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22/03/2022 | FRANCE | N°20DA00954

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 22 mars 2022, 20DA00954


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B..., M. E... B... et Mme D... A... B..., agissant en leur nom personnel, ainsi que Mme G... A... B..., agissant en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure F... A... B..., ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le groupe hospitalier public du sud de l'Oise (GHPSO), venant aux droits du centre hospitalier Laennec, et son assureur, la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM), à verser la somme de 189 197,43 euros à Mme C... A..

. B..., la somme de 2 500 euros chacun à Mme G... A... B... et à M. H.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B..., M. E... B... et Mme D... A... B..., agissant en leur nom personnel, ainsi que Mme G... A... B..., agissant en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure F... A... B..., ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le groupe hospitalier public du sud de l'Oise (GHPSO), venant aux droits du centre hospitalier Laennec, et son assureur, la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM), à verser la somme de 189 197,43 euros à Mme C... A... B..., la somme de 2 500 euros chacun à Mme G... A... B... et à M. H... A... B..., ainsi que la somme de 2 000 euros chacune à Mmes D... et F... A... B..., en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à l'occasion de la prise en charge médicale de l'accouchement par Mme G... A... B..., de sa fille C... le 23 juin 1999.

Par un jugement n° 1801512 du 11 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a condamné le groupe hospitalier public du sud de l'Oise et la société hospitalière d'assurance mutuelle à verser solidairement :

- à Mme C... A... B... la somme de 72 879 euros ;

- à Mme G... A... B... la somme de 500 euros ;

- à M. H... A... B..., majeur sous tutelle représenté par l'association Ativo, la somme de 500 euros ;

- à Mme D... A... B... la somme de 250 euros ;

- à Mme G... A... B..., en sa qualité de représentante légale de sa fille F... A... B..., la somme de 250 euros.

Le tribunal a également mis les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 379 euros, solidairement à la charge du GHPSO et de la SHAM, ainsi que les frais de médecin-conseil d'un montant total de 2 910 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 juillet et 21 octobre 2020, et le 21 septembre 2021, Mme C... A... B..., Mme G... A... B... agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille, F... A... B..., Mme D... A... B... et M. H... A... B..., représentés par Me Serge Beynet, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer ce jugement en tant que le tribunal administratif d'Amiens a limité à la somme de 72 879 euros, 500 euros et 250 euros les indemnités au versement desquelles il a condamné le GHPSO et son assureur en réparation des préjudices subis respectivement par Mme C... A... B..., ses parents et ses sœurs ;

2°) de porter à la somme totale de 201 125,47 euros le montant de l'indemnité due à Mme C... A... B..., à 2 500 euros chacun le préjudice d'affection subi par Mme G... A... B... et M. H... A... B..., et 2 000 euros chacune celui de Mmes D... et F... A... B..., avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2018 et capitalisation ;

3°) de mettre à la charge du GHPSO une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me Sophie Kerzerho, représentant les consorts A... B..., et de Me Hubert Demailly, représentant le GHPSO et la SHAM.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... A... B..., alors âgée de 30 ans, a donné naissance, le 23 juin 1999 au centre hospitalier Laennec de Creil, à son premier enfant, une fille prénommée C..., après un accouchement dystocique avec utilisation de forceps. L'enfant, qui est née en état de mort apparente du fait d'une asphyxie périnatale, a présenté des lésions traumatiques du plexus brachial gauche avec une paralysie incomplète du membre supérieur gauche. Cette paralysie a entrainé un raccourcissement de 4 cm du membre supérieur gauche, une amyotrophie de l'avant-bras et du poignet et une déformation articulaire du poignet. Saisi par Mme G... A... B... aux fins d'obtenir réparation des préjudices subis par sa fille, par un jugement devenu définitif du 3 novembre 2011, le tribunal administratif de Rouen a jugé que le centre hospitalier de Creil, aux droits duquel vient le groupe hospitalier public du sud de l'Oise (GHPSO), avait commis une faute à l'origine d'une aggravation des lésions du plexus brachial gauche dont a été atteinte l'enfant et que cette faute avait contribué à la réalisation du dommage à hauteur de 25 %. En l'absence de consolidation de l'état de C... A... B..., le tribunal n'a condamné le centre hospitalier de Creil et son assureur, la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM), qu'à verser la somme de 6 428,75 euros à Mme G... A... B..., en sa qualité de représentante légale de sa fille C... alors mineure. Cette dernière ayant atteint l'âge de 16 ans correspondant, selon le pédiatre désigné dans le cadre de l'expertise judiciaire ordonnée en juillet 2009, à la fin de sa croissance, les consorts A... B... ont de nouveau saisi le juge des référés d'une demande d'expertise à laquelle il a été fait droit. Le rapport de l'expert désigné par ordonnance du 26 mai 2016, a été déposé le 7 novembre 2016 sur la base duquel les consorts A... B... ont présenté une nouvelle réclamation le 5 mars 2018, laquelle est restée sans réponse.

