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15/03/2022 | FRANCE | N°21DA00842

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 15 mars 2022, 21DA00842


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Rapidépannage 62 et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 21 août 2018 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a rejeté implicitement le recours gracieux formé le 18 juin 2018 contre le refus de renouveler l'agrément de garagiste dépanneur en véhicule léger et en véhicule poids lourd de la société sur le réseau des autoroutes non concédées A1, A21 et A211, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de renouveler l'

agrément sollicité et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en appl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Rapidépannage 62 et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 21 août 2018 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a rejeté implicitement le recours gracieux formé le 18 juin 2018 contre le refus de renouveler l'agrément de garagiste dépanneur en véhicule léger et en véhicule poids lourd de la société sur le réseau des autoroutes non concédées A1, A21 et A211, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de renouveler l'agrément sollicité et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1809418 du 12 février 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2021 et un mémoire, non communiqué, enregistré le 21 janvier 2022, la société à responsabilité limitée Rapidépannage 62 et M. B... C..., son gérant, représentés par Me Philippe Vynckier, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ensemble la décision du 23 avril 2018 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a refusé de renouveler l'agrément de garagiste dépanneur en véhicule léger et en véhicule poids lourd de la société Rapidépannage 62 sur le réseau des autoroutes non concédées A1, A21 et A211, et la décision de rejet implicite du recours gracieux formé contre cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration

- le code de la route ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me Philippe Vynckier, représentant la société Rapidépannage 62 et M. C....

Considérant ce qui suit :

1. La société Rapidépannage 62, dont M. B... C... est le gérant et qui exerce une activité de dépannage et de remorquage de véhicules, a demandé au préfet du Pas-de-Calais, le 1er décembre 2017, le renouvellement de son agrément de garagiste dépanneur en véhicule léger et en véhicule poids lourd sur le réseau des autoroutes non concédées A1, A21 et A211 au titre de l'année 2018-2019. La commission interdépartementale d'agrément des dépanneurs sur autoroutes non concédées, qui s'est réunie le 7 décembre suivant, a proposé de lui accorder l'agrément sollicité pour une période probatoire de trois mois, à charge pour la société de se conformer aux dispositions du cahier des charges du 30 juin 2016 fixant les règles de fonctionnement du service de l'enlèvement et de dépannage sur le domaine autoroutier non concédé du département du Pas-de-Calais. Par un arrêté du 21 décembre 2017, le préfet du Pas-de-Calais lui a accordé cette prolongation, à l'issue de laquelle la commission interdépartementale d'agrément des dépanneurs du 15 mars 2018 a relevé la persistance de manquements et a émis un avis défavorable au renouvellement de l'agrément de la société requérante. Par une décision du 22 mars 2018, le préfet du Pas-de-Calais a accordé une ultime prolongation de cette période probatoire jusqu'au 3 mai 2018. Puis, après une réunion s'étant tenue le 13 avril 2018 avec M. C..., le préfet du Pas-de-Calais a, par une décision du 23 avril 2018, refusé de renouveler l'agrément sollicité. La société Rapidépannage 62 a contesté ce refus par recours gracieux formé le 18 juin 2018 qui a été rejeté implicitement le 21 août 2018 par le préfet du Pas-de-Calais. Par un jugement du 12 février 2021, dont la société Rapidépannage 62 et M. C... relèvent appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision". Pour satisfaire à cette exigence, l'autorité administrative doit indiquer, soit dans sa décision elle-même, soit par référence à un document joint ou précédemment adressé à l'intéressé les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde.

3. La décision du 23 avril 2018 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a, dans l'exercice de ses pouvoirs de police, refusé à la société Rapidépannage 62 le renouvellement de l'agrément autorisant l'intervention et le dépannage des véhicules en panne ou accidentés sur les autoroutes non concédées, mentionne que le gérant de cette société a pu faire valoir ses observations préalablement à la décision attaquée devant le chef du bureau de la vie citoyenne de la sous-préfecture de Béthune au cours d'une réunion qui s'est tenue le 13 avril 2018 dont le procès-verbal a été signé par son gérant et se réfère également à l'avis du 15 mars 2018 de la commission interdépartementale d'agrément pour le dépannage sur les autoroutes non-concédées du Pas-de-Calais défavorable au renouvellement de l'agrément, dont le compte-rendu a été adressé à la société Rapidépannage 62. Or, tant l'avis de la commission interdépartementale d'agrément des dépanneurs du 15 mars 2018 que le procès-verbal de la réunion du 13 avril 2018 comportent les considérations de droit et de fait ayant conduit le préfet du Pas-de-Calais à refuser le renouvellement de l'agrément sollicité. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 133-13 du code des relations entre le public et l'administration : " Les membres d'une commission ne peuvent prendre part aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel à l'affaire qui en est l'objet ".

