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24/05/2022 | FRANCE | N°21DA01207

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 24 mai 2022, 21DA01207


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Buzare - Espace canin a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 11 janvier 2019 par laquelle le préfet du Nord lui a ordonné d'organiser, à sa charge, la réexpédition de cinquante-deux chiots en Hongrie et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1902077 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a reje

té sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Buzare - Espace canin a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 11 janvier 2019 par laquelle le préfet du Nord lui a ordonné d'organiser, à sa charge, la réexpédition de cinquante-deux chiots en Hongrie et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1902077 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2021, l'EURL Buzare - Espace canin, représentée par Me Hélène Detrez-Cambrai, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente ;

- les premiers juges ont dénaturé ce moyen et ont omis d'y répondre ;

- la décision contestée est fondée sur des constatations faites en méconnaissance de l'annexe IV du règlement UE n° 576/2013, le titrage des anticorps n'ayant pas été réalisé dans le délai de trente jours à compter de la date de vaccination prévu par ce texte ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant au respect de l'obligation vaccinale des chiots à douze semaines et de leur conservation pendant trois semaines, qui est établi par les passeports produits, et que les prélèvements et analyses opérés par l'administration ne permettent pas de vérifier de manière fiable ;

- la décision de réexpédition des chiots est disproportionnée, compte tenu des conséquences qu'elle emporte sur son chiffre d'affaires et alors qu'une autre mesure aux conséquences moindres, telle que la mise en quarantaine des animaux prévue à l'article L. 236-9 du code rural et de la pêche maritime aurait pu être prescrite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2022, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête de l'EURL Buzare - Espace canin.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués au soutien de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 576/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 9 décembre 2014 relatif aux conditions de police sanitaire régissant les échanges commerciaux et non commerciaux au sein de l'Union européenne ainsi que les importations et mouvements non commerciaux en provenance d'un pays tiers de certains carnivores ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 décembre 2018, l'établissement de vente de carnivores domestiques, exploité sous l'enseigne " Espace Canin " à Cambrai par l'EURL Buzare, a fait l'objet d'un contrôle inopiné de deux agents de la direction départementale de la protection des populations du Nord, service santé et protection des animaux et de l'environnement de la préfecture du Nord, accompagnés d'un vétérinaire mandaté, d'un vétérinaire stagiaire et de deux officiers de police judicaire de Cambrai. A la suite des constatations opérées sur place des cinquante-trois chiots récemment importés de Hongrie et des documents les accompagnant, l'administration a décidé de mettre en quarantaine ces animaux et de faire procéder, d'une part, à une analyse des anticorps antirabiques, d'autre part, à une expertise d'âge des chiots, dont les résultats ont conduit à la conclusion que seuls six chiots présentaient un taux d'anticorps supérieur ou égal à 0,5 UI/ml, dont trois seulement avaient l'âge requis pour avoir bénéficié d'une vaccination antirabique valide. Par une décision du 11 janvier 2019, le chef du service santé et protection des animaux et de l'environnement de la préfecture du Nord a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 236-9 du code rural et de la pêche maritime, enjoint à l'EURL Buzare - Espace canin d'organiser la réexpédition des cinquante chiots considérés comme non valablement vaccinés contre la rage et, par précaution, des deux chiots hospitalisés. Par un jugement du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de l'EURL Buzare - Espace canin tendant à l'annulation de cette décision. L'EURL Buzare - Espace canin relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient l'EURL Buzare - Espace canin, les premiers juges ont répondu au point 2 du jugement attaqué au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée, qu'ils n'ont pas dénaturé. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 236-1 du code rural et de la pêche maritime : " Pour être introduits sur le territoire métropolitain (...) les animaux vivants, (...) doivent répondre aux conditions sanitaires, qualitatives ou ayant trait à la protection des animaux fixées par le ministre chargé de l'agriculture ou par des règlements ou décisions communautaires. " Aux termes de l'article L. 236-5 du même code : " Des contrôles vétérinaires exécutés par les agents habilités à cet effet peuvent être appliqués aux animaux vivants, (...) introduits sur le territoire métropolitain (...) dès lors qu'ils sont effectués à destination, dans des conditions fixées par le ministre chargé de l'agriculture. " Aux termes de l'article L. 205-1 du même code : " I. - Sans préjudice des compétences des officiers et agents de police judiciaire et des autres agents publics spécialement habilités par la loi, sont habilités à rechercher et à constater les infractions prévues et réprimées par (...) le présent livre, à l'exception de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier et du titre IV : 1° Les inspecteurs de la santé publique vétérinaire (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 236-9 du même code : " Lorsque des animaux vivants (...) ne répondent pas aux conditions fixées en application de l'article L. 236-1, les agents chargés des contrôles prévus aux articles L. 236-1 à L. 236-5 et L. 236-8 peuvent prescrire : 1° La mise en quarantaine des animaux, leur abattage, la consigne des produits, la destruction ou la réexpédition des animaux ou de leurs produits (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 7 de l'arrêté du 9 décembre 2014 relatif aux conditions de police sanitaire régissant les échanges commerciaux et non commerciaux au sein de l'Union européenne ainsi que les importations et mouvements non commerciaux en provenance d'un pays tiers de certains carnivores : " Les carnivores domestiques destinés à être introduits ou à transiter sur le territoire français en provenance d'un autre Etat membre doivent satisfaire aux conditions suivantes : a) Répondre aux conditions de l'article 6 du règlement (UE) n° 576/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 susvisé (...) ". Aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n° 576 / 2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relatif aux mouvements non commerciaux d'animaux de compagnie : " Les animaux de compagnie des espèces répertoriées à l'annexe I, partie A, ne peuvent être introduits dans un État membre depuis un autre État membre, à moins de remplir les conditions suivantes : (...) b) ils ont fait l'objet d'une vaccination antirabique répondant aux exigences de validité énoncées à l'annexe III (...) ". L'annexe III du même règlement prévoit : " (...) 2. Un vaccin antirabique doit remplir les conditions suivantes: (...) b) l'animal de compagnie était âgé d'au moins douze semaines à la date à laquelle le vaccin a été administré ; (...) e) la période de validité de la vaccination débute au moment où l'immunité protectrice est établie, ce qui ne peut être fait moins de vingt et un jours après l'achèvement du protocole de vaccination défini par le fabricant du vaccin pour la vaccination primaire, et court jusqu'au terme de la durée de l'immunité protectrice, spécifiée dans l'autorisation de mise sur le marché (...), ou dans l'autorisation ou l'agrément (...) du vaccin antirabique délivré dans l'État membre ou dans le territoire ou le pays tiers où le vaccin a été administré. "

5. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point 3 que les inspecteurs de la santé publique vétérinaire ont compétence pour décider notamment de la réexpédition des animaux vivants introduits sur le territoire métropolitain en infraction à la règlementation européenne. Il ressort de la décision contestée prescrivant la réexpédition des cinquante-deux chiots importés de Hongrie par l'EURL Buzare - Espace canin, qu'elle a été édictée et signée par M. B... A..., chef du service santé et protection des animaux et de l'environnement de la préfecture du Nord. Il résulte de la notification de situation administrative produite en première instance par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation que M. B... A... avait, à la date de cette décision, la qualité d'inspecteur de la santé publique vétérinaire. Dans ces conditions, il était compétent pour signer la décision contestée, alors même qu'elle porte par erreur la mention " par délégation du préfet ". Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée doit par suite être écarté.

6. En deuxième lieu, il résulte des dispositions citées au point 4 que, pour être introduits sur le territoire français conformément aux prescriptions de l'article 7 de l'arrêté du 9 décembre 2014 précité, qui renvoie aux conditions de l'article 6 du règlement (UE) n° 576/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013, les chiots importés de Hongrie par l'EURL Buzare - Espace canin devaient avoir fait l'objet d'une première vaccination antirabique réalisée au-delà de leur douzième semaine et n'avoir franchi la frontière qu'après un délai de vingt-et-un jours courant à compter de cette première vaccination. Or, l'inspecteur de la santé publique vétérinaire de la préfecture du Nord a considéré que, compte tenu de l'âge estimé par expertise de la denture des chiots, et quel que fût le titrage des anticorps, les cinquante chiots devaient être regardés comme non valablement vaccinés contre la rage, dès lors qu'ils l'avaient été trop jeunes ou ne l'avaient pas été.

