Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à leur charge au titre des années 2012 à 2014.
Par un jugement n°1702677 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a réduit les bases imposables à l'impôt sur le revenu de M. et Mme C... d'un montant de 1 251,12 euros pour l'année 2012, de 3 378,84 euros pour l'année 2013 et de 3 382,20 euros pour l'année 2014 et prononcé, dans cette mesure, la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à leur charge, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande de M et Mme C....
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 décembre 2019, 3 janvier 2020, 28 juillet 2020 et 9 août 2021, M. et Mme C..., représentés par la SCP Croissant de Limerville Ortis, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement du 3 octobre 2019 du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) de leur accorder la décharge, en droits et pénalités, des impositions demeurant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SELARL C... Avocats, qui exerce une activité d'avocat, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, qui a mis en évidence que M. C..., son gérant, avait bénéficié au cours de la période vérifiée d'avantages en nature ainsi que de revenus distribués. Par deux propositions de rectification des 15 décembre 2015 et 16 mars 2016, l'administration a tiré les conséquences sur la situation fiscale de M. et Mme C... A... la vérification de comptabilité dont la SELARL C... Avocats a fait l'objet. En conséquence, l'administration a rehaussé les revenus imposables de M. et Mme C... et les a assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2012 à 2014, en suivant la procédure de redressement contradictoire. Par un jugement du 3 octobre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, réduit les bases imposables à l'impôt sur le revenu de M. et Mme C... d'un montant de 1 251,12 euros pour l'année 2012, de 3 378,84 euros pour l'année 2013 et de 3 382,20 euros pour l'année 2014 et prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux correspondant à cette réduction en base, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions des intéressés. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 3 octobre 2019 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande en décharge. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 1er du jugement du 3 octobre 2019 du tribunal administratif d'Amiens et de limiter la réduction des bases imposables à l'impôt sur le revenu de M. et Mme C... à hauteur de 1 492 euros au titre de l'année 2013 et de 1 495 euros au titre de l'année 2014.
Sur les conclusions de M. et Mme C... tendant à la décharge des impositions demeurant en litige :
2. Aux termes de l'article 82 du code général des impôts : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits. (...) ". Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ". Aux termes de l'article 54 bis du même code : " Les (...) contribuables doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ". Le gérant d'une société à responsabilité limitée doit être considéré comme appartenant au personnel de la société pour l'application de ces dispositions.
En ce qui concerne la rectification portant sur des frais de déplacement :
3. L'administration a relevé, au cours de la vérification de comptabilité dont la SELARL C... Avocats a fait l'objet, que M. C... avait été remboursé de ses frais de déplacement professionnel à hauteur de 15 318 euros en 2012, 12 445 euros en 2013 et 11 276 euros en 2014, sous couvert d'un barème supérieur à celui de l'administration fiscale. L'administration a estimé que la société ne pouvait admettre, au titre des frais de déplacement professionnel, qu'une charge de 9 615 euros en 2012, 9 642 euros en 2013 et 8 780 euros en 2014 correspondant à l'application du barème kilométrique admis par l'administration fiscale. En revanche, le surplus, soit 5 703 euros en 2012, 2 803 euros en 2013 et 2 496 euros en 2014, n'était, selon l'administration, pas déductible du résultat imposable de la société et ces sommes ont alors été regardées comme un revenu distribué imposable entre les mains de M. C... sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. En conséquence, l'administration a rehaussé le revenu imposable de M. et Mme C... dans cette catégorie de la somme de 5 703 euros en 2012, 2 803 euros en 2013 et 2 496 euros en 2014.
4. Si M. et Mme C... soutiennent que les remboursements de frais correspondent à des suppléments de rémunération imposables, sur le fondement de l'article 62 du code général des impôts, dans la catégorie des traitements et salaires, il résulte de l'instruction que les dépenses de frais professionnels étaient comptabilisées par la SELARL C... Avocats en une seule écriture globale mensuelle enregistrée dans un compte 625112 déplacement C.... Or, une telle comptabilisation ne permet pas d'identifier le caractère d'avantage en nature ainsi consenti à M. C... et ne respectait pas les exigences de l'article 54 bis du code général des impôts. Dès lors, faute d'une comptabilisation explicite en qualité d'avantage en nature, ces sommes ne sont pas imposables dans la catégorie des traitements et salaires. C'est donc à bon droit que l'administration a regardé ces remboursements de frais au-delà du barème kilométrique comme un avantage occulte, au sens et pour l'application du c. de l'article 111 du code général des impôts, et les a imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
5. A supposer que les requérants puissent être regardés comme se prévalant, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle à la question de M. B... publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 11 juin 1954 et de la réponse ministérielle à la question de M. A... E... publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 2 mai 1958, ils ne peuvent toutefois utilement les invoquer dès lors que ces réponses ministérielles concernent exclusivement l'imposition des sociétés.
En ce qui concerne la rectification portant sur les cotisations versées au courtier " Alptis " :
6. S'agissant des cotisations versées au courtier " Alptis ", M. et Mme C... établissent qu'il s'agit d'une assurance souscrite par la SELARL C... Avocats ayant pour objet de garantir le remboursement de tout ou partie des frais généraux supportés par la société en cas d'incapacité temporaire totale de l'associé par suite de maladie ou d'accident. Si l'absence de justification de la dépense était un motif suffisant pour refuser sa déductibilité par la société, en revanche, l'administration n'apporte pas la preuve que les sommes y afférentes présenteraient le caractère d'une rémunération ou d'un avantage occulte servi à M. C... dès lors que ce dernier n'a été ni le bénéficiaire de paiements non justifiés ni le bénéficiaire des remboursements de frais. Les requérants sont donc fondés à demander la réduction de leur revenu imposable de la somme de 1 837 euros tant en 2013 qu'en 2014 et la décharge correspondante, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvement sociaux qui ont été mises à leur charge à ce titre.
