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26/04/2022 | FRANCE | N°20DA01719

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 26 avril 2022, 20DA01719


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 9 juillet 2018 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Lille a prolongé son placement à l'isolement pour une durée de trois mois à compter du 12 juillet 2018.

Par un jugement n° 1811508 du 19 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2020, M. C... représenté par Me Be

noit David, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision du 9 juillet 2018 ord...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 9 juillet 2018 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Lille a prolongé son placement à l'isolement pour une durée de trois mois à compter du 12 juillet 2018.

Par un jugement n° 1811508 du 19 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2020, M. C... représenté par Me Benoit David, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision du 9 juillet 2018 ordonnant la prolongation de son isolement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Benoit David au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en raison de l'absence des signatures du président, du rapporteur et du greffier conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il a été rendu en méconnaissance de l'article R. 711-3 du code de justice administrative dès lors que le sens des conclusions du rapporteur public n'a pas été suffisamment précisé ;

- la décision de prolongation de la mesure d'isolement est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle est fondée sur des incidents disciplinaires ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve de la nécessité de la mesure de prolongation qui est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 25 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 28 février 2022.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., incarcéré depuis le 22 février 2015 au centre pénitentiaire de Lille Annœullin, relève appel du jugement n° 1811508 du 19 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2018 prise par la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Lille de prolonger son placement à l'isolement pour une durée de trois mois à compter du 12 juillet 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Aux termes de l'article 12 de l'ordonnance du 25 mars 2020, applicable en vertu de son article 2 durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire qui est intervenue le 10 juillet 2020 par l'effet de l'article 1er de la loi du 11 mai 2020 : " Par dérogation aux articles R. 741-7 à R. 741-9 du code de justice administrative, la minute de la décision peut être signée uniquement par le président de la formation de jugement ".

3. Il résulte de la minute du jugement attaqué du 19 juin 2020 que celle-ci est revêtue de la signature du président de la formation de jugement et qu'elle satisfait ainsi aux exigences des dispositions combinées des articles R. 741-7 du code de justice administrative et 12 de l'ordonnance du 25 mars 2020. Le moyen tiré du défaut de signature doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.

4. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". La communication aux parties du sens des conclusions du rapporteur public prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mises en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

5. Par ailleurs, pour l'application de ces dispositions et eu égard à leurs objectifs, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir. La communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.

6. Il est constant que le sens des conclusions du rapporteur public devant le tribunal administratif de Lille tendant au " rejet au fond " de la demande de M. C... a été porté à la connaissance des parties dans l'application " sagace " le 2 juin 2020 à 15h35, en vue de l'audience se tenant le 5 juin 2020 à 11 heures 30. Il résulte des principes rappelés ci-dessus que le rapporteur public n'était pas tenu, à peine d'irrégularité du jugement rendu par le tribunal administratif, d'indiquer les motifs qui le conduisaient à proposer le rejet de la demande. M. C... ne peut, dès lors, utilement se prévaloir, au soutien de ses conclusions aux fins d'annulation du jugement attaqué, de l'imprécision des informations communiquées aux parties relatives aux raisons qui ont déterminé la solution du litige proposée par le rapporteur public. Ce moyen d'irrégularité ne peut donc qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. Aux termes de l'article 726-1 du code de procédure pénale : " Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d'office. Cette mesure ne peut être renouvelée pour la même durée qu'après un débat contradictoire, au cours duquel la personne concernée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. L'isolement ne peut être prolongé au-delà d'un an qu'après avis de l'autorité judiciaire ". Par ailleurs, l'article R. 57-7-62 du même code dispose que : " La mise à l'isolement d'une personne détenue, par mesure de protection ou de sécurité, qu'elle soit prise d'office ou sur la demande de la personne détenue, ne constitue pas une mesure disciplinaire. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-73 du même code : " Tant pour la décision initiale que pour les décisions ultérieures de prolongation, il est tenu compte de la personnalité de la personne détenue, de sa dangerosité ou de sa vulnérabilité particulière, et de son état de santé (...) ".

8. En premier lieu, M. C... reprend en appel, sans faire état de circonstances de fait ou de droit qu'il n'aurait pas déjà invoquées en première instance, le moyen tiré de ce que la décision est entachée d'une erreur de droit. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges au point 7 du jugement attaqué.

9. En second lieu, il ressort de la décision du 9 juillet 2018 que la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Lille a prolongé le placement à l'isolement de M. C... afin de prévenir tout risque de prosélytisme et assurer l'intégrité physique et psychique de l'ensemble de la population carcérale. L'administration s'est fondée sur la condamnation de l'intéressé à neuf ans d'emprisonnement pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste, sur les propos prosélytes qu'il avait tenus auprès d'autres détenus du centre de détention lors des activités communes, sur les incidents disciplinaires qui ont jalonné son parcours carcéral et son comportement avec un fort ascendant sur l'ensemble de la population carcérale. Il résulte notamment des décisions disciplinaires dont il a fait l'objet et de la synthèse des observations produites au dossier de première instance que M. C... peut se rendre agressif vis-à-vis des autres détenus et faire pression sur eux, inciter des mouvements collectifs et pratique le prosélytisme. En outre, à la date de la décision contestée, l'intéressé était de nouveau passé en commission de discipline en raison de la découverte d'un courrier en cellule demandant à son épouse de faire entrer une clé USB ainsi qu'une puce de téléphone lors d'un prochain parloir. En estimant, dans les circonstances de l'espèce, que ce comportement et ces faits rendaient nécessaire, par mesure de protection ou de sécurité, la prolongation du placement à l'isolement de M. C..., la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Lille n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Le moyen doit par suite être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête, ensemble les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 dont elle est assortie.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., au garde des sceaux, ministre de la justice et à Me Benoit David.

Délibéré après l'audience publique du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Muriel Milard, première conseillère,

- Mme Anne Khater, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2022.

L'assesseure la plus ancienne,

Signé : M. B... La présidente-rapporteure,

Signé : A. Chauvin

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Nathalie Roméro

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N°20DA01719


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01719
Date de la décision : 26/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. - Exécution des jugements. - Exécution des peines. - Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme Chauvin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-04-26;20da01719 ?
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