait une scoliose et souffrait d'une douleur lombaire irradiant au membre inférieur gauche, rebelle à tout traitement médicamenteux et invalidante, a été opérée le 12 mai 2011 d'une volumineuse hernie discale développée entre la vertèbre lombaire L5 et la vertèbre sacrée S1. Après une courte amélioration, elle a présenté une récidive qui a conduit à une deuxième intervention de curetage d'hernie discale L4 L5 du côté gauche, le 16 mai 2012, au centre hospitalier de Valenciennes. Le mois suivant, Mme F... s'est plainte de nouvelles lombalgies d'apparition progressive ayant conduit à la réalisation, le 26 juillet 2012, d'un scanner qui a mis en évidence un syndrome inflammatoire au niveau du foyer de l'intervention chirurgicale. A la suite de la réalisation, le 12 septembre 2012, d'une IRM lombaire faisant suspecter une spondylodiscite, la patiente a été hospitalisée du 15 septembre au 13 octobre 2012 au service de rhumatologie du centre hospitalier de Valenciennes. A sa sortie, lui ont été prescrits un traitement antibiotique ainsi qu'un corset thérapeutique et un alitement strict lors de la première quinzaine.

2. Mme F... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lille qui a fait droit à sa demande d'expertise par une ordonnance du 16 septembre 2013. Mme G..., médecin hygiéniste désignée comme experte, assistée de M. A... B..., neurochirurgien missionné en qualité de sapiteur, a déposé son rapport le 10 août 2015. Mme F... relève appel du jugement du 2 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille, après avoir mis hors de cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Valenciennes à lui verser la somme globale de 24 875 euros en réparation des préjudices qu'elle impute à une infection nosocomiale contractée lors de sa prise en charge au sein de cet établissement.

3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ".

4. Doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial au sens du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

5. Comme il a été dit au point 1, Mme F..., qui avait subi une exérèse d'hernie discale L5-S1 gauche en mai 2011, a été opérée d'une récidive, le 16 mai 2012, à la suite de la réapparition de lombalgies avec irradiation douloureuse au niveau du membre inférieur gauche. Le médecin qui a examiné la patiente le 19 mai 2012, après avoir noté que les suites opératoires étaient simples et que la cicatrice était propre, l'a autorisée, compte tenu de l'évolution favorable, à quitter le service dès le lendemain. Il n'est pas justifié, d'une part, que dans les jours suivants cette intervention chirurgicale et sa sortie de l'hôpital, Mme F... aurait présenté de la fièvre. Selon le certificat médical établi par le docteur D... C..., chef du service de rhumatologie du centre hospitalier de Valenciennes, l'intéressée est aussi restée apyrétique lors de son hospitalisation au sein de ce service du 15 septembre au 13 octobre 2012. En outre, la cicatrice post opératoire était propre et il n'a pas été noté de porte d'entrée infectieuse, qu'elle soit cutanée, pulmonaire, digestive ou urinaire et ses leucocytes sont restés à un niveau normal. Si, d'autre part, cette hospitalisation a été commandée par une suspicion de spondylodiscite, il résulte de l'instruction que les ponctions biopsies réalisées les 18 septembre et 11 octobre 2012 suivies d'hémocultures prélevées les 15 et 18 septembre 2012, soit quatre à cinq mois après l'intervention du 16 mai 2012, sont toutes revenues négatives. Seule une infection urinaire a été diagnostiquée.

6. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que l'expert et son sapiteur n'ont pas été en mesure de dire avec " certitude " si Mme F... avait été victime d'une infection. A cet égard, ils considèrent l'infection comme " probable " tout en relevant notamment qu'" aucun germe n'a été retrouvé lors des divers prélèvements réalisés (ponctions, hémocultures) " et que la CRP était normale. Si l'intéressée a présenté dès le 26 juillet 2012, un syndrome inflammatoire au niveau du foyer de l'intervention chirurgicale et que " les images IRM de septembre 2012 pouvaient faire suspecter une infection ", il ne résulte d'aucune pièce produite aux débats que ce syndrome ait eu un caractère infectieux, alors que les ponctions, biopsies et hémocultures réalisées lors de l'hospitalisation de la patiente en rhumatologie n'ont pas révélés de germes infectieux. Les experts relèvent également que " si dans certains cas l'aspect inflammatoire par son ampleur et par son association à des destructions osseuses à type de géodes est à coup sûr infectieux, dans le cas de cette patiente et à cette date, ce n'est pas certain : il est en effet limité à la partie antérieure de l'espace, sans géodes associées et peut se voir après deux interventions avec curetage discal important comme il est coutume de le faire lors d'une intervention pour récidive". Il résulte de l'instruction que la seule circonstance qu'un traitement antibiotique a été prescrit à Mme F... du 13 octobre 2012 au mois de mars 2013, n'est pas de nature à établir l'existence certaine d'une telle infection, ce traitement ayant été administré à titre préventif. Ainsi, compte tenu des résultats négatifs de la recherche bactériologique des ponctions, biopsies et hémocultures réalisées les 15, 18 septembre et 11 octobre 2012 et du délai qui s'est écoulé entre l'intervention chirurgicale du 12 mai 2012 et ces résultats négatifs, Mme F..., qui ne produit aucun élément de nature à lever les doutes sur l'existence d'une infection et de son lien direct et certain avec l'intervention chirurgicale, ne peut être regardée comme ayant été victime d'une infection nosocomiale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Valenciennes sur le fondement de l'alinéa 2 de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

7. Il résulte par ailleurs de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que l'indication opératoire de la deuxième intervention était justifiée et que la technique opératoire employée le 16 mai 2012 a été conforme aux règles de l'art. Si la patiente n'a pas reçu d'antibioprophylaxie préalablement à cette intervention du 16 mai 2012 destinée à cureter son hernie récidivante, à supposer qu'un tel traitement à titre préventif ait été recommandé, il résulte de ce qui a été exposé au point 6 que cette abstention ne peut, en l'absence d'infection nosocomiale, ouvrir droit à réparation. Il suit de là que Mme F... et la caisse primaire d'assurance maladie du Hénault ne sont pas fondées à soutenir que le centre hospitalier de Valenciennes a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... et la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation du centre hospitalier de Valenciennes à leur verser respectivement la somme globale de 24 875 euros en réparation des préjudices subis et de 22 871,42 euros au titre des débours exposés. La requête de Mme F... et les conclusions de la caisse doivent, par conséquent, être rejetées, en ce comprises les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut, au centre hospitalier de Valenciennes, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et Me Stéphane Dominguez.

Délibéré après l'audience publique du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Anne Seulin, présidente,

Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

Mme Muriel Milard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2022

La présidente-rapporteure,

Signé : A.ChauvinLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA00213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00213
Date de la décision : 14/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : CABINET JASPER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-06-14;21da00213 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award