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10/05/2022 | FRANCE | N°21DA01508

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 10 mai 2022, 21DA01508


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler le titre de recettes n° 899 émis par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Somme le 17 octobre 2018 pour un montant total de 12 110 euros, de le décharger de la somme réclamée et de mettre à la charge du SDIS de la Somme une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803682 du 12 mai 2021, le tribunal a

dministratif d'Amiens a annulé le titre exécutoire n° 899 émis le 17 octobre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler le titre de recettes n° 899 émis par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Somme le 17 octobre 2018 pour un montant total de 12 110 euros, de le décharger de la somme réclamée et de mettre à la charge du SDIS de la Somme une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803682 du 12 mai 2021, le tribunal administratif d'Amiens a annulé le titre exécutoire n° 899 émis le 17 octobre 2018 par le SDIS de la Somme et a déchargé le centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye de l'obligation de payer la somme de 12 110 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juin 2021, le SDIS de la Somme, représenté par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit aux conclusions du SDIS présentées devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les transports d'urgence qui font suite à des prises en charge médicale sur place par un médecin du SMUR réalisés avec les moyens humains et matériels du SDIS ne peuvent être regardés comme le prolongement des missions légales imparties aux SDIS et peuvent donner lieu à une participation aux frais de la part du centre hospitalier siège du SAMU en application des dispositions de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales et de l'article D. 6124-12 du code de la santé publique ;

- l'absence de contrat signé entre le centre hospitalier siège du SAMU et le SDIS de la Somme sur le fondement de l'article D. 6124-2, ne fait pas obstacle à la participation financière demandée, dans les conditions fixées par la délibération, sur le terrain de l'enrichissement sans cause ;

- le montant demandé ne représente que 40 % du coût des interventions du SDIS et n'est pas disproportionné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2021, le centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye, représenté par Me Omar Yahia, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du SDIS de la Somme une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, les transports de jonction litigieux constituent des évacuations prolongeant ses missions de secours et sont à la charge financière du SDIS en application de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales ;

- à titre subsidiaire, une convention aurait dû être conclue pour le paiement des frais d'intervention ;

- la théorie de l'enrichissement sans cause ne peut être retenue, la répartition des charges financières afférentes aux transports dans le cadre du secours à personnes et de l'aide médicale d'urgence étant régie par des textes législatifs et réglementaires ;

- les moyens de première instance sont fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me Smahane Belhadef, représentant le centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération n° 4 du 30 octobre 2017, le conseil d'administration du SDIS de la Somme a approuvé la tarification pour un prix forfaitaire de 346 euros, de chaque transfert médicalisé réalisé par le moyen d'un véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) à la suite de la demande de la structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) sur place et du centre de réception et de régulation des appels (" centre 15 ") du service d'aide médicale urgente (SAMU), vers un établissement de santé. Sur le fondement de cette délibération, le SDIS de la Somme a notifié au centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye un titre exécutoire n° 899 émis le 17 octobre 2018 pour obtenir le paiement d'une somme de 12 110 euros.

2. Le SDIS de la Somme interjette appel du jugement du 12 mai 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé le titre exécutoire n° 899 émis le 17 octobre 2018 et a déchargé le centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye de l'obligation de payer la somme de 12 110 euros.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : " Les services d'incendie et de secours (...) concourent, avec les autres services et professionnels concernés, (...) aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (...) / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ". L'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure prévoit que : " Les dépenses directement imputables aux opérations de secours au sens des dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont prises en charge par le service départemental d'incendie et de secours. (...) ". L'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le service départemental d'incendie et de secours n'est tenu de procéder qu'aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l'article L. 1424-2. / S'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration. / Les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2, font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d'aide médicale d'urgence. / Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le service départemental d'incendie et de secours et l'hôpital siège du service d'aide médicale d'urgence, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 6311-1 du code de la santé publique : " L'aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d'organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu'ils se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état " et l'article L. 6311-2 du même code prévoit que : " (...) un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d'aide médicale urgente (...) ". L'article R. 6311-1 de ce code précise que : " Les services d'aide médicale urgente ont pour mission de répondre par des moyens exclusivement médicaux aux situations d'urgence. / Lorsqu'une situation d'urgence nécessite la mise en œuvre conjointe de moyens médicaux et de moyens de sauvetage, les services d'aide médicale urgente joignent leurs moyens à ceux qui sont mis en œuvre par les services d'incendie et de secours " et l'article R. 6311-2 que : " Pour l'application de l'article R. 6311-1, les services d'aide médicale urgente : / (...) 2° Déterminent et déclenchent, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ; / (...) 4° Organisent, le cas échéant, le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires (...) ". L'article D. 6124-12 de ce code permet aux services d'incendie et de secours de mettre des équipages et véhicules à disposition d'une structure mobile d'urgence et de réanimation dans le cadre, qui régit alors cette mise à disposition, d'une convention avec l'établissement de santé autorisé à disposer d'une telle structure. Il résulte enfin de l'article R. 6312-15 du même code que ces services, indépendamment de la conclusion d'une telle convention, peuvent être amenés à intervenir pour effectuer des transports sanitaires d'urgence faute de moyens de transport sanitaire.

