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26/04/2022 | FRANCE | N°21DA00653

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 26 avril 2022, 21DA00653


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... G... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 14 mai 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires des Hauts-de-France a confirmé la sanction disciplinaire prononcée à son encontre le 16 avril 2018 par le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 181...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... G... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 14 mai 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires des Hauts-de-France a confirmé la sanction disciplinaire prononcée à son encontre le 16 avril 2018 par le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1810156 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mars 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- les premiers juges, en s'abstenant de mettre en œuvre leur pouvoir d'instruction afin de faire produire le compte-rendu d'incident et le rôle de la commission de discipline sans occultation de l'auteur du premier et de l'assesseur interne du second, ou avec une occultation limitée, ont entaché leur jugement d'irrégularité ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré du vice de procédure en considérant que M. G... n'avait pas été mis en mesure de s'assurer du respect de la garantie procédurale prévue par l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale dès lors que les pièces produites permettaient de vérifier que l'auteur du compte-rendu d'incident et l'assesseur interne ayant siégé à la commission de discipline n'étaient pas les mêmes personnes ;

- les dispositions de l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale lui permettaient de produire un compte-rendu d'incident anonymisé afin de protéger la sécurité de ses agents ;

- aucun des autres moyens d'annulation de la sanction présentés par M. G... devant les premiers juges n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 27 janvier 2022, M. I... G..., représenté par Me Benoit David, conclut au rejet de la requête du garde des sceaux, ministre de la justice et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à tort que l'administration a produit devant le tribunal administratif de Lille un compte-rendu d'incident anonymisé alors que les dispositions de l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale impliquent seulement de ne pas communiquer à la partie adverse les éléments d'identification des auteurs des rapports d'incident et qu'en tout état de cause, son comportement n'a jamais permis d'évoquer une quelconque menace pour les agents pénitentiaires ;

- le compte-rendu d'incident du 13 avril 2018 est irrégulier en ce qu'il ne permet pas de vérifier qu'il s'agissait de l'agent présent lors de l'incident ou informé par ce dernier, ni que celui-ci n'aurait pas siégé lors de la commission de discipline ;

- la procédure suivie devant la commission de discipline méconnaît les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la procédure devant la commission de discipline est irrégulière, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale, dès lors qu'il n'a pas été représenté par un avocat ;

- la décision d'engager des poursuites disciplinaires a été prise par une autorité incompétente et, en tout état de cause, la délégation de signature n'a pas été publiée au recueil des actes administratifs ni au sein de l'établissement ;

- la commission de discipline était irrégulièrement constituée, le directeur adjoint du centre pénitentiaire ne justifiant pas d'une délégation de signature dûment publiée au recueil des actes administratifs et au sein de l'établissement pénitentiaire, l'autorisant à présider la commission, et aucune mention de la décision ne permettait de s'assurer de la compétence des deux assesseurs ;

- il a été sanctionné pour les mêmes faits par une réduction des crédits de peine, en violation du principe non bis in idem ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de qualification juridique dès lors qu'il a agi en légitime défense ;

- la matérialité des faits n'est pas établie ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'est pas responsable de l'altercation en cause.

M. G... a été a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 18 mai 2021.

Par une ordonnance du 22 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., incarcéré au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, a fait l'objet, le 13 avril 2018, d'un rapport d'incident à la suite d'une altercation survenue la veille, à 18 heures 55, avec un autre détenu chargé de la distribution du repas en cellule. Pour ces faits, qualifiés de faute du premier degré sur le fondement des dispositions du 2° de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale, le président de la commission de discipline de cet établissement, réunie le 13 avril 2018, a infligé à M. G... la sanction de placement en cellule disciplinaire pour une durée de cinq jours assortie de cinq jours de sursis actif pendant six mois, par une décision du 16 avril 2018. Le 20 avril 2018, M. G... a formé un recours administratif préalable à l'encontre de cette décision, à laquelle s'est substituée la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires des Hauts-de-France confirmant la sanction. Le garde des sceaux, ministre de la justice fait appel du jugement du 29 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. G..., annulé cette décision.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lille :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale : " (...) L'autorité compétente peut décider de ne pas communiquer à la personne détenue, à son avocat ou au mandataire agréé les informations ou documents en sa possession qui contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". L'article R. 57-7-8 du même code dispose que : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs. / Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement. / Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance ". L'article R. 57-7-13 du même code dispose que : " En cas de manquement à la discipline de nature à justifier une sanction disciplinaire, un compte rendu est établi dans les plus brefs délais par l'agent présent lors de l'incident ou informé de ce dernier. L'auteur de ce compte rendu ne peut siéger en commission de discipline ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-14 du même code: " A la suite de ce compte rendu d'incident, un rapport est établi par un membre du personnel de commandement du personnel de surveillance, un major pénitentiaire ou un premier surveillant et adressé au chef d'établissement. Ce rapport comporte tout élément d'information utile sur les circonstances des faits reprochés à la personne détenue et sur la personnalité de celle-ci. L'auteur de ce rapport ne peut siéger en commission de discipline (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la commission de discipline réunie le 13 avril 2018 était composée, outre son président, d'un premier assesseur, dont le patronyme était occulté dans le dossier de première instance ainsi que le permettent les dispositions précitées de l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale, et d'un second assesseur, M. E... D.... Le registre de la commission de discipline, produit pour la première fois en appel sans occultation, indique l'identité du premier assesseur de manière manuscrite comme étant M. C.... Le compte-rendu d'incident, dans sa version partiellement anonymisée produite en première instance, laisse par ailleurs apparaître les premières lettres des prénom et nom de son rédacteur, comme étant les lettres " N " et " A ", ainsi que son grade de premier surveillant. Ces documents permettent ainsi de s'assurer que l'auteur du compte-rendu d'incident, dont aucun élément ne permet de présumer qu'il n'aurait pas été présent lors de l'incident en cause, n'a pas siégé au sein de la commission de discipline du 13 avril 2018, comme exigé par les dispositions précitées de l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 14 mai 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires des Hauts-de-France a confirmé la sanction disciplinaire prononcée à l'encontre de M. G... le 16 avril 2018 par le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, pour vice de procédure.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G... tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens soulevés par M. G... :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ".

