Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiées Insmatel a demandé au tribunal administratif de Lille d'arrêter le décompte général du lot n°7 " électricité " du marché relatif à la construction d'une serre numérique sur le site des Rives Créatives de l'Escaut à Anzin, de condamner la chambre de commerce et d'industrie Grand Hainaut à lui verser la somme de 851 464,90 euros toutes taxes comprises et de mettre la somme de 15 000 euros à la charge de celle-ci au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1603725,1701508 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Lille a condamné la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France, venant aux droits de la chambre de commerce et d'industrie Grand Hainaut, à verser à la société Insmatel la somme de 249 045,69 euros toutes taxes comprises et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, rejetant le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 août 2019 et le 6 janvier 2020, la société Insmatel, représentée par Me Loïc Demarest, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'arrêter le décompte général du lot n°7 " électricité " du marché et de condamner la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France à lui verser la somme de 851 464,90 euros toutes taxes comprises ;
3°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France à lui payer la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement signé le 20 avril 2012, la chambre de commerce et d'industrie Grand Hainaut, devenue la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France, a confié à la société Insmatel l'exécution du lot n°7 " électricité " du marché de construction d'une serre numérique sur le site des Rives Créatives de l'Escaut à Anzin, à prix global et forfaitaire initialement fixé à 2 388 455,04 euros hors taxes, porté par plusieurs avenants successifs à 3 234 351,01 euros hors taxes. Le 22 mai 2015, la société Insmatel a transmis son décompte final et a mis en demeure le maître de l'ouvrage, le 23 octobre 2015, d'établir le décompte général du marché qui lui a été transmis par lettre du 30 mai 2016, acceptant une partie des réclamations de la société Insmatel à hauteur de 251 179,65 euros. La société Insmatel a demandé au tribunal administratif de Lille d'établir définitivement le décompte général du marché et de condamner la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France à lui verser la somme globale de 851 464,90 euros toutes taxes comprises. Par le jugement du 25 juin 2019, dont la société Insmatel relève appel, le tribunal a seulement condamné la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France à verser la somme de 249 045,69 euros toutes taxes comprises.
Sur le solde du marché :
En ce qui concerne les écarts entre les ordres de service n°07-04, n°07-15 et 07-17 et les devis de la société Insmatel :
2. La société Insmatel réclame le versement d'une somme de 1 738,58 euros correspondant à l'écart entre l'ordre de service 07-04 portant sur la fiche de travaux modificative 95 relative aux terminaux électriques et réseaux Voix Donnés Images qui a été établie conformément à l'avenant n°2 du marché pour un montant de 82 011,68 euros, et les travaux qu'elles a effectivement réalisés dont des travaux supplémentaires correspondant à un devis n°017V3, à hauteur de 1 738,58 euros. Toutefois elle n'établit pas que ces travaux supplémentaires, à supposer même qu'ils aient été effectivement réalisés, auraient été indispensables à l'exécution du marché dans les règles de l'art. La société Insmatel n'est donc pas fondée à demander que cette somme soit réintégrée à son profit dans le décompte du marché.
3. Elle réclame, en outre, le versement d'une somme de 15 543,64 euros correspondant à l'écart entre son devis et l'ordre de service n°07-15 portant sur des fiches de travaux modificatives n°s 152C, 155, 159, 161, 162 et 163. Toutefois, à l'instar de l'ordre de service précédent, cet ordre de service a été établi conformément à l'avenant n°4 du marché et la société Insmatel n'établit pas que le devis n°77V6, qui intègre un surcoût par rapport à cet avenant, correspondrait à des travaux indispensables à l'exécution du marché dans les règles de l'art. La société Insmatel n'est donc pas fondée à demander que cette somme soit réintégrée à son profit dans le décompte du marché.
4. Enfin, la société Insmatel réclame le versement d'une somme de 9 475,57 euros correspondant à l'écart entre son devis et l'ordre de service n° 07-17 portant sur les fiches modificatives de travaux n°s 151 D, 177, 184 et 185. Toutefois, cet ordre de service a aussi été établi conformément à l'avenant n°4 du marché et la requérante n'établit pas que le surcoût dont elle réclame le paiement correspondrait à des travaux nécessaires à la réalisation de l'ouvrage. La société Insmatel n'est donc pas fondée à demander que cette somme soit réintégrée à son profit dans le décompte du marché.
