Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Lens à lui verser la somme de 45 070 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'intervention chirurgicale subie dans cet établissement le 8 décembre 2014 pour coloprotectomie, à titre subsidiaire, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser cette somme et de mettre à la charge du centre hospitalier de Lens ou, à titre subsidiaire, de l'Office, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mise en la cause, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois-Côte d'Opale a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Lens à lui verser la somme de 151 623,18 euros au titre de ses débours, avec intérêts à compter de la notification de son mémoire et leur capitalisation pour une année entière, la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1700668 du 17 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier de Lens à verser à M. A... une indemnité globale de 40 883 euros en réparation des préjudices subis, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois une indemnité globale d'un montant de 151 623,18 euros au titre de ses frais exposés avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2020 et une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, à M. A... la somme de 1 500 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 août 2020 et le 23 septembre 2021, le centre hospitalier de Lens, représenté par Me Catherine Tamburini-Bonnefoy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de ne le juger responsable qu'à hauteur de 50% des conséquences dommageables de l'infection pariétale abdominale subie par M. A..., à l'exclusion de la péritonite par fistule subie à la suite de l'intervention chirurgicale du 8 décembre 2014 ;
3°) d'ordonner avant dire-droit une expertise médicale afin d'évaluer distinctement les préjudices relevant de l'infection pariétale de nature nosocomiale, de l'accident médical non fautif ayant provoqué une péritonite par fistule et de l'intervention initiale ou subsidiairement, de n'allouer à M. A... qu'une indemnité de 1 100 euros en réparation des préjudices subis ;
4°) de rejeter le surplus des demandes de M. A... et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois-Côte d'Opale présentées en première instance ;
5°) en tout état de cause, de rejeter les conclusions présentées par M. A... et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois-Côte d'Opale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- et les observations de Me Amicie Gudefin, représentant le centre hospitalier de Lens, et de Me Dominique Bellengier représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Le 7 décembre 2014, M. B... A..., souffrant d'une polypose adénomateuse familiale qui avait nécessité une colectomie totale en 2008, a été admis au centre hospitalier de Lens pour y subir une intervention chirurgicale aux fins de coloprotectomie avec anastomose iléo-anale, après la découverte de nombreux polypes au niveau rectal. L'intervention a eu lieu le 8 décembre et a permis de libérer la totalité du grêle jusqu'à l'anastomose iléo-rectale mais dans la nuit du 10 au 11 décembre, M. A... a présenté une hyperthermie avec tachycardie. Un écoulement purulent de la cicatrice a été constaté le 16 décembre avec vomissements. Un scanner abdominal réalisé le 19 décembre suivant a objectivé une péritonite avec de multiples plages liquidiennes. Le 22 décembre, des examens microbiologiques ont mis en évidence une infection au germe escherichia coli et la survenue d'un nouveau choc septique brutal a nécessité une intervention chirurgicale de reprise. Le 30 janvier 2015, un prélèvement sanguin a mis en évidence la présence de la bactérie pseudomonas aeruginosa. Le 4 février suivant, M. A... a été autorisé à regagner son domicile en dépit de la persistance d'un écoulement modéré au niveau de la cicatrice. Il est resté sous antibiothérapie et a bénéficié de soins infirmiers bi-quotidiens. Dans le cadre de son suivi médical, une fistule qui alimentait la suppuration pariétale chronique a été remarquée. Elle s'est refermée spontanément quelques mois plus tard mais sa réouverture en octobre 2015 a nécessité plusieurs interventions chirurgicales urgentes entre octobre et décembre 2015. Les suites de ces opérations ayant été satisfaisantes, M. A... a pu reprendre son activité professionnelle à mi-temps thérapeutique le 6 juin 2016, puis à temps plein à compter du 1er septembre 2016.
2. Le 4 août 2015, M. A... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux des Hauts-de-France d'une demande d'indemnisation. Après avoir diligenté une expertise, cette commission a, dans un avis du 19 octobre 2016, estimé que l'infection développée procédait d'un accident médical non fautif ayant entraîné un dommage n'ouvrant pas droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale. Par lettre du 22 novembre 2016, le centre hospitalier de Lens a opposé un refus à la demande d'indemnisation de M. A.... Par un jugement du 17 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier de Lens à verser à M. B... A... une indemnité globale de 40 883 euros en réparation des préjudices subis, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois une indemnité globale d'un montant de 151 623,18 euros au titre de ses frais exposés avec intérêts taux légal à compter du 13 mars 2020 et une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, aux motifs que la péritonite par fistule survenue au décours de l'intervention du 8 décembre 2014 avait constitué une infection nosocomiale pour laquelle le centre hospitalier de Lens devait être déclaré responsable sur le fondement du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. Le centre hospitalier de Lens, estimant n'être responsable que des conséquences dommageables de l'infection pariétale abdominale survenue secondairement à la fistule, qui procède selon lui d'un accident médical non fautif, et à hauteur de seulement 50%, relève appel de ce jugement dont il demande la réformation.