7. Si les sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues peuvent entraîner des limitations de leurs droits et doivent être regardées de ce fait comme portant sur des contestations de droit à caractère civil au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la nature administrative de l'autorité prononçant les sanctions disciplinaires fait obstacle à ce que ces stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soient applicables à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires. Par suite, M. G... ne saurait utilement invoquer, à l'encontre de la décision contestée, la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale : " La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline doit, dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision, la déférer au directeur interrégional des services pénitentiaires préalablement à tout recours contentieux. Le directeur interrégional dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception du recours pour répondre par décision motivée. L'absence de réponse dans ce délai vaut décision de rejet ".

9. La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline a l'obligation de former un recours administratif préalable auprès du directeur interrégional des services pénitentiaires en application des dispositions précitées de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale. Toutefois, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, sans attendre l'issue de ce recours administratif préalable, cette personne ait recours aux procédures de référé prévues par le livre V du code de justice administrative, en particulier à celle de référé-suspension régie par l'article L. 521-1 de ce code et à celle de référé-liberté, régie par l'article L. 521-2, dont l'existence est par ailleurs rappelée par le dernier alinéa de l'article 726 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 91 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2, le juge des référés, d'une part, " se prononce dans un délai de quarante-huit heures ", d'autre part, a le pouvoir de prendre " toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale ", au nombre desquelles figurent la suspension de l'exécution de la décision litigieuse ainsi qu'un pouvoir d'injonction à l'égard de l'administration. L'ensemble des voies de recours ainsi offertes à la personne détenue lui garantit le droit d'exercer un recours effectif, susceptible de permettre l'intervention du juge en temps utile, alors même que son exercice est par lui-même dépourvu de caractère suspensif. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 13 de la convention européenne doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale : " I. - En cas d'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique sont portés à la connaissance de la personne détenue. / La personne détenue est informée de la date et de l'heure de sa comparution devant la commission de discipline ainsi que du délai dont elle dispose pour préparer sa défense. Ce délai ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. / II. - La personne détenue dispose de la faculté de se faire assister par un avocat de son choix ou par un avocat désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats et peut bénéficier à cet effet de l'aide juridique. (...) III. - La personne détenue, ou son avocat, peut consulter l'ensemble des pièces de la procédure disciplinaire, sous réserve que cette consultation ne porte pas atteinte à la sécurité publique ou à celle des personne ". Si ces dispositions impliquent que l'intéressé soit informé en temps utile de la possibilité de se faire assister d'un avocat, possibilité dont il appartient à l'administration pénitentiaire d'assurer la mise en œuvre lorsqu'un détenu en fait la demande, la circonstance que l'avocat dont l'intéressé a ainsi obtenu l'assistance ne soit pas présent lors de la réunion de la commission de discipline est sans conséquence sur la régularité de la procédure au regard des dispositions du code des relations entre le public et l'administration et du code de procédure pénale si cette absence n'est pas imputable à l'administration.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. G... a été convoqué le 13 avril 2018 devant la commission de discipline du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil qui devait se réunir le 16 avril suivant. L'intéressé a demandé à être assisté d'un avocat désigné par le bâtonnier. L'administration pénitentiaire a saisi ce dernier d'une demande de commission d'office en lui précisant les fondements de droit et de fait des poursuites et lui a transmis le dossier de la procédure disciplinaire. Or, aucun avocat n'a été mandaté, ni ne s'est présenté, en raison d'une grève générale du barreau de Béthune. Dans ces conditions, la circonstance que M. G... n'a pas été assisté par un avocat, qui n'est pas imputable à l'administration pénitentiaire qui a accompli toutes diligences, et alors que l'intéressé n'a au demeurant pas demandé le renvoi de l'affaire pour ce motif, est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Ce moyen doit donc également être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-15 du code de procédure pénale : " Le chef d'établissement ou son délégataire apprécie, au vu des rapports et après s'être fait communiquer, le cas échéant, tout élément d'information complémentaire, l'opportunité de poursuivre la procédure. Les poursuites disciplinaires ne peuvent être exercées plus de six mois après la découverte des faits reprochés à la personne détenue. " Aux termes de l'article R. 57-7-5 du même code : " Pour l'exercice de ses compétences en matière disciplinaire, le chef d'établissement peut déléguer sa signature à son adjoint, à un fonctionnaire appartenant à un corps de catégorie A ou à un membre du corps de commandement du personnel de surveillance placé sous son autorité (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que la décision par laquelle il a été décidé d'engager des poursuites à l'encontre de M. G... a été signée par M. B... F..., lieutenant pénitentiaire, adjoint au chef de détention, à qui le directeur du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil avait consenti une délégation de signature à cet effet par une décision du 18 septembre 2017, publiée le 29 septembre 2017 au recueil des actes administratifs spécial du Pas-de-Calais. Eu égard à l'objet d'une délégation de signature qui, quoique constituant un acte réglementaire, n'a pas la même portée à l'égard des tiers qu'un acte modifiant le droit destiné à leur être appliqué, sa publication au recueil des actes administratifs, qui permet de donner date certaine à la décision de délégation prise par le chef d'établissement, a constitué une mesure de publicité suffisante pour rendre les effets de la délégation de signature opposables aux tiers, notamment à l'égard des détenus de l'établissement pénitentiaire. Par, suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée a été signée par une autorité incompétente doit être écarté.

14. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... H..., directeur adjoint du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, président de la commission de discipline du 13 avril 2018, bénéficiait d'une délégation de compétence consentie à cet effet par une décision du 18 septembre 2017, publiée le 29 septembre 2017 au recueil des actes administratifs spécial du Pas-de-Calais. D'autre part, le président était assisté de deux assesseurs, M. Tailly, assesseur pénitentiaire, et M. D..., personne extérieure à l'administration pénitentiaire régulièrement habilitée par une décision du président du tribunal de grande instance de Béthune. Enfin, si M. G... affirme que la régularité de la désignation des assesseurs membres de la commission n'est pas établie, il n'apporte aucun élément permettant d'établir une irrégularité dans cette décision. Par suite, M. G... n'est pas fondé à soutenir que la commission de discipline était irrégulièrement composée.

15. En sixième lieu, le dispositif de retrait d'une réduction de peine en cas de mauvaise conduite du condamné prévu par l'article 721 du code de procédure pénale alors en vigueur, qui a pour conséquence que le condamné exécute totalement ou partiellement la peine telle qu'elle a été prononcée par la juridiction de jugement, ne constitue ni une peine, ni une sanction ayant le caractère d'une punition. Il s'ensuit que M. G... ne peut en tout état de cause utilement soutenir que la décision du juge de l'application des peines, prise par une ordonnance du 8 août 2018 et lui retirant quinze jours de crédit de réduction de peines, est contraire au principe non bis in idem.

16. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que la sanction infligée à M. G... est fondée sur le 2° de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale aux termes duquel constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue, d'exercer ou de tenter d'exercer des violences physiques à l'encontre d'une personne détenue. A cet égard, s'il ressort du compte-rendu d'incident et du rapport d'enquête que l'altercation survenue entre M. G... et un autre détenu a débuté par une bousculade à l'initiative de l'autre détenu, les violences physiques exercées ont été réciproques, ce qui a nécessité l'intervention du personnel pénitentiaire pour séparer les deux protagonistes. En se bornant à se prévaloir de ce qu'il aurait été placé en état de légitime défense, M. G... n'établit pas que le directeur interrégional des services pénitentiaires des Hauts-de-France aurait fondé sa décision sur des faits matériellement inexacts, aurait commis une erreur d'appréciation en les qualifiant de faute disciplinaire du premier groupe et en lui infligeant la sanction de placement en cellule disciplinaire pour une durée de cinq jours assortie de cinq jours de sursis actif pendant six mois. Les moyens tirés de l'inexactitude matérielle des faits et de l'erreur d'appréciation doivent donc être écartés.

17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 14 mai 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires des Hauts-de-France a confirmé la sanction disciplinaire prononcée à l'encontre de M. G... le 16 avril 2018 par le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. La demande de première instance de M. G... doit être rejetée, et par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1810156 du 29 janvier 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel présentées par M. G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, à M. I... G... et à Me Benoit David.

Copie sera adressée au directeur du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil.

Délibéré après l'audience publique du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Muriel Milard, première conseillère,

- Mme Anne Khater, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2022.

La rapporteure,

Signé : A. KhaterLa présidente de la formation de jugement,

Signé : A. Chauvin

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°21DA00653


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00653
Date de la décision : 26/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. - Exécution des jugements. - Exécution des peines. - Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme Chauvin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-04-26;21da00653 ?
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