2. Mme C... A... B..., Mme G... A... B... agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure, F... A... B..., Mme D... A... B... et M. H... A... B... demandent la réformation du jugement du 11 juin 2020, en tant que le tribunal administratif d'Amiens a limité à 72 879 euros l'indemnité qu'il a condamné solidairement le GHPSO et la SHAM à verser à Mme C... A... B..., et à 500 euros et 250 euros les indemnités au versement desquelles il les a condamnés en réparation des préjudices subis respectivement par ses parents et ses sœurs. Ils demandent à la cour de porter à la somme totale de 201 125,47 euros le montant de l'indemnité due à Mme C... A... B..., à 2 500 euros chacun le préjudice d'affection subi par Mme G... A... B... et M. H... A... B..., et 2 000 euros chacune celui de Mmes D... et F... A... B..., avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2018 et capitalisation.

Sur les préjudices de Mme C... A... B... :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant de l'assistance par tierce personne :

3. Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il fixe, ensuite, le montant de l'indemnité qui doit être allouée par la personne publique responsable du dommage, en tenant compte des prestations dont, le cas échéant, la victime bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. A ce titre, il appartient au juge, lorsqu'il résulte de l'instruction que la victime bénéficie de telles prestations, de les déduire d'office de l'indemnité mise à la charge de la personne publique, en faisant, si nécessaire, usage de ses pouvoirs d'instruction pour en déterminer le montant. Lorsque la personne publique n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, cette déduction ne doit toutefois être opérée que dans la mesure requise pour éviter que le cumul des prestations et de l'indemnité versée excède les dépenses nécessaires aux besoins d'aide par tierce personne, évaluées ainsi qu'il a été dit plus haut.

4. Pour déterminer le montant de l'indemnité réparant ce préjudice, le juge doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

5. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise du 7 novembre 2016 que le besoin d'assistance par une tierce personne que requiert l'état de santé de Mme A... B... a été évalué à raison de 30 minutes par jour, pour l'aide à la toilette, l'habillement et l'alimentation, de l'âge de 6 à 14 ans, puis à raison de 3,5 heures par semaine à partir de l'âge de 15 ans jusqu'à la date de consolidation de son état le 13 juin 2016, pour l'aide à la toilette, l'habillement, l'alimentation, les courses, le port de charges lourdes et les tâches domestiques et ménagères.

6. Il est constant que par le jugement du 3 novembre 2011 devenu définitif, le tribunal administratif d'Amiens a indemnisé Mme C... A... B... de ce poste de préjudice pour la période allant de l'âge de 6 ans au 11 février 2010. Pour la période suivante, allant de cette date à celle de la consolidation de son état, fixée au 13 juin 2016, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des documents produits par les requérants qu'une assistance adaptée à la situation de handicap, non spécialisée, se serait élevée à un coût supérieur au taux horaire moyen de rémunération de 13 euros correspondant au montant horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance charges sociales incluses retenu dans le jugement attaqué, le montant du salaire minimum de croissance horaire brut ayant évolué de 8,86 euros en janvier 2010 à 9,67 en janvier 2016. Il sera fait ainsi une juste appréciation du préjudice subi par Mme A... B... au titre de l'assistance par une tierce personne pour cette période, en l'indemnisant sur la base de ce taux et d'une année de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés. Eu égard à la durée quotidienne de l'assistance requise évaluée au vu du rapport d'expertise à 3 heures 30 minutes par semaine, soit 30 minutes par jour toute l'année, pour les périodes du 11 février 2010 au 22 juin 2014 veille de ses 15 ans, et du 23 juin 2014 au 13 juin 2016, date de consolidation, le préjudice de Mme A... B... s'élève au titre de ces deux périodes aux sommes respectives de 11 669,36 euros et de 5 218,96 euros et le montant de la condamnation du GHPSO doit être fixé à 4 222,08 euros après application de la fraction de 25 % non contestée retenue au point 1.