5. Enfin, le paragraphe II.B.1 du titre I du référentiel commun du 25 juin 2008 relatif à l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente, annexé à l'arrêté de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et de la ministre de la santé et des sports du 24 avril 2009, prévoit, pour renforcer la coordination des services publics de façon à apporter la réponse la plus adaptée aux situations d'urgence, d'une part, que tous les appels pour secours et soins d'urgence font l'objet de la régulation médicale par le service d'aide médicale urgente (SAMU) et, d'autre part, que dans les situations de " départ réflexe ", correspondant notamment à l'urgence vitale identifiée à l'appel et aux interventions sur la voie publique ou dans les lieux publics, l'engagement des moyens des services d'incendie et de secours en vue de secours d'urgence précède la régulation médicale, laquelle se fait alors dans les meilleurs délais. En vertu de la circulaire interministérielle du 5 juin 2015 relative à l'application de l'arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel portant sur l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente : " En cas de départ réflexe des moyens du SIS, la régulation médicale par le SAMU intervient dans les meilleurs délais après le déclenchement des moyens du SIS afin de s'assurer de la pertinence des moyens déjà engagés (compétence mobilisée et vecteur utilisé) et de les compléter le cas échéant ".

6. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les SDIS ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Figurent au nombre de ces missions celles qui relèvent des secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l'évacuation de ces personnes vers un établissement de santé.

7. Il ressort des termes mêmes du deuxième alinéa de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales que ces dispositions ne concernent pas les interventions des SDIS à la demande du " centre 15 " et régissent exclusivement les interventions des SDIS à la demande de particuliers, en dehors des situations de secours d'urgence aux personnes relevant du 4° de l'article L. 1424-2 du même code. Les troisième et quatrième alinéas de cet article s'appliquent lorsque le SDIS intervient en dehors de situation de secours d'urgence aux personnes, à la demande du " centre 15 " de régulation médicale qui souhaite envoyer un moyen de transport pour répondre à une situation médicalement justifiée tout en constatant le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés. Dans un tel cas, les interventions effectuées par le SDIS font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements publics de santé, siège des services d'aide médicale d'urgence, par voie conventionnelle. Les troisième et quatrième alinéas de cet article régissent l'ensemble des conditions de prise en charge financière, par les établissements de santé, des interventions du SDIS à la demande du " centre 15 ", lorsque ces interventions ne sont pas au nombre des missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du même code. Cette prise en charge financière par voie conventionnelle est, par définition, différente de celle visée par l'article D. 6124-12 du code de la santé publique qui prévoit que le SDIS peut mettre à la disposition de la structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) rattachée à un établissement de santé disposant d'un service d'aide médicale urgente (SAMU), certains de ses moyens, par voie de convention. Il suit de là qu'aucune disposition de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales n'autorise un SDIS à facturer unilatéralement une prise en charge financière à un établissement public de santé abritant un SAMU.

8. Par ailleurs, lorsque le SDIS, après avoir engagé ses moyens dans une situation de " départ réflexe ", laquelle relève de ses missions de service public au titre du 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, procède à l'évacuation de la personne secourue vers un établissement de santé, il lui incombe d'assumer la charge financière de ce transport qui doit être regardé, en vertu des mêmes dispositions, quelle que soit la gravité de l'état de la personne secourue, comme le prolongement des missions de secours d'urgence aux accidentés ou blessés qui lui sont dévolues. La circonstance que la structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) soit également intervenue sur décision du médecin coordonnateur du " centre 15 " pour assurer, au titre de ses missions propres, la prise en charge médicale urgente de la personne, est sans incidence sur les obligations légales du SDIS, parmi lesquelles figure celle d'assurer l'évacuation de la personne qu'il a secourue vers un établissement de santé. Il n'en résulte aucun enrichissement sans cause de l'établissement public de santé abritant le SAMU dès lors que la charge financière assumée par le SDIS résulte de ses obligations légales.

9. Si le SDIS de la Somme invoque le moyen tiré de la méconnaissance de l'article D. 6124-12 du code de la santé publique qui prévoit que le SDIS peut mettre à la disposition de la SMUR rattachée à un établissement de santé disposant d'un SAMU, certains de ses moyens, par voie de convention, un tel moyen est, en tout état de cause, inopérant dès lors qu'aucune convention de prise en charge financière n'est ici en cause.

10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le conseil d'administration du SDIS de la Somme ne pouvait, par sa délibération du 30 octobre 2017, décider de facturer unilatéralement, sur la base d'un forfait de 346 euros, les transports " de jonction " médicalisés à la demande de la SMUR sur place et de la coordination médicale, réalisés au moyen de son VSAV avec à son bord un médecin de la SMUR, vers l'établissement de santé désigné par le médecin coordinateur du " centre 15 ". Dès lors, le titre de recettes litigieux ayant été pris sur la base d'une délibération illégale, le SDIS de la Somme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges en ont prononcé l'annulation et ont déchargé le centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye du paiement de la somme correspondante de 12 110 euros.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la requête du SDIS de la Somme doit être rejetée.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance, verse au SDIS de la Somme la somme que celui-ci réclame à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le SDIS de la Somme à verser au centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye une somme de 1 000 euros, au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de sécurité de la Somme est rejetée.

Article 2 : Le service départemental d'incendie et de secours de la Somme versera au centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Roye une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours de la Somme et au centre hospitalier intercommunal de Montdidier-Royer.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- Mme Muriel Milard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

La présidente-assesseure,

Signé : A. ChauvinLa présidente de chambre

Signé : A. SeulinLa greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au préfet de la Somme et au ministre de la santé et des solidarités, ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

N°21DA01508 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01508
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Seulin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : YAHIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-10;21da01508 ?
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