En ce qui concerne l'ordre de service exécutoire EXE n°07-07 :
5. La société Insmatel réclame la prise en compte à son profit de la somme de 11 111,20 euros correspondant aux travaux qu'elle a exécutés pour la mise en place d'un tableau électrique pour trois prises triphasées en 50 ampères afin d'alimenter les aérotermes d'Axima et pour lesquels le maître de l'ouvrage a émis un ordre de service exécutoire, sans valorisation financière. Toutefois, il ne résulte d'aucune stipulation du marché, ni d'aucun de ses avenants que ces travaux n'étaient pas inclus dans les travaux prévus par le cahier des clauses techniques particulières et rémunérés par le prix global et forfaitaire du marché alors qu'il ressort de l'annexe 1 à la " Note organisation de chantier ", en son article 3.4.2.2, que sont mis à la charge du lot n°7 l'alimentation, les câblages et protections électriques destinés aux installations provisoires. La société Insmatel n'est donc pas fondée à demander que cette somme soit réintégrée à son profit dans le décompte du marché.
En ce qui concerne les travaux supplémentaires procédant de devis non admis :
6. La société Insmatel demande la réintégration à son profit dans le décompte du marché du devis n°89, de la somme de 2 2 108,42 euros hors taxes, qui correspond à l'électrification d'un local gradateur de l'amphithéâtre. Toutefois, alors que la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France conteste avoir commandé ces travaux et leur nécessité, s'agissant d'un " local borgne ", la société Insmatel n'établit pas que ces travaux auraient fait l'objet d'un ordre de service ou d'un avenant, ni qu'ils auraient été indispensables à la réalisation de l'ouvrage.
7. La société Insmatel réclame en outre la prise en compte du devis n° 109, d'un montant de 2 917,20 euros hors taxe, qui porte sur le dévoiement des gaines électriques des portes et " Ventilated Double Facade " sur façade et des travaux de percements. Toutefois, il résulte de l'instruction que ces travaux correspondent à la modification du passage des portes du hall résultant d'une non-conformité imputable à la société Insmatel, laquelle n'a pas tenu compte des contraintes de la société Axima chargée de la pose du plancher chauffant.
8. La société Insmatel demande la réintégration à son profit du devis n° 119, d'un montant de 7 332,80 euros hors taxes, qui concerne la pose et la dépose de faux-plafonds mais n'établit pas que ces travaux auraient fait l'objet d'un ordre de service ou d'un avenant, ni qu'ils auraient été indispensables à la réalisation de l'ouvrage.
9. Enfin, la société Insmatel demande la prise en compte, à son profit, d'un devis n°125 d'un montant de 6 825 euros hors taxes mais n'établit pas non plus la réalité des surcoûts qui auraient été induits par la réalisation de contrôles par zones au lieu d'un contrôle unique.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Insmatel n'est pas fondée à demander la réintégration de ces sommes supplémentaires dans le décompte du marché.