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7. Il résulte du rapport d'expertise que l'état de santé de Mme A... B... nécessite, à titre permanent, l'assistance d'une tierce personne à raison de 3,5 heures par semaine pour l'aide à la toilette, l'habillement, l'alimentation, les courses, le port de charges lourdes et les tâches domestiques et ménagères. Eu égard au fait que cette assistance ne requiert pas un niveau de technicité particulière et en l'absence de pièces au dossier justifiant de tarifs d'aide-ménagère à domicile supérieurs au montant forfaitaire de 13 euros de l'heure, l'assistance d'une tierce personne non spécialisée dont Mme C... A... B... a eu besoin du 13 juin 2016 au 22 mars 2022, date de mise à disposition au greffe du présent arrêt, s'élève à la somme totale de 15 458,97 euros. Il sera fait une exacte appréciation de ce préjudice en fixant sa réparation à la somme de 3 864,74 euros, compte tenu du taux de part indemnisable de 25%.

8. Enfin, Mme C... A... B... peut prétendre à compter du présent arrêt, à un capital viager calculé sur la base d'un montant de frais annuels d'assistance par une tierce personne non spécialisée s'élevant, compte tenu des paramètres retenus aux points précédents, à la somme de 2 678 euros. Ainsi, le montant du préjudice, après application du coefficient de capitalisation de 63,233 pour une femme âgée de 22 ans à la date du présent arrêt, tel que fixé dans le barème publié à la Gazette du Palais en septembre 2020, qui repose sur les tables de mortalité INSEE les plus récentes et se fonde sur un taux d'intérêt de 0 % plus conforme aux données économiques actuelles, s'élève à la somme de 169 337,974 euros. Il sera ainsi fait une exacte appréciation de ce préjudice en fixant sa réparation à la somme de 42 334,49 euros, après application du taux de 25 %.

9. Ainsi que le fait valoir le GHPSO, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire d'une indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune.

10. En l'occurrence, il résulte de l'instruction et, notamment, des pièces versées aux débats par les requérants que les parents de Mme C... A... B... se sont vu refuser l'allocation d'éducation enfant handicapé et que Mme C... A... B... ne remplit pas les conditions pour bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés. Elle atteste en outre sur l'honneur ne pas percevoir à la date du 20 octobre 2020 cette allocation, ni la prestation de compensation du handicap. Il suit de là qu'il n'y a pas lieu de tenir compte d'éventuelles prestations dans le montant de l'indemnité due par le GHPSO et la SHAM au titre de l'assistance tierce personne passée et future qui doit être porté, compte tenu des points 6 à 8, à la somme totale de 50 421,31euros.

S'agissant du préjudice scolaire et de l'incidence professionnelle :

11. Mme C... A... B... demande à être indemnisée du préjudice scolaire résultant des difficultés qu'elle a rencontrées durant sa scolarité en raison de la nécessité dans laquelle elle se serait trouvée de fournir un effort accru par rapport aux autres enfants de son âge pour maintenir le rythme normal des apprentissages et du fait qu'elle a été dispensée des épreuves physiques et sportives. Il résulte toutefois de l'instruction que Mme C... A... B... n'a subi aucun retard scolaire, n'a jamais eu besoin d'une assistance de vie scolaire dédiée et a obtenu un baccalauréat avec mention en juin 2017 à l'âge de 18 ans. Elle a ensuite poursuivi des études en classe préparatoire à l'école internationale des sciences du traitement de l'information (EISTI), avant de s'orienter dans une autre filière, en management. Elle a validé un Bachelor en 3 ans " management général et international " de la " Paris school of business " en août 2021 avant de bénéficier d'un contrat d'apprentissage comme travailleur handicapé, à la suite duquel elle a conclu un contrat à durée déterminée à temps partiel. S'il est constant qu'elle ne participait pas aux séances d'éducation physique et sportive en raison de son handicap et des craintes de moqueries de ses camarades, elle ne peut être regardée comme ayant été privée de la possibilité d'accéder dans les conditions usuelles à la scolarité et à une formation en vue d'une activité professionnelle. C'est ainsi à juste titre que le tribunal administratif a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... B... tendant à l'indemnisation de son préjudice scolaire.