5. Il est constant que deux membres de la commission interdépartementale d'agrément des dépanneurs y siègent en leurs qualités respectives de représentants de la Fédération nationale du commerce et de l'artisanat de l'automobile et du Conseil national de la profession automobile, tout en étant gérants de sociétés de dépannage et concurrents directs de la société requérante. Toutefois, il ressort des mentions claires et non contestées du procès-verbal de séance du 15 mars 2018 de la commission interdépartementale d'agrément des dépanneurs, que ces deux membres ont été invités à quitter la salle avant l'examen du dossier de demande de renouvellement de l'agrément de la société Rapidépannage 62 et ne l'ont rejointe qu'après que l'avis a été émis. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité édicté à l'article R. 133-13 du code des relations entre le public et l'administration doit donc être écarté.

6. En troisième lieu, la société Rapidépannage 62 et M. C... ne peuvent utilement se prévaloir de l'absence de visite de contrôle après l'avis du 15 mars 2018 de la commission interdépartementale d'agrément des dépanneurs, dès lors qu'aucune disposition, ni aucun principe n'impose que les services compétents réalisent une telle visite afin de vérifier le respect du cahier des charges et qu'au surplus, la société Rapidépannage 62 a eu toute latitude pour apporter des justifications lors de la réunion du 13 avril 2018. Ce moyen doit donc, en tout état de cause, être écarté.

7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le cahier des charges dans sa rédaction du 30 juin 2016 sur lequel s'est fondé le préfet du Pas-de-Calais, a été adressé à la société Rapidépannage 62 par un courrier du 7 novembre 2016 rappelant, conformément à l'arrêté préfectoral du 14 septembre 2016 portant organisation d'enlèvement et de dépannage des véhicules en panne ou accidentés sur les autoroutes non concédées du département du Pas-de-Calais et sur certaines voies expresses modificatif n° 3, que les prescriptions de ce cahier des charges devaient être respectées par tout dépanneur se voyant délivrer un nouvel agrément ou un renouvellement d'agrément à compter du 21 décembre 2017. Ainsi, à la date à laquelle le préfet du Pas-de-Calais s'est prononcé sur la demande d'agrément de la société Rapidépannage 62, c'est sans erreur de droit qu'ont été opposées les prescriptions de ce cahier des charges dans sa rédaction du 30 juin 2016.

8. Par ailleurs, la société Rapidépannage 62 n'établit pas que le cahier des charges du 30 juin 2016 serait irrégulier en ce qu'il imposerait aux entreprises de dépannage qu'elles s'équipent d'un modèle de cônes spécifiques ne répondant pas aux normes européennes alors que le ministre de la transition écologique et solidaire fait valoir, sans être sérieusement contredit, que les cônes de type K5a de classe 2 sont conformes à la norme NF EN 13 422. Ce moyen doit donc également être écarté.

9. En cinquième lieu, pour refuser à la société Rapidépannage 62 le renouvellement de son agrément, le préfet du Pas-de-Calais doit être regardé comme s'étant fondé, par référence à l'avis du 15 mars 2018 de la commission interdépartementale d'agrément des dépanneurs, sur la méconnaissance par la société Rapidépannage 62 des prescriptions des articles 2, 4 et 9 du cahier des charges du 30 juin 2016.

