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22/03/2022 | FRANCE | N°19DA02724

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 22 mars 2022, 19DA02724


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exploitation des ports du détroit (SEPD), ayant repris l'instance introduite par la chambre de commerce et de l'industrie (CCI) de la Côte d'Opale, a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la société Endel exerçant sous l'enseigne Cofely-Endel, la société Constructions Industrielles René Lenglet, la société Technip France, la société Egis Route-Scetauroute, la société Egis International, la société Nicoletta et compagnie et la société Apave Nord-Ouest

à lui verser la somme de 2 383 876,16 euros hors taxe au titre de pertes matériell...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exploitation des ports du détroit (SEPD), ayant repris l'instance introduite par la chambre de commerce et de l'industrie (CCI) de la Côte d'Opale, a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la société Endel exerçant sous l'enseigne Cofely-Endel, la société Constructions Industrielles René Lenglet, la société Technip France, la société Egis Route-Scetauroute, la société Egis International, la société Nicoletta et compagnie et la société Apave Nord-Ouest à lui verser la somme de 2 383 876,16 euros hors taxe au titre de pertes matérielles, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée applicable, et la somme de 1 827 568,10 euros au titre de pertes d'exploitation, ces sommes devant être majorées en référence à l'indice BT01 applicable à la date de remise de l'offre et jusqu'au parfait achèvement.

Par un jugement n° 1405868 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la SEPD et mis à sa charge définitive les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 113 309,48 euros toutes taxes comprises.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 décembre 2019, 21 décembre 2020, 3 février et 8 mars 2021, la SEPD, représentée par Me Le Briquir, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner solidairement la société Endel, la société Constructions Industrielles René Lenglet, la société Technip France, la société Egis Route-Scetauroute, la société Egis International, la société Nicoletta et compagnie et la société Apave Nord-Ouest à lui verser en réparation des désordres affectant le poste 9 du terminal transmanche, la somme de 2 383 876,16 euros hors taxe au titre des pertes matérielles, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée applicable, et la somme de 1 827 568,10 euros au titre des pertes d'exploitation, ces sommes devant être majorées en référence à l'indice BT01 applicable à la date de remise de l'offre et jusqu'au parfait achèvement ;

3°) de mettre à la charge de ces sociétés les entiers dépens et une somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aurélie Chauvin,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me Erwan Le Briquin représentant la SEPD, de Me Arnaud Ginoux, Me Jérôme Audemar, Me Léa Langomazimo, Me Jean Billemont, Me Philippe Carmantrand substituant Me Duchet, Me Lucile Hallak et Me Jean-Sébastien Delozière représentants respectivement les sociétés Endel, Constructions Industrielles René Lenglet, Technip France, Egis ville et transports, Nicoletta et compagnie, Apave Nord-Ouest et Nord Littoral ingénierie.

Une note en délibéré présentée pour la société Egis ville et transports a été enregistrée le 15 mars 2022.

Une note en délibéré présentée pour la SEPD a été enregistrée le 16 mars 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La chambre de commerce et de l'industrie (CCI) de la Côte d'Opale a entrepris, en qualité de concessionnaire des ports de Boulogne-sur-Mer et de Calais dont la région Hauts-de-France est propriétaire, des travaux consistant à l'aménagement du poste 9 du terminal transmanche de Calais. La maîtrise d'œuvre a été confiée au groupement d'entreprises constitué des sociétés Egis Route-Sectauroute, Egis International et Technip France venant respectivement aux droits des sociétés Scetauroute, BCEOM et Eurodim SA. Le marché de construction et de montage des passerelles " piétons " et " véhicules " du poste 9 du terminal transmanche a été confié à un groupement d'entreprises dont sont membres les sociétés Constructions Industrielles Lenglet et Endel. Les travaux ont été réceptionnés le 27 février 2006.

