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26/04/2022 | FRANCE | N°21DA01777

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 26 avril 2022, 21DA01777


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, de condamner la maison de retraite départementale de l'Aisne à lui verser la somme de 107 449 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2017 et capitalisation de ceux-ci à compter du 13 juillet 2018, à raison des faits de harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime et, d'autre part, d'annuler la décision implicite du directeur de cet établissement rejetant sa demande du 11 avril 2018 tendant au bé

néfice de la protection fonctionnelle .

Par un jugement n°1802316 du 9 déce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, de condamner la maison de retraite départementale de l'Aisne à lui verser la somme de 107 449 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2017 et capitalisation de ceux-ci à compter du 13 juillet 2018, à raison des faits de harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime et, d'autre part, d'annuler la décision implicite du directeur de cet établissement rejetant sa demande du 11 avril 2018 tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle .

Par un jugement n°1802316 du 9 décembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 juillet 2021 et le 28 mars 2022, Mme D... C..., représentée par Me Virginie Stienne-Duwez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la maison de retraite départementale de l'Aisne à lui verser la somme de 107 449 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2017 et capitalisation à compter du 13 juillet 2018 ;

3°) d'annuler la décision implicite du directeur de la maison de retraite départementale de l'Aisne rejetant sa demande du 11 avril 2018 tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle ;

4°) d'enjoindre au directeur de la maison de retraite départementale de l'Aisne de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de la maison de retraite départementale de l'Aisne au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- elle a été victime d'agissements constitutifs de faits de harcèlement moral de la part de la direction de la maison de retraite, qui avait une animosité particulière à son égard et a méconnu le principe d'impartialité ; ces faits sont à l'origine de préjudices moraux importants ;

- du fait de ces agissements, la protection fonctionnelle aurait dû lui être accordée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 novembre 2021 et 31 mars 2022, la maison de retraite départementale de l'Aisne, représentée par Me Cyril Clément, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme D... C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête de Mme D... C... ne comporte pas de critique des motifs retenus par les premiers juges et, par suite, elle est irrecevable ;

- à titre subsidiaire, les moyens présentés par Mme D... C... ne sont pas fondés.

Mme D... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une ordonnance du 15 juillet 2021 du président de la cour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Mme B... D... C... et les observations de Me Véronique Lesson, représentant la maison de retraite départementale de l'Aisne.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... C..., attachée d'administration hospitalière titulaire, exerçant ses fonctions à la maison de retraite départementale de l'Aisne depuis le 11 mars 2011, a demandé le 11 avril 2018 le bénéfice de la protection fonctionnelle qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet du directeur de cet établissement. Elle avait précédemment saisi celui-ci, le 11 juillet 2017, d'une demande préalable d'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral. Elle relève appel du jugement du 9 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions indemnitaires et sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de protection fonctionnelle.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, codifié à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

3. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

4. Tout d'abord, il résulte de l'instruction que Mme D... C... a été recrutée en 2011 sur un poste de responsable des finances et des ressources humaines puis affectée sur un poste de responsable de la qualité et de la vie sociale. Si l'intéressée a éprouvé des difficultés dans l'exercice de ce premier poste, en particulier relationnelles, les nouvelles fonctions qui lui ont ensuite été confiées, dont les missions de conception, de pilotage, d'expertise et de management décrites aux termes de la fiche de poste établie le 29 février 2016, sont au nombre de celles qui peuvent être confiées aux attachés d'administration hospitalière. En outre, ces fonctions de responsable de la qualité et de la vie sociale constituent des fonctions essentielles au bon fonctionnement de la maison de retraite. Or, Mme D... C... n'établit pas par les seuls éléments qu'elle produit, notamment deux fiches de poste antérieures à celle du 29 février 2016, non datées et non signées, une volonté de restreindre ses missions et ses responsabilités alors, au contraire, que le nouveau directeur de l'établissement arrivé en septembre 2016 lui a confié en particulier l'actualisation du plan bleu, plan d'organisation ayant pour but la mise en œuvre rapide et cohérente des moyens indispensables en cas de crise, ainsi que le pilotage de la rédaction des protocoles relatifs notamment à la prévention des infections, aux décès et à l'hygiène. Elle n'apporte aucun élément de nature à justifier que ce nouveau directeur aurait fait preuve d'animosité à son égard et de partialité. En outre, elle ne justifie pas davantage avoir été évincée des instances de direction de l'établissement, notamment de son conseil d'administration, ni avoir fait l'objet d'un retrait de délégation de signature dès lors que le directeur assure l'ensemble des décisions de l'établissement sans donner de délégation de signature particulière. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que son ordinateur était surveillé et ses communications téléphoniques écoutées, ni qu'elle aurait été exclue de toute information sur la vie de l'établissement. En outre, il n'est pas contesté que Mme D... C... a refusé de se rendre aux entretiens fixés par le directeur pour faire le point sur l'avancement du plan bleu et, que malgré les nombreuses relances de celui-ci, elle n'a produit aucun travail. Il en est de même en ce qui concerne l'élaboration des protocoles dont elle avait la charge en tant que responsable qualité, sans qu'elle ne justifie des difficultés rencontrées pour accéder au site de l'agence régionale de santé.

