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10/05/2022 | FRANCE | N°21DA00163

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 10 mai 2022, 21DA00163


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'institut départemental de l'enfance, de la famille et du handicap pour l'insertion (IDEFHI) à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi résultant de la décision du directeur de l'IDEFHI du 7 juin 2018 ayant prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 1804173 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2021, Mme B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'institut départemental de l'enfance, de la famille et du handicap pour l'insertion (IDEFHI) à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi résultant de la décision du directeur de l'IDEFHI du 7 juin 2018 ayant prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 1804173 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2021, Mme B..., représentée par Me Laure Cobert Delaunay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'IDEFHI à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice économique et moral ;

3°) de mettre à la charge de l'IDEFHI une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les faits retenus à son encontre qui relèvent de fautes disciplinaires et non de son incapacité à remplir les tâches pour lesquelles elle était embauchée, ne peuvent justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle ;

- à la date de son licenciement, elle était en arrêt maladie ce qui aurait dû conduire l'IDEFHI à s'interroger sur son éventuel épuisement psychologique d'autant qu'elle avait dénoncé à plusieurs reprises une politique managériale inadaptée ;

- l'IDEFHI ne l'a pas préalablement alertée sur ses défaillances et il n'a jamais mis à sa disposition les moyens pour lui permettre une amélioration de son comportement ;

- les contrats d'accueil qu'elle a signés ne contiennent aucune information sur le suivi individualisé de l'enfant confié, ni sur les modalités d'information de l'assistant familial quant à la santé physique et psychologique de l'enfant accueilli, en méconnaissance de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles ; ainsi, elle n'a pas été mise en mesure d'exercer ses fonctions dans des conditions normales ;

- elle n'a pas bénéficié, entre 2011 et son licenciement, d'entretiens annuels d'évaluation en méconnaissance de l'article 1-3 des décrets du 6 février 1991 et du 15 février 1988 qui s'appliquent aux assistantes familiales, bien qu'elles soient régies par le code de l'action sociale et des familles ;

- le compte-rendu de l'entretien du 4 juillet 2017 qu'elle n'a pas signé, n'a aucune valeur juridique et ne peut fonder son licenciement ;

- l'IDEFHI, qui n'a pris aucune mesure pour la sanctionner alors qu'il était informé de faits de maltraitance en 2016 et, au contraire, a décidé de lui confier de nouveaux enfants sans attirer son attention sur la dérive de ses pratiques, et n'a pas non plus réagi à l'annonce de difficultés relationnelles rencontrées avec l'une des éducatrices du service, a manqué à ses obligations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2021, l'institut départemental de l'enfance, de la famille et du handicap pour l'insertion (IDEFHI), représenté par Me Magali Leroy, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 27 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 18 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 83-634 du 12 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B... épouse C... a été recrutée par l'institut départemental de l'enfance, de la famille et du handicap pour l'insertion (IDEFHI) à compter du 20 novembre 2008, en qualité d'assistante familiale agréée au sein de l'unité d'accueil familial renforcé (AFR) du service territorial dieppois dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de six mois prolongé par avenants successifs, avant d'être transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 20 septembre 2009. Par une décision du 7 juin 2018, le directeur de cet établissement a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle. Mme B..., épouse C... relève appel du jugement du 3 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'IDEFHI à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subis du fait de ce licenciement.

2. Aux termes de l'article L. 422-7 du code de l'action sociale et des familles : " Les assistants maternels et les assistants familiaux employés par des établissements publics de santé ou des établissements sociaux ou médico-sociaux publics ou à caractère public sont des agents non titulaires de ces établissements. Les dispositions particulières qui leur sont applicables compte tenu du caractère spécifique de leur activité, sont fixées par voie réglementaire. " Aux termes de l'article L. 423-10 du même code, applicable aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public : " L'employeur qui envisage, pour un motif réel et sérieux, de licencier un assistant maternel ou un assistant familial qu'il emploie depuis trois mois au moins convoque celui-ci et le reçoit en entretien dans les conditions prévues aux articles L. 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail. Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. "

3. Il résulte de l'instruction que la décision de licencier Mme B... épouse C... est fondée sur les difficultés de cette dernière à prendre en compte les besoins physiques de l'enfant, notamment à tenir compte de ses rythmes dans le cadre de son organisation personnelle et familiale, ses difficultés à travailler en équipe, à échanger et rendre compte du quotidien de l'enfant et respecter les consignes données, et son incapacité à se remettre en cause, à évoluer en tenant compte des remarques et des conseils prodigués et à instaurer une relation de confiance avec l'équipe pluridisciplinaire.