7. Tout d'abord, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance par l'administration des prescriptions de l'annexe IV du règlement (UE) n° 576/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 qui conditionnent la validité d'un titrage des anticorps de la rage à sa réalisation sur un échantillon prélevé au moins trente jours après la date de vaccination, dès lors que la mesure contestée n'a pas été prise en conséquence des résultats des titrages des anticorps réalisés mais au vu des contradictions entre les mentions présentées sur les passeports des chiots et leur âge tel qu'il est ressorti de la diagnose réalisée, celle-ci ayant permis d'établir que les cinquante chiots devaient être regardés comme non valablement vaccinés contre la rage en ce qu'ils l'avaient été trop jeunes ou ne l'avaient pas été. Ce moyen doit donc être écarté comme étant inopérant.

8. Ensuite, en se bornant à se prévaloir des passeports canins établis en Hongrie et à produire l'extrait d'un rapport établi par un docteur vétérinaire adressé au ministre le 18 mai 2021 attirant son attention sur le caractère aléatoire de la détermination de l'âge des chiots par le simple examen de la denture des animaux et le caractère délicat de la remise en cause des certifications vétérinaires de praticiens habilités d'un autre Etat membre indiquées sur ces documents d'identification, ainsi que l'avis de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail du 2 avril 2020 relatif à l'interprétation des résultats de titrages des anticorps antirabique chez des chiots faisant l'objet de mouvements commerciaux en provenance d'Etats membres de l'Union européenne vers la France qui conclut au demeurant, s'agissant d'autres chiots dans une affaire ne concernant pas l'EURL Buzare - Espace canin, à la seule nécessité de prendre en compte plusieurs facteurs, dont la diagnose d'âge, l'état sanitaire des animaux, l'étude des documents les accompagnant et leur compatibilité avec les tests sérologiques effectués, l'EURL Buzare - Espace canin n'apporte aucun élément sérieux de nature à remettre en cause les conclusions du vétérinaire mandaté par les services de l'Etat. Elle n'établit pas que l'administration se serait fondée sur une diagnose d'âge erronée et en aurait conclu à tort que les chiots importés et contrôlés n'avaient pas fait l'objet d'une vaccination conforme aux règles de vaccination prévues à l'annexe III du règlement européen. Ce moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit donc également être écarté.

9. Enfin, compte tenu de la gravité des manquements allégués, qui concernent plus de cinquante chiots et des antécédents de l'EURL Buzare - Espace canin, qui avait déjà à deux reprises, en 2016 et 2017, introduit sur le territoire français des chiots en provenance de Bulgarie en méconnaissance des conditions de validité de la vaccination antirabique, la décision prescrivant la réexpédition des animaux plutôt que leur mise en quarantaine ou leur abattage n'apparaît pas disproportionnée.

10. Il résulte de ce tout ce qui précède que l'EURL Buzare - Espace canin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Il y a donc lieu de rejeter ses conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué et de la décision du 11 janvier 2019 par laquelle le chef du service santé et protection des animaux et de l'environnement de la préfecture du Nord lui a ordonné d'organiser, à sa charge, la réexpédition de cinquante-deux chiots en Hongrie, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL Buzare - Espace canin est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Buzare - Espace canin et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 10 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Muriel Milard, première conseillère,

- Mme Anne Khater, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.

La rapporteure,

Signé : A. KhaterLa présidente de la formation de jugement,

Signé : A. Chauvin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA01207


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01207
Date de la décision : 24/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Chauvin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : DETREZ-CAMBRAI

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-24;21da01207 ?
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