En ce qui concerne les préjudices découlant de l'allongement de délais du chantier :
11. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
12. La société Insmatel, qui n'invoque la survenue d'aucune sujétion imprévue, demande à être indemnisée des préjudices qu'elle a subis en termes de frais supplémentaires de direction de travaux, de gestion technique, de location de matériel et de perte de productivité résultant du retard du chantier de huit mois et demi qu'elle impute au défaut de coordination du chantier par le maître de l'ouvrage, au démarrage tardif des travaux et à la succession et l'importance des modifications du besoin initial. Toutefois, il ne résulte d'aucune stipulation contractuelle que la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France aurait méconnu les délais contractuels de démarrage des travaux en notifiant l'ordre de service en cause le 12 novembre 2012, alors que l'article 4.1 du cahier des clauses administratives particulières se bornait à envisager, sans que cela soit contractuel, un ordre de service de préparation de chantier début juin 2012 et un ordre de service d'exécution des travaux pour les lots autres que le lot VRD au début du mois de septembre 2012 et que le point 12 du même article prévoyait que les dates réelles d'intervention de chaque lot seraient fixées au calendrier détaillé d'exécution. Dès lors, les termes de l'article 4.1 cahier des clauses administratives particulières n'impliquaient pas nécessairement que la phase de travaux débute le 1er août 2012, comme le soutient la société Insmatel. En outre, l'avenant n°3 du marché a reporté la date d'achèvement contractuel des travaux au 14 novembre 2014, en raison d'une mauvaise exécution sur les lots 1 et 2, portant sur le gros œuvre et la charpente, de retards conséquents sur ces deux lots et le lot 14 portant sur le revêtement des sols, le maître de l'ouvrage ayant au demeurant confié le suivi de l'exécution des travaux à un groupement de maîtrise d'œuvre et la mission de coordonnateur " ordonnancement, pilotage, coordination " à la société Egis Management. Dans ces conditions, la société Insmatel n'est pas davantage fondée à imputer au maître d'ouvrage la responsabilité de l'allongement de la durée des travaux pour ce motif. Enfin, s'il résulte de l'instruction que de nombreux travaux supplémentaires ont été commandés par la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France notamment après la conclusion de l'avenant n°2, il ressort du décompte général établi par la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France qu'il a été tenu compte des conséquences résultant de l'allongement des délais par l'intégration au profit de la société Insmatel dans le décompte de la somme de 178 930,60 euros et la société Insmatel n'établit pas être en droit d'obtenir, au titre des travaux supplémentaires commandés au cours de l'exécution du chantier, davantage que ce qui a été intégré à son profit. Dans ces conditions, la société Insmatel n'est pas fondée à demander la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France à lui verser les sommes de 184 630,24 et 355 299,47 euros hors taxes qu'elle réclame en réparation de l'allongement de la durée du chantier.
En ce qui concerne le compte-prorata :
13. La société Insmatel soutient qu'elle a droit au remboursement de la somme 51 943,49 euros hors taxes en raison d'un trop-perçu concernant la rémunération du gestionnaire du compte-prorata en faisant valoir que sa quote-part au compte prorata aurait dû se limiter à 49 291,70 euros hors taxes au lieu des 101 235,19 euros hors taxes qui lui ont été imputés. Elle se fonde sur les stipulations de l'article 2.4 de l'annexe 1 de la " Note d'organisation du chantier " aux termes desquelles la rémunération du gestionnaire du compte-prorata est estimée à 400 000 euros hors taxe et en déduit que sa quote-part n'aurait pas dû excéder 49 291,70 euros hors taxes. Toutefois, ces stipulations concernent la seule rémunération du gestionnaire du compte-prorata alors que les appels de fonds litigieux ont été émis au titre de l'ensemble des dépenses communes, lesquelles sont régies par l'article 1.2 de la " Note organisation chantier ". Ainsi, le montant estimé à 400 000 euros hors taxes ne porte-t-il que sur la rémunération de la société Egis pour la gestion du compte-prorata. Par suite, la société Insmatel ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 2.4 de l'annexe 1 précitée pour contester le montant des appels de fonds qui lui ont été réclamés puis imputés sur son décompte.
En ce qui concerne les retenues et pénalités qui ont été appliquées :
14. Il résulte du décompte général établi par la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France et du rapport du maître d'œuvre, qui n'est pas sérieusement contredit par la requérante, que celle-ci n'a pas procédé au règlement des dépenses afférentes aux prestations de gardiennage du chantier et à celles relatives à la mise en place d'un parking provisoire pour des montants respectivement de 3 917,10 euros et 3 246,24 euros hors taxes. Par suite, la société Insmatel n'est pas fondée à contester les retenues opérées à ce titre par la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France.
15. En dernier lieu, la société Insmatel conteste l'application de pénalités d'un montant de 48 562,07 euros mais n'a, ni devant les premiers juges ni devant la cour, assorti sa contestation des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, cette demande ne peut davantage être admise.
16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France, que la société Insmatel n'est pas fondée à demander la réformation du jugement attaqué.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Insmatel tendant au versement d'une somme par la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Insmatel une somme de 2 000 euros à verser à la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France au même titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Insmatel est rejetée.
Article 2 : La société Insmatel versera à la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Insmatel et à la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France.
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N°19DA01999