4. Il résulte des pièces du dossier et, notamment, d'une note d'information du 2 février 2016 établie par la psychologue du service, du compte-rendu d'évaluation du 25 août 2017 rédigé par la cadre de service, du rapport établi le 17 novembre 2017 par la responsable de l'unité AFR et de notes du binôme psycho-éducatif chargé du suivi des mineurs, que A... B... épouse C... a rencontré des difficultés dans l'accomplissement de ses missions à compter du mois de février 2016, qui se sont accrues avec l'accueil au mois de septembre 2016 de trois enfants confiés par l'AFR du secteur de Dieppe. Malgré plusieurs entretiens, elle a en particulier été dans l'incapacité de prendre la mesure des difficultés d'un enfant accueilli chez elle souffrant d'encoprésie, et plus généralement n'a pas été en mesure d'appréhender les problématiques des jeunes pour les aider dans leur évolution. Surtout, elle a refusé de reconnaître ses difficultés et d'écouter les alternatives éducatives ou psychologiques proposées, continuant d'adopter un comportement inadapté, parfois maltraitant à l'égard des enfants nécessitant un accompagnement renforcé, et agressif envers les éducateurs. Il est à cet égard constant qu'elle a rencontré des problèmes de collaboration et de communication avec l'équipe éducative de l'AFR de Dieppe et, notamment, avec l'une des éducatrices avec laquelle elle a pu se montrer désagréable en présence des parents et des enfants, et à qui elle a d'ailleurs refusé l'accès à son domicile. Le compte-rendu d'entretien du 8 décembre 2017 avec la psychologue et la cadre du service qui ont souhaité lui proposer un protocole de soutien fait le même constat. Si certains des faits qui ont motivé le licenciement constituent, pris isolément, des fautes disciplinaires, ils attestent d'un comportement général de l'intéressée inadapté aux missions confiées et son incapacité à remplir correctement ses fonctions d'assistante familiale au sein d'une unité d'accueil familial renforcé auprès d'enfants en grandes difficultés. Dans ces conditions, en prenant en compte ces carences dans sa manière de servir pour licencier Mme B... épouse C... pour insuffisance professionnelle, l'IDEFHI n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation.

5. Contrairement à ce que soutient Mme B... épouse C..., il résulte de l'instruction qu'elle a bénéficié de plusieurs entretiens notamment en février, mars et mai 2017 avec le binôme psycho-éducatif, ainsi qu'en novembre et décembre 2017 avec sa hiérarchie, consacrés aux modalités de prise en charge des enfants dont elle avait la garde. Or, durant ces entretiens, elle a nié avoir des difficultés et s'est montrée dans l'incapacité d'en prendre la mesure et de tenir compte des conseils éducatifs prodigués. L'IDEFHI établit avoir entamé différentes démarches pour l'amener à prendre du recul et faire évoluer sa pratique et sa posture professionnelles avant de prendre la décision de licenciement contestée. Mme B... épouse C... ne peut ainsi reprocher à l'IDEFHI de ne pas l'avoir alertée sur sa manière de servir et de ne pas avoir mis à sa disposition les moyens lui permettant d'accomplir sa mission. Elle n'établit pas non plus que les difficultés et manquements qui lui sont reprochés trouveraient leur origine dans un épuisement psychologique au demeurant non médicalement attesté, alors en outre qu'elle a été placée en congé maladie, à compter du 3 janvier 2018, soit après le lancement de la procédure de licenciement.

6. Mme B... épouse C... reprend le moyen tiré d'un manquement de l'IDEFHI à son obligation d'information sur la situation individuelle des enfants dont elle avait la charge et lui reproche de ne pas lui avoir permis d'exercer ses fonctions dans des conditions normales au motif que les contrats d'accueil ne contenaient aucune information sur le suivi individualisé de l'enfant confié, ni sur les modalités d'information de l'assistant familial quant à la santé physique et psychologique des enfants, contrairement à ce que prévoit l'article L. 421-16 du code de l'action sociale et des familles. Toutefois, elle ne se prévaut d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

7. Enfin, Mme B... épouse C..., qui a été recrutée par l'IDEFHI sur le fondement des dispositions des articles L. 421-1 et suivant du code de l'action sociale et des familles, et non sur celui des dispositions des articles 9 et 9-1 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article 1-3 du décret du 6 février 1991. Elle n'est pas davantage fondée à invoquer les dispositions de l'article 1-3 du décret du 15 février 1988 applicables aux agents de la fonction publique territoriale.

8. Il résulte de ce qui vient d'être exposé que Mme B... épouse C... n'est pas fondée à soutenir que son licenciement pour insuffisance professionnelle est entaché d'illégalité, ni, en l'absence d'illégalité fautive, à demander la condamnation de l'IDEFHI à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de cette décision.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... épouse C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... épouse C... et à l'institut départemental de l'enfance, de la famille et du handicap pour l'insertion.

Délibéré après l'audience publique du 26 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- Mme Muriel Milard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

La présidente-rapporteure,

Signé : A. ChauvinLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA00163


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00163
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : LEROY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-10;21da00163 ?
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