Sur les pénalités :
7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
8. Pour justifier cette majoration, l'administration fait valoir que M. C..., en sa qualité de gérant d'une société d'avocats spécialisés en droit fiscal, ne pouvait ignorer que la société lui remboursait des frais de déplacement sur la base d'un barème kilométrique supérieur au barème de l'administration fiscale et que la prise en charge de cotisations constituait un avantage en nature imposable. L'administration fait également valoir la persistance de ces manquements sur les trois années en cause. Dès lors, l'administration fiscale doit être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée des contribuables de se soustraire au paiement de l'impôt.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de leur demande tendant à la réduction en base de leur revenu à hauteur de 1 837 euros en 2013 et d'une somme du même montant en 2014.
Sur l'appel incident du ministre :
10. Par l'article 1er du jugement du 3 octobre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a réduit les bases imposables à l'impôt sur le revenu de M. et Mme C... A... la somme de 1 251,12 euros pour l'année 2012, de 3 378,84 euros pour l'année 2013 et de 3 382,20 euros pour l'année 2014.
11. Il résulte de l'instruction que la réduction des bases imposables à l'impôt sur le revenu de M. et Mme C... prononcée par le tribunal administratif correspond à la réduction, prononcée par un jugement n° 1701327 du 3 octobre 2019 du tribunal administratif d'Amiens, des bases imposables à l'impôt sur les sociétés de la SELARL C... Avocats, correspondant aux cotisations sociales dites " Madelin " que la société avait prises en charge à hauteur des sommes de 1 251,12 euros pour l'exercice clos en 2012, 3 378,84 euros pour l'exercice clos en 2013 et 3 382,20 euros pour l'exercice clos en 2014. Le tribunal a déduit de cette constatation que M. et Mme C... étaient fondés à obtenir la réduction des sommes correspondantes de leurs bases d'imposition à l'impôt sur le revenu devant être retenues pour les années 2012, 2013 et 2014.
12. Toutefois, ainsi que le fait valoir le ministre, la réduction en base de 1 251,12 euros ne correspond à aucun rehaussement restant en litige à la suite des dégrèvements prononcés par l'administration en conséquence de la décision d'admission partielle de la réclamation de la SELARL C... Avocats. Le ministre est donc fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont réduit la base imposable à l'impôt sur le revenu de M. et Me C... au titre de l'année 2012 de la somme de 1 251 euros.
13. S'agissant des années 2013 et 2014, il résulte de l'instruction que la SELARL C... Avocats a comptabilisé des cotisations versées au groupe Apicil d'un montant de 3 138 euros pour ces deux exercices ainsi que ces cotisations versées auprès de l'Association de prévoyance individuelle et collective pour un montant de 240,72 euros en 2013 et 244,08 euros en 2014. L'administration a admis la somme de 1 887 euros dès le stade de la proposition de rectification mais a rejeté le surplus, soit 1 251 euros, au motif que ces versements n'étaient pas justifiés. Le ministre ne conteste pas la déductibilité des cotisations versées mais fait valoir que les premiers juges ont admis en déduction l'intégralité des sommes comptabilisées sans prendre en compte la somme de 1 887 euros déjà admise en déduction par l'administration dès la proposition de rectification du 16 mars 2016. Le ministre est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a réduit les bases imposables de M. et Mme C... à l'impôt sur le revenu de 3 378 euros au titre de l'année 2013 et de 3 382 euros au titre de l'année 2014 et à demander que la réduction en base soit limitée à la somme de 1 492 euros au titre de l'année 2013 et à la somme de 1 495 euros au titre de l'année 2014.
14. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de remettre à la charge de M. et Mme C... la différence entre les cotisations d'impôt sur le revenu et les contributions sociales déchargées en exécution de l'article 1er du jugement du tribunal administratif d'Amiens et les cotisations d'impôt sur le revenu et les contributions sociales résultant de la réduction en base telle qu'elle est définie au point 13 du présent arrêt.
Sur les conclusions de M. et Mme C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance pour l'essentiel, les conclusions de M. et Mme C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La base imposable à l'impôt sur le revenu de M. et Mme C... est réduite d'un montant de 1 837 euros au titre de l'année 2013 et d'un même montant au titre de l'année 2014.
Article 2 : M. et Mme C... sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014, correspondant à la réduction en base prononcée à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C... est rejeté.
Article 4 : La réduction des bases imposables à l'impôt sur le revenu de M. et Mme C... prononcée par l'article 1er du jugement du 3 octobre 2019 du tribunal administratif d'Amiens est limitée à 1 492 euros au titre de l'année 2013 et à 1 495 euros au titre de l'année 2014.
Article 5 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de la différence entre la réduction en base prononcée à l'article 4 du présent arrêt et la réduction en base prononcée par l'article 1er du jugement du 3 octobre 2019 du tribunal administratif d'Amiens, sont remises à la charge de M. et Mme C....
Article 6 : L'article 1er du jugement du 3 octobre 2019 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
N°19DA02634 2