2. Après réception, des fissures ont été constatées sur le tablier des passerelles du poste 9 du terminal transmanche de Calais. Par une ordonnance du 11 avril 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a désigné, à la demande de la CCI de la Côte d'Opale, M. A... pour mener des opérations d'expertise sur les ouvrages affectés par ces désordres. L'expert a déposé son rapport le 4 octobre 2018. La société d'exploitation des ports du détroit (SEPD) qui a succédé en qualité de concessionnaire des ports de Calais et de Boulogne-sur-Mer le 19 février 2015, à la CCI de la Côte d'Opale, a repris l'instance introduite par cette dernière concernant la réparation de ces désordres. Elle relève appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société Endel, de la société Constructions Industrielles René Lenglet, de la société Technip France, de la société Egis Route-Scetauroute, de la société Egis International, de la société Nicoletta et Compagnie et de la société Apave Nord Ouest à lui payer la somme de 2 383 876,16 euros hors taxe au titre des pertes matérielles, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée applicable, et la somme de 1 827 568,10 euros au titre des pertes d'exploitation.

Sur la régularité du jugement attaqué:

3. Le tribunal administratif de Lille a estimé que la SEPD n'était pas recevable à rechercher la responsabilité des constructeurs au titre de la garantie décennale, des garanties contractuelles et de la responsabilité contractuelle notamment sur le fondement du dol aux motifs qu'en raison de la réception des travaux, les contrats n'étaient plus en cours, qu'elle ne disposait pas de la qualité de maitre d'ouvrage et qu'elle n'était pas subrogée dans les droits de la région Hauts-de-France ou dans ceux de toute autre personne publique qui aurait la charge, par l'application d'une convention conclue avec la région, de l'ensemble des contentieux liés aux installations portuaires de Calais, pour engager de telles actions.

4. En application des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la propriété et la gestion des ports de Boulogne-sur-Mer et de Calais ont été transférées par l'Etat à la région Nord-Pas-de-Calais faisant désormais partie de la région des Hauts-de-France. Il résulte de l'instruction que le 12 septembre 2014, la CCI de la Côte d'Opale à qui avait été concédée l'exploitation de l'outillage public du port de Calais, a introduit devant le tribunal administratif de Lille une action en responsabilité contre divers constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent le code civil et des garanties particulières au marché de construction, à raison de désordres affectant les passerelles du poste 9 du port de Calais qu'elle avait fait construire et dont la région est désormais propriétaire. En cours d'instance, les contrats conclus entre la CCI de la Côte d'Opale et la région ont été résiliés. La SEPD à qui a été attribué, par un nouveau contrat de concession conclu le 19 février 2015, la gestion, l'exploitation, la maintenance et le développement des infrastructures et superstructures du port de Boulogne-sur-Mer / Calais à compter du 22 juillet 2015, a entendu reprendre cette instance à l'encontre des intervenants à l'opération de construction du poste 9.

5. Aux termes du contrat de concession des ports de Boulogne-sur-Mer et Calais conclu le 19 février 2015 entre la région Nord Pas-de-Calais à laquelle a succédé la région Hauts-de-France, et la SEPD : " Article 9. Droits et obligations du concessionnaire 9.1 Reprise des engagements antérieurs. A compter de la date de début d'exploitation, le concessionnaire est substitué au précédent concessionnaire dans l'exercice des droits et obligations de ce dernier résultant des contrats encore en vigueur, autres qu'exclusivement financiers et ayant pour objet la gestion et l'exploitation des ports (...) La liste de ces engagements est portée dans l'annexe 8 ". Aux termes de l'annexe 8 au contrat de concession : " 2. Engagements repris par le concessionnaire. 2.1 Principe retenu pour l'établissement des relations entre le concessionnaire sortant et le concessionnaire entrant : " (...) / s'agissant des charges et produits afférents à la période postérieure à la date du début d'exploitation mais dont le fait générateur lui est antérieur, l'ancien concessionnaire et le nouveau concessionnaire organiseront les règles de répartition dans le cadre d'un protocole d'accord particulier (...) ". Aux termes de l'article 4 du protocole d'accord organisant le transfert des concessions des ports de Boulogne-sur-Mer et de Calais du 19 février 2015 : " Principes généraux de répartition des créances et des dettes : (...) 4.3. Les dettes et les créances devenues liquides et exigibles après la date de début d'exploitation effective de la nouvelle concession mais dont le fait générateur/l'origine est situé antérieurement à cette date, seront acquittées ou recouvrés par la société d'exploitation, à laquelle sera dévolu le compte de réserve visé à l'article 5. Il en sera notamment ainsi pour : - les créances clients, les autres créances et les charges constatés d'avance (notamment la créance syndical) - les dettes fournisseurs, les autres dettes et les produits constatés d'avance (...) ".