12. Il résulte en revanche de l'instruction, notamment du rapport d'expertise que le handicap et les séquelles physiques que Mme A... B... présente au niveau du membre supérieur lui interdisent d'exercer un métier manuel voire nécessitant une activité légère au niveau du membre supérieur. L'expert relève en outre au titre de son préjudice professionnel que l'intéressée est notamment gênée pour la frappe au clavier qui est plus lente que la normale. Ainsi et bien que Mme A... B... ait réussi à s'insérer sur le marché du travail, le handicap dont elle demeure atteinte a limité ses choix d'orientation professionnelle et ne lui permet pas d'envisager une carrière similaire à celle qui aurait pu être la sienne en l'absence de faute commise par le centre hospitalier. Elle subit en outre une pénibilité accrue dans l'exercice de toute activité professionnelle nécessitant l'utilisation d'un clavier et des difficultés de présentation dans les relations de travail, qui pourraient réduire ses chances d'évolution. Il y a lieu, compte tenu des 25 % retenus, d'évaluer l'incidence professionnelle qu'elle subit à la somme de 5 000 euros et de réformer sur ce point le jugement attaqué.

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S'agissant des frais d'adaptation du véhicule :

13. Il résulte du rapport d'expertise que Mme A... B... souffre d'un handicap qui nécessite un véhicule automobile avec boite de vitesse automatique et commandes adaptées au volant. Il résulte de l'instruction qu'elle a obtenu son permis de conduire le 3 décembre 2018 et a acquis un véhicule d'occasion Polo de marque Volkswagen. Elle justifie du surcoût de ce type de véhicule muni d'une boite automatique par rapport à une boite manuelle d'environ 1 000 euros et produit un devis daté du 15 octobre 2018 pour l'aménagement d'une commande adaptée au volant pour son véhicule d'un montant de 3 799 euros TTC. Dès lors que ces aménagements ont été rendus nécessaires en raison des séquelles imputables à la faute dont elle a été victime, 25 % de leur coût doivent être pris en charge par le GHPSO. Il sera fait une juste appréciation des dépenses liées à l'adaptation de ce véhicule, et à son renouvellement quinquennal, alors même que l'intéressée ne bénéficie que d'un permis de conduire probatoire, en prenant en compte le barème cité au point 8, fixant le taux de l'euro de rente viager à 61,259 pour une personne de sexe féminin âgée de 24 ans, soit l'âge de Mme A... B... à la date du premier renouvellement en 2023, en lui attribuant la somme totale arrondie de 16 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

14. Il n'est pas contesté que le tribunal administratif d'Amiens a, dans le jugement du 3 novembre 2011 cité au point 1, indemnisé Mme A... B... du déficit fonctionnel total qu'elle a subi lors des différentes hospitalisations du 23 juin au 3 juillet 1999, du 1er au 9 novembre 1999, du 4 au 6 mai 2003 et du 22 au 25 octobre 2009 et de son déficit fonctionnel partiel évalué à 50 % pour la période néonatale jusqu'à la première intervention, ainsi que pour les semaines qui ont suivi chacune des trois interventions chirurgicales des 2 novembre 1999, 5 mai 2003 et 23 octobre 2009 et pour les autres périodes jusqu'à la date à laquelle avait été établi le rapport de l'expertise à hauteur de 35 %. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en lui allouant 10 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total résultant de son hospitalisation trois jours, du 19 au 21 décembre 2012 et une somme de 3 060 pour son déficit fonctionnel temporaire partiel de 40% pour la période du 5 mars 2010 jusqu'à la date de consolidation de son état, le tribunal ait fait une insuffisante évaluation de son préjudice.

15. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que les souffrances endurées par Mme A... B... ont été estimées à 5 sur une échelle de 7 en raison des quatre interventions qu'elle a dû subir, des nombreuses séances de kinésithérapie, de la prise en charge sur plusieurs années et du vécu douloureux du handicap tout au long de son enfance et de son adolescence. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant une somme de 3 400 euros après application de la part imputable à la faute de 25%.

16. Les premiers juges ont également fait une juste appréciation de son préjudice esthétique temporaire, évalué à 4 sur une échelle de 7, correspondant aux périodes de port d'immobilisation durant environ 15 semaines et de son préjudice esthétique permanent évalué à 3,5 sur 7, correspondant à une amyotrophie modérément visible et surtout un membre peu mobile, légèrement raccourci et une main recroquevillée, en allouant à l'intéressée les sommes respectives de 1 800 et 1 250 euros après application du taux de 25%.

17. Il en est de même du déficit fonctionnel permanent évalué à 35 % pour lequel ils ont fixé une juste réparation à la somme de 24 150 euros, correspondant à l'application du taux de 25 % sur un montant de 96 600 euros.