5. Ensuite, il résulte de l'instruction que Mme D... C... n'a pas assuré correctement sa mission d'organisation du conseil de la vie sociale et a fait preuve d'un manque total d'investissement, ainsi que le justifie la maison de retraite par les attestations de l'administratrice de l'établissement et d'un adjoint des cadres hospitaliers. L'établissement établit que plusieurs agents ont été victimes d'incidents avec Mme D... C..., ce qui a engendré un climat délétère au sein de l'établissement à l'origine de nombreux dysfonctionnements et des demandes de protection fonctionnelle de la part de ceux-ci. Il est également établi par les pièces versées à l'instance que l'intéressée a fait preuve d'un manque total de respect de la hiérarchie par un comportement violent et injurieux lors des réunions des groupes de travail. Une enquête administrative a ainsi été diligentée du 3 décembre 2018 au 10 janvier 2019 et le rapport, établi après l'audition de vingt-trois agents, a confirmé le comportement violent et les agressions verbales de Mme D... C... vis-à-vis de la direction et des agents de l'établissement.

6. Si Mme D... C... fait valoir qu'elle ne faisait plus d'intérims, plus d'encadrement réel, ni d'astreintes administratives depuis 2014 et qu'elle n'a pas bénéficié de la prime de service en 2011, 2018 et 2019, il résulte de l'instruction que la première de ces années est celle de son recrutement au sein de l'établissement et que les autres de ces mesures trouvent leur justification dans sa manière de servir mentionnée précédemment.

7. Enfin, si Mme D... C... réitère ses moyens tirés de ce que les agents qu'elle encadrait ont évité de répondre à ses demandes, qu'elle a été écartée du tableau d'avancement des attachés principaux des attachés d'administration hospitalière et que son état de santé s'est dégradé en raison de ses conditions de travail, notamment en raison de la situation de son bureau à proximité d'un parking l'exposant aux gaz d'échappement des voitures et des conditions matérielles quant à son logement, elle n'apporte toutefois, en cause d'appel, aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges aux points 5, 7 et 9 du jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs pour écarter ces moyens. Il en est de même des moyens tirés de ce qu'elle s'est vu rejeter à plusieurs reprises ses demandes de télétravail, de congés exceptionnels, d'autorisation d'absence pour l'exercice d'une activité syndicale, d'autorisation de cumul d'activités et de reconnaissance d'imputabilité au service d'un accident survenu sur son lieu de travail.

8. Il résulte de ce qui vient d'être dit, que Mme D... C... ne produit aucun élément de nature à faire présumer qu'elle aurait subi des agissements constitutifs d'un harcèlement moral. Par suite, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle :

9. Aux termes du IV de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 précitée, codifié à l'article L. 134-5 du code général de la fonction publique : " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ".

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8, que les faits allégués par Mme D... C... ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral. Par suite, le directeur de la maison de retraite départementale de l'Aisne a pu, à bon droit, refuser d'accorder à l'intéressée le bénéfice de la protection fonctionnelle.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la maison de retraite départementale de l'Aisne, que Mme D... C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme D... C... le versement à la maison de retraite départementale de l'Aisne, d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la maison de retraite départementale de l'Aisne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... C..., à la maison de retraite départementale de l'Aisne et à Me Virginie Stienne-Duwez.

Délibéré après l'audience publique du 5 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Muriel Milard, première conseillère,

- Mme Anne Khater, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2022.

La rapporteure,

Signé : M. A...La présidente de la formation de jugement,

Signé : A. Chauvin

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière

Nathalie Roméro

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N°21DA01777


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01777
Date de la décision : 26/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Chauvin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL CLEMENT-DELPIANO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-04-26;21da01777 ?
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