6. Il est constant que les désordres dont il est demandé réparation sont apparus antérieurement à la date du début d'exploitation du port de Calais par la SEPD, le 22 juillet 2015, sur les passerelles du poste 9 ayant fait l'objet des marchés de travaux précités conclus entre la CCI de la Cote d'Opale et les divers constructeurs dont la responsabilité est recherchée. Il résulte de l'instruction que ces travaux ont été réceptionnés le 27 février 2006 et les marchés de construction et de montage des passerelles ainsi que celui afférent à la maîtrise d'œuvre ont été soldés. Si la SEPD, qui s'est substituée au précédent concessionnaire, ne peut se prévaloir d'engagement encore en cours à la date du début d'exploitation dès lors que la réception a mis fin aux relations contractuelles, il n'est pas contesté que l'ancien concessionnaire des ports de Boulogne-sur-Mer et de Calais avait engagé un recours pour obtenir la réparation de ces désordres et détenait ainsi une créance sur les constructeurs du poste n° 9 du terminal transmanche au titre de la garantie décennale. Or, en vertu des stipulations combinées citées au point précédent, cette action, menée antérieurement au 22 juillet 2015, début de l'exploitation effective de la nouvelle concession, visant au recouvrement de cette créance, doit être regardée comme ayant nécessairement été transférée à la SEPD, alors même que cette dernière n'a pas elle-même été liée aux constructeurs par un contrat de travaux et n'est pas propriétaire des biens et équipements constituant le poste n° 9 depuis leur achèvement. Elle produit en outre un " accusé de transmission et réception " de la liste des litiges et contentieux de la CCI de la Côte d'Opale vers la région puis de la région vers la SEPD, signé par leurs représentants le 22 juillet 2015, sur laquelle figure le présent litige, révélant ainsi l'intention des parties de faire assurer le suivi des litiges et contentieux par le nouveau concessionnaire. Dans ces conditions, la SEPD doit être regardée comme justifiant d'un intérêt lui donnant qualité pour poursuivre l'instance engagée par l'ancien concessionnaire du port de Calais tendant à la réparation des désordres apparus en 2012 affectant les travaux d'aménagement du poste 9 du terminal transmanche.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SEPD est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi tendant à la condamnation solidaire des sociétés Endel, Constructions Industrielles René Lenglet, Technip France, Egis ville et transports, Nicoletta et compagnie et de la société Apave Nord-Ouest à lui verser la somme de 2 383 876,16 euros hors taxe au titre des pertes matérielles, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée applicable et la somme de 1 827 568,10 euros au titre des pertes d'exploitation, en réparation des désordres affectant le poste n° 9. Par suite, le jugement attaqué du 15 octobre 2019 doit être annulé.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Lille pour qu'il statue à nouveau sur la demande de la SEPD.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'appelante, qui n'est pas dans la présente instance partie perdante, la somme demandée par les sociétés Apave Nord-Ouest, Endel, Egis ville et transports, Technip France, Nord Littoral Ingéniérie, Constructions Industrielles René Lenglet et Nicoletta et compagnie au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des intimés la somme demandée par la SEPD, au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 15 octobre 2019 est annulé.

Article 2 : La société d'exploitation des ports du détroit est renvoyée devant le tribunal administratif de Lille pour qu'il soit statué sur sa demande.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitations des ports du détroit, à la société Endel, à la société Constructions Industrielles René Lenglet, à la société Technip France, à la société Egis ville et transports, à la société Nord Littoral Ingéniérie, à la société Nicoletta et compagnie et à la société Apave Nord-Ouest.

Copie en sera adressée, pour information, à la chambre de commerce et d'industrie de la Côte d'Opale et à la région Hauts-de-France.

2

N°19DA02724


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02724
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS HEPTA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-22;19da02724 ?
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