18. Si le préjudice d'agrément est celui qui résulte d'un trouble spécifique distinct du déficit fonctionnel permanent lié à l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer certaines activités sportives et de loisirs, il résulte du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif d'Amiens que Mme A... B... est limitée dans toutes activités nécessitant la préhension à deux mains et que même la course à pied prolongée lui est difficile en raison de la perte du ballant physiologique du membre supérieur. Elle subit ainsi, alors même que le dommage est arrivé à sa naissance, un préjudice d'agrément dans la mesure où elle ne peut pas pratiquer d'activités sportives et est limitée dans la pratique des activités de loisirs normales à son âge. Il y a lieu de fixer à 5 000 euros le montant de l'indemnité réparant ce préjudice et compte tenu de la part de 25 %, de condamner le GHPSO et la SHAM à lui verser à ce titre la somme de 1 250 euros.

19. Il résulte enfin de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise qu'en raison du handicap physique dont Mme A... B... demeure atteinte, elle subit un préjudice sexuel. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 5 000 euros et en condamnant ainsi le GHPSO et la SHAM à lui verser la somme de 1 250 euros après application du taux de 25%.

20. Il résulte de tout ce qui précède que l'ensemble des préjudices subis par Mme C... A... B... s'élève à la somme totale de 107 610,49 euros qui n'excède pas le montant de 189 197,43 euros sollicité devant les premiers juges. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter la fin de non-recevoir opposée par le GHPSO et la SHAM et de porter la somme de 72 879 euros qu'ils ont été condamnés à verser à Mme C... A... B... à 107 610,49 euros.

Sur les préjudices des proches :

21. Les parents de C... A... B... ont subi un préjudice d'affection du fait des souffrances subies par leur enfant et un préjudice moral qui résulte pour eux de son handicap. Il y a lieu de porter à 5 000 euros le montant de l'indemnité due à ce titre, soit la somme de 1 250 euros chacun après application du taux de 25%.

22. Les naissances de D... et Naïla A... B... étant postérieures à l'apparition du handicap de leur sœur ainée Mme C... A... B..., le préjudice moral et d'accompagnement dont il est demandé réparation en leur nom ne présente pas un lien direct avec la faute commise par le centre hospitalier de Laennec. Elles ne sont ainsi pas fondées à se plaindre de ce que le tribunal administratif d'Amiens a limité à 250 euros, la somme allouée à chacune à ce titre, aux articles 5 et 6 du jugement attaqué.

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

23. Les consorts A... B... ont droit, ainsi qu'ils le demandent, aux intérêts de la somme de 107 610,49 euros au taux légal à compter du 17 mai 2018, date d'enregistrement de leur demande au greffe du tribunal.

24. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée à l'enregistrement de la demande devant les premiers juges. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 17 mai 2019, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

25. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts A... B... sont seulement fondés à demander que l'indemnité que le tribunal administratif a condamné le GHPSO et la SHAM à verser à Mme C... A... B..., soit portée à la somme de 107 610,49 euros et celle versée à ses parents, à 1 250 euros chacun.

Sur les frais liés à l'instance :

26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GHPSO et de la SHAM une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par les consorts A... B... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 72 879 euros que le groupe hospitalier public du sud de l'Oise et la société hospitalière d'assurance mutuelle ont été condamnés à verser à Mme C... A... B... par le jugement du 11 juin 2020du tribunal administratif d'Amiens est portée à 107 610,49 euros.

Article 2 : Les sommes de 500 euros chacun que le groupe hospitalier public du sud de l'Oise et la société hospitalière d'assurance mutuelle ont été condamnés à verser à Mme G... A... B... et à M. H... A... B... par le jugement du 11 juin 2020 sont portées à 1 250 euros.

Article 3 : Les sommes mentionnées aux articles 1 à 2 seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2018. Les intérêts échus à la date du 17 mai 2019, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le jugement du 11 juin 2020 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le groupe hospitalier public du sud de l'Oise et son assureur verseront aux consorts A... B... une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts A... B..., du groupe hospitalier public du sud de l'Oise et de la société hospitalière d'assurance mutuelle sont rejetés.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... B..., Mme G... A... B..., Mme F... A... B..., Mme D... A... B..., M. H... A... B..., au groupe hospitalier public du sud de l'Oise, à la société hospitalière d'assurance mutuelle et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise.

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N° 20DA00954


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00954
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. - Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : BEYNET

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-22;20da00954 ?
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