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10/05/2022 | FRANCE | N°20DA01371

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 10 mai 2022, 20DA01371


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision en date du 25 juillet 2017 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire d'Annœullin a refusé de modifier sa durée d'enfermement nocturne en cellule, d'enjoindre au directeur du même centre pénitentiaire de lui appliquer les dispositions du règlement intérieur prévoyant une durée d'enfermement nocturne maximale de douze heures des détenus en cellule, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la char

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision en date du 25 juillet 2017 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire d'Annœullin a refusé de modifier sa durée d'enfermement nocturne en cellule, d'enjoindre au directeur du même centre pénitentiaire de lui appliquer les dispositions du règlement intérieur prévoyant une durée d'enfermement nocturne maximale de douze heures des détenus en cellule, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1710159 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 25 juillet 2017 du directeur du centre pénitentiaire d'Annœullin, a enjoint à ce dernier de réduire la durée d'enfermement nocturne en cellule de M. B... à douze heures conformément au règlement intérieur de l'établissement dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Ciaudo, conseil de M. B..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la période durant laquelle les portes de la cellule de M. B... étaient fermées devait être qualifiée de période d'enfermement nocturne au sens de l'article D. 270 du code de procédure pénale, qui doit être distinguée de l'encellulement individuel de jour ;

- dans le cas de M. B..., qui bénéficie d'un classement en atelier, l'enfermement nocturne n'excède pas douze heures dès lors qu'il débute à 19 heures, après la distribution des repas qui se fait pendant la période d'encellulement individuel de jour, et s'achève à 7 heures pour le contrôle avant le départ aux ateliers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2021, M. A... B..., représenté par Me Alexandre Ciaudo, conclut au rejet de la requête du garde des sceaux, ministre de la justice et demande à la cour :

1°) d'enjoindre au directeur du centre pénitentiaire d'Annœullin de lui appliquer les dispositions du règlement intérieur prévoyant une durée d'enfermement nocturne maximale de douze heures des détenus en cellule dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la décision attaquée méconnaît l'article 4 de l'annexe à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale qui prévoit une durée d'enfermement nocturne des détenus en cellule n'excédant pas douze heures, dès lors qu'il est enfermé le soir en cellule à 17 heures 45 et ne peut en sortir que le lendemain matin à 8 heures, ne travaillant pas aux ateliers.

M. B... a obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2021.

Par une ordonnance du 25 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier en date du 24 juillet 2017, M. A... B..., incarcéré au centre pénitentiaire d'Annœullin, a, par l'intermédiaire de son conseil, demandé au directeur de cet établissement de limiter à douze heures la durée de son enfermement nocturne, conformément à l'article 4 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires figurant en annexe de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale en faisant valoir que sa cellule était fermée dès 17 heures 45 et jusqu'à 8 heures le lendemain matin. Par une décision du 25 juillet 2017, le directeur du centre pénitentiaire d'Annœullin a refusé de modifier les horaires d'encellulement de M. B... au motif que ceux-ci sont conformes au régime de détention auquel l'intéressé est soumis, les détenus devant réintégrer leur cellule pour la distribution des repas avant la fermeture de la détention. Par un jugement du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision et a enjoint au directeur du centre pénitentiaire d'Annœullin de modifier la durée d'enfermement nocturne en cellule de M. B... à douze heures conformément au règlement intérieur de l'établissement, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale : " Le règlement intérieur type pour le fonctionnement de chacune des catégories d'établissements pénitentiaires, comprenant des dispositions communes et des dispositions spécifiques à chaque catégorie, est annexé au présent titre. / Le chef d'établissement adapte le règlement intérieur type applicable à la catégorie dont relève l'établissement qu'il dirige en prenant en compte les modalités spécifiques de fonctionnement de ce dernier. Il recueille l'avis des personnels. " Aux termes de l'article 4 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale : " (...) La durée pendant laquelle la personne détenue est enfermée en cellule la nuit ne peut excéder douze heures. (...) ".

3. Il est constant que M. B... exécute sa peine dans le quartier du centre de détention au sein duquel il est soumis à un " régime normal " pour lequel le règlement intérieur du centre pénitentiaire d'Annœullin prévoit que les détenus sont soumis à un régime " portes fermées ", quittent leur cellule entre 7 heures 10 et 8 heures 30 le matin pour rejoindre les ateliers, dînent à 18 heures 30, la fermeture des portes et le contrôle de présence étant effectué à 19 heures. Il ressort par ailleurs des explications non contredites de l'administration pénitentiaire que les détenus sont invités à rejoindre leur cellule dès 18 heures pour que le repas puisse être servi, les cellules étant ensuite momentanément et individuellement rouvertes pour la distribution des repas. Cet emploi du temps, auquel sont soumis les détenus qui comme M. B... sont incarcérés dans ce quartier du centre pénitentiaire, révèle que si les cellules y sont effectivement fermées avant l'heure mentionnée dans le règlement intérieur, soit 19 heures, cet enfermement relève des règles applicables à l'encellulement diurne et ne marque pas le début de la période d'enfermement nocturne à laquelle sont applicables les dispositions spécifiques gouvernant le fonctionnement nocturne des établissement pénitentiaires, notamment les dispositions de l'article D. 270 du code de procédure pénale interdisant toute pénétration dans la cellule en l'absence de raisons graves ou de péril imminent. Il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de ce que la période d'enfermement nocturne de M. B... au centre pénitentiaire d'Annœullin outrepassait la durée maximale de douze heures prévue à l'article 4 de l'annexe de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale.

4. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 25 juillet 2017 du directeur du centre pénitentiaire d'Annœullin, a enjoint à ce dernier de réduire la durée d'enfermement nocturne en cellule de M. B... à douze heures conformément au règlement intérieur de l'établissement dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Ciaudo, conseil de M. B..., de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

5. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. B... tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1710159 du 2 juillet 2020 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, à M. A... B... et à Me Alexandre Ciaudo.

Délibéré après l'audience publique du 26 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- Mme Anne Khater, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

La rapporteure,

Signé : A. KhaterLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin La greffière,

Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°20DA01371


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01371
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : AARPI THEMIS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-10;20da01371 ?
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