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Lens :
3. Aux termes du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les professionnels de santé et les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins " sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.
4. Il résulte de l'instruction et en particulier du rapport de l'expertise ordonnée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux des Hauts-de-France que, dans les suites de l'intervention chirurgicale pratiquée au centre hospitalier de Lens le 8 décembre 2014, M. A... a subi une inflammation aiguë du péritoine ayant une origine infectieuse par fistule anastomotique, cette péritonite dite par fistule étant considérée comme une complication connue en chirurgie digestive, dont le taux de survenue s'élève à 6% des cas. Si cette complication ne peut être attribuée à une faute du centre hospitalier dans la réalisation du geste de coloprotectomie avec anastomose iléo-anale et si l'expert désigné par la commission de conciliation et d'indemnisation en a conclu qu'elle était la conséquence d'un " accident médical non fautif ", alors qu'il n'appartient pas à un expert de se prononcer sur la qualification juridique des faits, il n'en demeure pas moins qu'elle révèle la survenue d'un mécanisme infectieux au cours de la prise en charge de ce patient au centre hospitalier de Lens. Ainsi, à deux reprises, le 22 décembre 2014 s'agissant du germe escherichia coli puis le 30 janvier 2015 s'agissant du pseudomona aeruginosa, la présence des deux germes à l'origine de cette infection puis de la surinfection au niveau pariétal a été constatée alors que M. A... n'avait pas encore rejoint son domicile tandis qu'il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que ces deux infections auraient été présentes ou en incubation avant la prise charge de M. A... au centre hospitalier de Lens. S'agissant de la première infection à escherichia coli, il n'est ainsi pas établi, ni même allégué, qu'elle aurait une origine autre que cette prise en charge, alors qu'il résulte des propres constatations de l'expert que ce germe n'a pu devenir pathogène qu'en raison de l'intervention elle-même. S'agissant de la surinfection au niveau pariétal, à pseudomona aeruginosa, le centre hospitalier de Lens n'établit pas davantage, en se bornant à faire valoir qu'elle serait d'origine multifactorielle, qu'elle aurait une autre origine que la prise en charge hospitalière de M. A.... Dans ces conditions, le centre hospitalier de Lens doit être tenu pour responsable de ces deux infections nosocomiales et n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille l'a condamné à en réparer les conséquences.
Sur les préjudices de M. A... et les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois-Côte d'Opale :
5. C'est par de justes motifs énoncés aux points 7 à 12 du jugement attaqué, non contestés en appel, que les premiers juges ont mis à la charge centre hospitalier de Lens l'indemnisation des préjudices subis par M. A... au titre de la perte de gains professionnels, des déficits fonctionnels temporaire et permanent, des souffrances endurées et du préjudice esthétique, dont il a été fait une juste appréciation par les premiers juges. Il résulte de ce qui vient d'être dit et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale aux fins de distinguer les préjudices résultant de chacune des deux infections, ni de distinguer les préjudices résultant de l'intervention initiale qui ont déjà été pris en compte par l'expert désigné par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux des Hauts-de-France, qu'il y a lieu de confirmer la somme totale de 40 883 euros allouée à M. A....
6. C'est également par de juste motifs, énoncés aux points 13 à 15 du jugement attaqué, non contestés en appel, que les premiers juges ont mis à la charge du centre hospitalier de Lens le remboursement à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois-Côte d'Opale de la somme de 151 623,18 euros correspondant aux débours qu'elle a exposés pour le compte de son assuré et aux indemnités journalières qu'elle lui a versées.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête du centre hospitalier de Lens doit être rejetée.
Sur les intérêts et la capitalisation :
8. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière.
9. En l'espèce, les intérêts portant sur les sommes dues par le centre hospitalier de Lens à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois-Côte d'Opale ont couru à compter du 13 mars 2020. La capitalisation des intérêts a été demandée devant la cour le 15 janvier 2021. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 13 mars 2021, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Lens une somme de 2 000 euros à verser à la fois à M. A... et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois-Côte d'Opale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du centre hospitalier de Lens est rejetée.
Article 2 : La somme que le centre hospitalier de Lens a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois-Côte d'Opale portera intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2020 et les intérêts échus à la date du 13 mars 2021, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le centre hospitalier de Lens versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le centre hospitalier de Lens versera à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois-Côte d'Opale la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le jugement n°1700668 du 17 juin 2020 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Lens, à M. B... A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois-Côte d'Opale.
2
N°20DA01230