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24/05/2022 | FRANCE | N°21DA02825

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 24 mai 2022, 21DA02825


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 9 juin 2021 par lequel le préfet de l'Eure a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 424-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de de

ux ans.

Par un jugement n° 2102445 du 9 novembre 2021, le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 9 juin 2021 par lequel le préfet de l'Eure a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 424-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2102445 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Laurent Taffou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Eure du 9 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 424-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à défaut, sur le fondement des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-11 du même code, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé n'a pas évolué depuis mars 2015 et nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu du traitement inhumain et dégradant que constituerait le défaut de traitement approprié à son état de santé ;

- il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée ;

- il est fondé à obtenir un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dès lors qu'il est père d'un enfant résidant sur le territoire français et scolarisé en France ; ainsi l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, des articles L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2022, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête de M. B....

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués au soutien de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant nigérian né le 30 mars 1969, déclare être entré régulièrement en France le 5 décembre 2013. Le 28 avril 2014, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé, qui lui a été délivré puis renouvelé à quatre reprises jusqu'en septembre 2020. Le 25 septembre 2020, il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 20 avril 2021, le préfet de l'Eure a, par un arrêté du 9 juin 2021, rejeté la demande de M. B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 9 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

3. Il ressort des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'OFII a estimé, dans un avis du 20 avril 2021, que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Le requérant, qui soutient que le Nigéria ne dispose pas d'un système de santé permettant de répondre à son besoin de soins, produit plusieurs certificats médicaux établissant qu'il bénéficie d'un traitement pour sa pathologie de l'oreille droite. Toutefois, ces pièces médicales et la circonstance que depuis mars 2015 et jusqu'à l'édiction de l'arrêté contesté, des titres de séjour lui ont été délivrés en qualité d'étranger malade ne sont pas de nature à établir que, contrairement à l'avis émis sur ce point par le collège de médecins de l'OFII en avril 2021, l'intéressé ne pourrait bénéficier effectivement d'un suivi médical approprié à son état de santé dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Eure, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En deuxième lieu, M. B..., qui a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade, ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions des articles L. 313-10, L. 313-11, et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifiés aux articles L. 421-1, L. 423-23 et L. 435-1 du même code, alors que sa demande de titre de séjour n'a pas été présentée sur ces fondements et que le préfet de l'Eure n'a pas examiné de son propre office la demande de titre de séjour de l'intéressé sur ces différents fondements. Les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions ne peuvent donc qu'être écartés comme étant inopérants.

7. En troisième lieu, pour les mêmes raisons qu'énoncées au point 5 du présent arrêt, en l'absence de toute démonstration par M. B... de ce qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour au Nigéria, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

9. M. B... se prévaut de sa présence régulière en France depuis plus de sept ans à la date de la décision contestée, de son insertion professionnelle en qualité d'agent professionnel de prévention et de sécurité et de sa contribution à l'entretien et l'éducation de sa fille, née en 2004 au Nigéria et qui est scolarisée en France. Toutefois, il ne justifie que de contributions ponctuelles à l'entretien et l'éducation de sa fille aînée âgée de dix-sept ans à la date de la décision contestée, à compter de janvier 2020 et n'établit pas vivre avec elle, comme il l'allègue devant la cour. Surtout, M. B... a vécu jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans au Nigéria où, selon ses propres déclarations, réside sa fille cadette, née en 2008. Dans ces circonstances, et alors que M. B... a été admis au séjour sur le territoire français en qualité d'étranger malade, la décision en litige ne peut être regardée comme portant au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de cet article que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. Si M. B... se prévaut de ce qu'il est père d'un enfant résidant régulièrement sur le territoire français, il résulte de ce qui vient d'être dit, qu'il n'établit pas contribuer régulièrement à l'entretien et l'éducation de cette enfant, qui est également de nationalité nigériane, ni de l'intensité de ses relations affectives avec elle. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit aussi être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 10 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Muriel Milard, première conseillère,

- Mme Anne Khater, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.

La rapporteure,

Signé : A. KhaterLa présidente de la formation de jugement,

Signé : A. Chauvin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA02825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02825
Date de la décision : 24/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Chauvin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL TAFFOU-LOCATELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-24;21da02825 ?
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