Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... épouse D..., Mme A... D... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à verser à Mme C... la somme de 30 000 euros et à Mmes D..., chacune, la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du décès en détention de leur fils et frère, Abdelkader D..., survenu le 18 août 2013 à la maison d'arrêt de Sequedin et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1708104 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 décembre 2020 et 17 janvier 2022, Mme E... C... épouse D..., Mme A... D... et Mme B... D..., représentées par Me Gildas Brochen, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à leurs demandes de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 18 août 2013, Abdelkader D..., alors âgé de trente-quatre ans, incarcéré depuis le 6 juillet 2013 à la maison d'arrêt de Sequedin, d'abord sous le régime de la détention provisoire puis pour l'exécution d'une peine d'emprisonnement de douze mois prononcée le 6 août 2013 par le tribunal correctionnel de Lille, a été retrouvé pendu à la grille de la fenêtre de la cellule du quartier disciplinaire où il avait été placé deux jours auparavant. Imputant ce décès à une carence de l'administration pénitentiaire, Mme E... C... épouse D..., sa mère, et Mmes A... D... et B... D..., deux de ses sœurs, ont sollicité de l'Etat l'indemnisation de leur préjudice moral. Elles relèvent appel du jugement du 12 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme totale de 60 000 euros en réparation de leurs préjudices.
2. La responsabilité de l'Etat en cas de préjudice matériel ou moral résultant du suicide d'un détenu peut être recherchée pour faute des services pénitentiaires en raison notamment d'un défaut de surveillance ou de vigilance. Une telle faute ne peut toutefois être retenue qu'à la condition qu'il résulte de l'instruction que l'administration n'a pas pris, compte tenu des informations dont elle disposait, en particulier sur les antécédents de l'intéressé, son comportement et son état de santé, les mesures que l'on pouvait raisonnablement attendre de sa part pour prévenir le suicide.
3. Il résulte de l'instruction que dès son incarcération, le 6 juillet 2013, Abdelkader D..., qui était traité pour un syndrome anxio-dépressif et sa dépendance aux opiacées, a été identifié par l'administration pénitentiaire comme présentant des troubles du comportement et a fait l'objet d'une surveillance spécifique consistant notamment en un placement en cellule double et un suivi par le service médico-psychologique régional de l'établissement pénitentiaire. Sa tentative de suicide par pendaison, du 7 juillet 2013, à la suite de l'annonce de sa condamnation, a été signalée à ce service par le conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation ainsi que les signes d'automutilation présents sur son bras gauche, conduisant à l'instauration d'un suivi psychiatrique au cours duquel Abdelkader D... a exprimé, le 7 août 2013, sa crainte d'être un danger pour lui-même. Par la suite, Abdelkader D... n'a plus exprimé d'idée suicidaire, en particulier lors de son placement au quartier disciplinaire, le 16 août 2013, pour avoir refusé d'être transféré d'une cellule doublée à une cellule triplée et avoir bousculé un surveillant. Il ne résulte pas de l'instruction qu'Abdelkader D... aurait adopté, dans les jours qui ont précédé son décès, un comportement qui pouvait laisser présager un passage à l'acte suicidaire imminent alors que les personnels de surveillance l'ont perçu, le jour de son décès, comme calme et apaisé, nonobstant le départ de feu dans sa cellule, quelques heures avant son passage à l'acte, qui n'était au demeurant pas suffisamment important pour déclencher le détecteur de fumée. Aucune de ces circonstances ne pouvait donc laisser prévoir un passage à l'acte imminent alors que l'administration avait pris les mesures que l'on pouvait raisonnablement attendre de sa part pour prévenir le risque suicidaire d'Abdelkader D... qu'elle connaissait. Il suit de là que les appelantes ne sont pas fondées à soutenir que l'Etat a commis une faute en ne prenant pas les mesures de surveillance renforcées adaptées et en plaçant Abdelkader D... en cellule individuelle dans le quartier disciplinaire.
4. Il résulte de tout ce qui précède que Mmes D... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande d'indemnisation. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mmes D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... épouse D..., à Mme A... D..., à Mme B... D... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
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N°20DA02047