10. Aux termes de l'article 2 du cahier des charges mentionné ci-dessus : " Pour être agréés, les dépanneurs doivent satisfaire aux conditions suivantes : " (...) s'engager à déclarer à la préfecture du Pas-de-Calais et au gestionnaire de la voirie (...) tout mouvement de personnel au sein de l'entreprise sous 48 heures ". Or, il ressort des pièces produites et en particulier du courrier du préfet du 22 mars 2018 et du procès-verbal de la réunion qui s'est déroulée le 13 avril 2018 que le départ d'un des salariés et la prolongation de la période d'essai d'un autre n'ont pas été déclarés par la société requérante à la préfecture, ce qui constitue un manquement à l'article 2 du cahier des charges, nonobstant la circonstance que l'un de ces salariés effectuait principalement des tâches administratives.

11. Aux termes de l'article 4 du même cahier des charges : " (...) A bord du véhicule dépanneur devront se trouver : (...) / 3 cônes rétro-réfléchissants K5a de classe 2 pour les interventions véhicules légers et 5 cônes pour les interventions poids lourds. Ils doivent répondre à la norme NFP 98.460 et être au minimum d'une hauteur de 750 mm ". A... est constant que certains véhicules de la société Rapidépannage 62 ne disposaient pas de cônes réfléchissants répondant aux normes ainsi définies et que par un courrier du 27 décembre 2017, la direction interdépartementale des routes du Nord a alerté la société requérante sur la nécessité de respecter ces prescriptions. Si la société Rapidépannage 62 produit une facture attestant de l'achat de cônes de signalisation le 30 mars 2018, elle n'établit qu'à la date du 23 avril 2018 à laquelle la décision contestée a été prise, ses véhicules en étaient tous équipés.

12. Enfin, aux termes de l'article 9 du même cahier des charges : " Toute intervention donne lieu à l'établissement d'une facture. Les dépanneurs sont tenus, d'une part d'utiliser les facturiers mis à disposition par la direction interdépartementale des routes Nord, et d'autre part, d'informer l'administration des interventions réalisées en lui adressant les copies des factures du mois écoulé (exemplaire bleu) avant le 10 du mois suivant ". A cet égard, il n'est pas contesté en appel que la société Rapidépannage 62 a communiqué avec retard l'ensemble des factures d'intervention des mois de décembre 2017, janvier 2018 et février 2018 qui lui avaient été réclamées.

13. En sixième lieu, il résulte de ce qui vient d'être énoncé aux points 10 à 12 du présent arrêt que la société Rapidépannage 62 doit être regardée comme ayant manqué aux prescriptions des articles 2,4 et 9 du cahier des charges du 30 juin 2016. Eu égard aux objectifs de la sécurité routière poursuivis par le service public de dépannage et d'évacuation sur les voies routières, le préfet du Pas-de-Calais pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation, prendre la décision contestée qui ne peut dès lors être regardée comme une sanction déguisée.

14. En septième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais, au regard de l'ensemble des informations dont il disposait à la date de sa décision et de la réunion s'étant tenue le 13 avril 2018, ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de la société requérante. Le moyen tiré d'un défaut d'examen particulier doit donc être écarté.

15. En huitième et dernier lieu, en refusant à la société Rapidépannage 62 l'agrément sollicité au motif du non-respect par cette dernière des prescriptions du cahier des charges du 30 juin 2016, l'autorité administrative a entendu s'assurer de sa capacité à effectuer ses interventions conformément aux objectifs de la sécurité routière. Ce contrôle, dont il n'est pas établi qu'il aurait été différent pour les autres entreprises de dépannage, n'est donc en tout état de cause pas constitutif d'une atteinte disproportionnée, au regard de l'objectif poursuivi, à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie. Au surplus, le refus de renouveler l'agrément ne constitue pas en lui-même une limitation aux libertés précitées dès lors qu'il ne fait pas obstacle à ce que la société exerce son activité de dépannage sur d'autres voies de circulation dans les conditions requises par la réglementation. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision de refus porterait atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, à la liberté d'entreprendre et au principe de libre concurrence doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Rapidépannage 62 et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Il y a donc lieu de rejeter leurs conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué et des décisions du préfet du Pas-de-Calais, ainsi que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Rapidépannage 62 et de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Rapidépannage 62 et M. B... C... et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

2

N°21DA00818


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00842
Date de la décision : 15/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-02-02 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Modalités de la réglementation. - Agrément.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : ADEKWA LILLE METROPOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-15;21da00842 ?
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