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03/03/2022 | FRANCE | N°21DA02420

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 03 mars 2022, 21DA02420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 20 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un

délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement à inte...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 20 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n°2102150 du 14 septembre 2021, le tribunal administratif de Rouen, après avoir admis à titre provisoire M. A... à l'aide juridictionnelle, a, par l'article 2 de ce jugement, annulé cet arrêté et, par l'article 3, enjoint au préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2021, sous le n° 21DA02420, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.

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II. Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2021, sous le n° 21DA02421, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2102150 du 14 septembre 2021 du tribunal administratif de Rouen jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête au fond.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Heu, président de chambre.

- et les observations de Me Bidault, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant nigérian né le 4 avril 1981 à Lagos (Nigeria), est entré en France le 13 juillet 2016, sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa court séjour, valable du 27 juin 2016 au 26 juillet 2016, délivré par les autorités italiennes, selon ses déclarations. Il a fait l'objet, le 22 novembre 2016, d'un arrêté du préfet de la Seine-Maritime ordonnant sa remise aux autorités italiennes. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Seine-Maritime a placé M. A... en rétention administrative. Le 14 septembre 2020, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Faute de réponse à sa demande, M. A... a, le 17 mars 2021, sollicité du préfet de la Seine-Maritime la communication des motifs de la décision implicite par laquelle l'autorité préfectorale avait rejeté sa demande. Par un arrêté du 20 avril 2021, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la requête enregistrée sous le n° 21DA02420, le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 14 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la date de notification dudit jugement. Par la requête enregistrée sous le n° 21DA02421, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

2. Ces requêtes présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 21DA02420 :

3. Pour annuler l'arrêté du 20 avril 2021 du préfet de la Seine-Maritime, les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour avait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les premiers juges ont en effet relevé que M. A... vivait en concubinage, depuis août 2019, avec une compatriote, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2028, qui avait deux filles, nées d'une précédente union, dont l'une est de nationalité française, et que le couple avait eu un enfant, né en France le 7 septembre 2019. Les premiers juges ont également relevé que l'enfant, de nationalité française, de la compagne de M. A... entretenait des liens forts avec son père sur le territoire français. Après avoir recensé ces éléments de fait, les premiers juges ont estimé que, compte tenu de la stabilité de la relation nouée avec sa compagne, de la durée du séjour en France de M. A... et de la nature de ses attaches familiales, la décision de refus de titre de séjour portait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... et sa compagne auraient entretenu des liens étroits ou mené vie commune dès le mois d'août 2019. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... entretiendrait des liens d'une particulière intensité avec les deux enfants de sa compagne, nés d'une précédente union. Enfin, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que M. A... serait particulièrement intégré dans la société française. En conséquence, la décision de refus de titre de séjour, contenue dans l'arrêté du 20 avril 2021 du préfet de la Seine-Maritime, ne peut être regardée, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par cette mesure. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a estimé, pour annuler la décision de refus de titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, les autres décisions contenues dans son arrêté du 20 avril 2021, que cette décision avait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen, ainsi que ceux qu'il soulève devant elle.

6. Aux termes du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... vivait, à la date de l'arrêté contesté, en concubinage avec une compatriote, titulaire d'une carte de résident, et que le couple a eu un enfant, né en France le 7 septembre 2019. Or, le refus de délivrance à M. A... d'un titre de séjour, tout comme la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, ont pour effet de priver durablement l'enfant né de cette union, de la présence de son père. La décision de refus de titre de séjour, ainsi que la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français, doivent, dans les circonstances particulières de l'espèce, être tenues comme méconnaissant l'intérêt supérieur de cet enfant et comme ayant ainsi été édictées en méconnaissance des stipulations précitées du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par M. A..., que le préfet du Nord n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions, contenues dans son arrêté du 20 avril 2021, refusant d'accorder un titre de séjour à M. A... et lui faisant obligation de quitter le territoire français, ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination.

Sur la requête n°21DA02421 :

9. La cour statuant, par le présent arrêt, sur les conclusions de la requête du préfet de la Seine-Maritime tendant à l'annulation du jugement du 14 septembre 2021 du tribunal administratif de Rouen, les conclusions de sa requête, enregistrée sous le n° 21DA02421, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement, sont privées d'objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur les frais d'instance :

10. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été maintenu de plein droit au profit de M. A.... Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bidault, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bidault de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n°21DA02420 du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n°21DA02421 du préfet de la Seine-Maritime.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Bidault.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

N°s21DA02420,21DA02421 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02420
Date de la décision : 03/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christian Heu
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BIDAULT;BIDAULT;BIDAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-03;21da02420 ?
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