La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/04/2022 | FRANCE | N°21DA01110

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 26 avril 2022, 21DA01110


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 3 juin 2019 du directeur de la maison de retraite départementale de l'Aisne la révoquant de ses fonctions à titre disciplinaire et d'enjoindre à celle-ci de la réintégrer dans ses fonctions dans un délai de huit jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n°1902429 du 25 mars 2021, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à sa demande, a enjoint au directeur de la maison de re

traite départementale de l'Aisne de réintégrer Mme C... B... dans ses fonctions...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 3 juin 2019 du directeur de la maison de retraite départementale de l'Aisne la révoquant de ses fonctions à titre disciplinaire et d'enjoindre à celle-ci de la réintégrer dans ses fonctions dans un délai de huit jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n°1902429 du 25 mars 2021, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à sa demande, a enjoint au directeur de la maison de retraite départementale de l'Aisne de réintégrer Mme C... B... dans ses fonctions dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 mai 2021 et le 31 mars 2022, la maison de retraite départementale de l'Aisne, représentée par Me Cyril Clément, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... B... devant de tribunal administratif d'Amiens ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de Mme C... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme C... B... a été réintégrée rétroactivement à la suite de l'annulation de la décision du 3 juin 2019 jusqu'à la seconde décision de révocation du 28 décembre 2021 et il y a ainsi lieu de statuer sur sa requête ;

- l'absence d'avis du conseil de discipline sur une sanction déterminée n'est pas constitutif d'un vice de procédure car le conseil de discipline, en votant le principe d'une sanction du 4ème groupe, a entendu se prononcer en faveur de la sanction de la révocation ;

- en tout état de cause, ce vote sur le principe de la sanction la plus sévère n'a pas privé l'agent d'une garantie procédurale et n'a pas été de nature à influencer le sens de la décision prise ;

- les effets de la décision de révocation sont les mêmes que ceux de la mise à la retraite d'office, qui est également une sanction du 4ème groupe ;

- les autres moyens soulevés par Mme C... B... devant le tribunal administratif d'Amiens ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2022, Mme D... C... B..., représentée par Me Virginie Stienne-Duwez, conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale qu'elle a engagée, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la maison de retraite départementale de l'Aisne le versement à son conseil de la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- à titre principal, la maison de retraite a engagé une nouvelle procédure disciplinaire pour les mêmes faits et a pris une nouvelle décision de révocation le 23 décembre 2021, cette dernière décision remplace ainsi la précédente du 3 juin 2019 et il n'y a donc plus lieu d'y statuer ;

- à titre subsidiaire, elle a porté plainte pour dénonciation calomnieuse et il convient d'attendre l'issue de cette procédure en cours ;

- les moyens présentés par la maison de retraite départementale de l'Aisne ne sont pas fondés.

Mme C... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 10 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me Véronique Lesson, représentant la maison de retraite départementale de l'Aisne et de Mme D... C... B....

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 3 juin 2019, le directeur de la maison de retraite départementale de l'Aisne a révoqué à titre disciplinaire Mme C... B... de ses fonctions d'attachée d'administration hospitalière titulaire. La maison de retraite départementale de l'Aisne relève appel du jugement du 25 mars 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à la demande de Mme C... B... tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le non-lieu à statuer :

2. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation, prend une nouvelle décision qui n'est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement d'annulation, cette décision ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre ce jugement.

3. Il ressort des pièces du dossier que, pour assurer l'exécution du jugement attaqué d'annulation de la décision du 3 juin 2019 révoquant à titre disciplinaire Mme C... B... pour vice de procédure, le directeur de la maison de retraite départementale de l'Aisne a pris une nouvelle décision de révocation de l'intéressée le 23 décembre 2021 fondée sur les mêmes faits. Toutefois, cette nouvelle décision, intervenue postérieurement à l'enregistrement de la requête d'appel, ne prive pas d'objet cet appel. Il s'ensuit qu'il y a lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de ce jugement présentées par la maison de retraite départementale de l'Aisne.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. D'une part, aux termes de l'article 9 du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " Le conseil de discipline, compte tenu des observations écrites et des déclarations orales produites devant lui, ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. / A cette fin, le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l'accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée jusqu'à ce que l'une d'elles recueille un tel accord. / Si aucune proposition de sanction n'est adoptée, le président propose qu'aucune sanction ne soit prononcée (...) ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office, la révocation (...) ".

5. D'autre part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. Il ressort des termes mêmes de l'avis émis par le conseil de discipline lors de sa séance du 23 mai 2019 que son président a mis aux voix une sanction du quatrième groupe, sans indiquer laquelle, de sorte que les membres du conseil de discipline ne se sont pas prononcés sur une sanction déterminée mais ont seulement émis un avis favorable au prononcé d'une sanction relevant de ce groupe. Dans ces conditions, ils ne sauraient être regardés comme ayant entendu voter précisément pour la sanction de la révocation. En outre, si l'autre sanction du quatrième groupe, à savoir la mise à la retraite d'office, entraîne, comme la révocation, l'éviction du service et la perte de qualité de fonctionnaire, d'une part, la première est dans l'échelle des sanctions moins sévère que la seconde, et, d'autre part, il n'est pas établi que la mise à la retraite d'office de Mme C... B... ne pouvait être prononcée, quand bien même celle-ci ne pouvait entrer immédiatement en jouissance de sa pension. Dans ces circonstances, ce vice a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise et il a privé Mme C... B... d'une garantie. La décision du 3 juin 2019 contestée est ainsi intervenue au terme d'une procédure irrégulière, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin, en tout état de cause, de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale engagée par Mme C... B..., que la maison de retraite départementale de l'Aisne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 3 juin 2019 en litige. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme C... B... présentées au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la maison de retraite départementale de l'Aisne est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme C... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la maison de retraite départementale de l'Aisne, à Mme D... C... B... et Me Virginie Stienne-Duwez.

Délibéré après l'audience publique du 5 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Muriel Milard, première conseillère,

- Mme Anne Khater, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2022.

La rapporteure,

Signé : M. A...La présidente de la formation de jugement,

Signé : A. Chauvin

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière

Nathalie Roméro

1

2

N°21DA01110

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01110
Date de la décision : 26/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme Chauvin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL CLEMENT-DELPIANO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-04-26;21da01110 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award