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10/05/2022 | FRANCE | N°21DA02620

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 10 mai 2022, 21DA02620


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 2103890 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. D... un certificat de r

ésidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 2103890 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. D... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2021, le préfet du Nord, représenté par Me Xavier Termeau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale dès lors que l'intéressé, qui représente en France une menace à l'ordre public du fait de ses nombreuses condamnations entre 2018 et 2019, ne justifie pas d'une communauté de vie d'au moins un an avant le pacte civil de solidarité qu'il a conclu le 28 janvier 2021 avec une ressortissante française ;

- les moyens soulevés par M. D... devant les premiers juges ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2021, M. A... D..., représenté par Me Camir Kerifa, conclut au rejet de la requête et au versement, à son avocate, d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par celle-ci à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que le moyen soulevé par le préfet du Nord n'est pas fondé.

M. D... a obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., de nationalité algérienne né le 2 novembre 1998, est entré en France le 25 mars 2015 à l'âge de seize ans et a été confié à l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité. Il s'est vu délivrer des certificats de résidence portant la mention " étudiant " de 2016 à 2018. Il a fait l'objet d'un arrêté le 15 avril 2019 du préfet du Nord refusant de lui renouveler son titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, auquel il s'est soustrait. Il a demandé, le 13 avril 2021, la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet du Nord relève appel du jugement du 12 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. D..., annulé son arrêté du 23 avril 2021 par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination de cette mesure.

Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement contesté :

2. Pour annuler l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. D..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination de cette mesure, le tribunal administratif de Lille a estimé que M. D..., entré en France en mars 2015 à l'âge de seize ans, entretenait depuis septembre 2019 une relation amoureuse avec une ressortissante française, avec laquelle il vit depuis le mois de mai 2020 et a conclu un pacte civil de solidarité le 28 janvier 2021. Il a constaté que le 28 juin 2021, M. D... a reconnu de manière anticipée l'enfant que sa compagne attend et que, bien que cette circonstance soit postérieure à la décision attaquée, elle éclaire la réalité et l'intensité de la relation de couple qui, malgré les condamnations pénales dont le requérant a fait l'objet, doit faire regarder le refus de délivrance d'un certificat de résidence comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

3. Il n'est pas contesté que M. D... a été confié à l'aide sociale à l'enfance du département du Nord en 2015 à l'âge de seize ans et qu'il a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étudiant du 4 novembre 2016 au 31 octobre 2018. Toutefois, si M. D... réside sur le territoire français depuis cette date, il ne justifie d'une situation de concubinage avec une ressortissante française que depuis mai 2020. En outre, si l'intéressé a conclu un pacte civil de solidarité avec celle-ci le 28 janvier 2021, celui-ci présente un caractère récent à la date du 23 avril 2021 de l'arrêté en litige. La circonstance que celle-ci serait enceinte et que l'enfant à naître aurait été reconnu par l'intéressé le 28 juin 2021 de manière anticipée est sans incidence sur la légalité de cet arrêté dès lors que cette circonstance est postérieure à celui-ci. Par ailleurs, M. D... ne justifie d'aucune insertion professionnelle en France et dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et un frère et une sœur. Par ailleurs, M. D... a été condamné à une peine de dix mois d'emprisonnement délictuel par un jugement du tribunal correctionnel de Valenciennes en date du 28 octobre 2019 pour violence aggravée, après une précédente condamnation à six mois d'emprisonnement de ce même tribunal le 4 avril 2018 pour usage et trafic de stupéfiants. Enfin, l'intéressé s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement prononcée le 15 avril 2019 et s'est ainsi maintenu irrégulièrement sur le territoire français. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de séjour en France de M. D..., le préfet du Nord a pu, sans porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé, pour ce motif, l'arrêté contesté.

4. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Lille et la cour.

Sur le refus de titre de séjour :

5. Par un arrêté du 9 mars 2021, publié le même jour au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du Nord n° 62 du 12 mars 2021, le préfet du Nord a donné délégation à M. B... E..., sous-préfet de Valenciennes, à l'effet de signer la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette décision doit être écarté.

6. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 3, la décision en litige ne méconnaît pas les dispositions du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entachée d'aucun défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé, ni d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui vient d'être exposé que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Dans ces conditions, le moyen excipant de l'illégalité de cette décision doit être écarté.

8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, le préfet du Nord n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas entaché la décision en litige d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 23 avril 2021 rejetant la demande de M. D... de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction assorties d'astreinte présentées par M. D....

Sur les frais liés à l'instance :

10. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. D... doivent, dès lors, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2103890 du 12 octobre 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de M. D... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... D... et à Me Camir Kerifa.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 26 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- Mme Muriel Milard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

La rapporteure,

Signé : M. C...La présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

N°21DA02620 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02620
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : KERIFA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-10;21da02620 ?
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