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18/01/2022 | FRANCE | N°20DA00045

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 18 janvier 2022, 20DA00045


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune de Crépy-en-Valois à leur verser la somme de 63 500 euros toutes taxes comprises et la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'effondrement du mur d'enceinte de leur propriété, ainsi que la somme de 8 561,50 euros en réparation du préjudice résultant de l'effondrement du mur mitoyen de leur propriété avec celle des époux F....

Par un jugement n° 1700318 du 19

novembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la commune de Crépy-e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune de Crépy-en-Valois à leur verser la somme de 63 500 euros toutes taxes comprises et la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'effondrement du mur d'enceinte de leur propriété, ainsi que la somme de 8 561,50 euros en réparation du préjudice résultant de l'effondrement du mur mitoyen de leur propriété avec celle des époux F....

Par un jugement n° 1700318 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la commune de Crépy-en-Valois à verser à M. et Mme B... la somme de 44 166,66 euros et a condamné la SARL Cabrema TP à garantir intégralement la commune des condamnations prononcées contre elle et du coût de l'expertise.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2020, la SARL Cabrema TP représentée par la SCP Lebegue Pauwels Derbise, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à garantir la commune de Crépy-en-Valois des condamnations prononcées à son encontre ;

2°) de rejeter la demande de garantie présentée par la commune de Crépy-en-Valois, à titre subsidiaire de limiter sa garantie à 50 % du montant des condamnations ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Crépy-en-Valois une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me Perrine Garcia, représentant M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... et Mme E... B... sont propriétaires d'un terrain bâti cadastré section G n° 355, situé 2 rue de la vallée sur le territoire de la commune de Crépy-en-Valois (Oise). Un glissement de terrain survenu le 28 mars 2008 à la suite de fortes pluies a provoqué l'effondrement partiel du mur d'enceinte sud de leur propriété, formant mur de soutènement. A la suite de ce premier éboulement, le maire de Crépy-en-Valois a ordonné la pose de barrières de sécurité et défini un périmètre de sécurité sur le site, puis a sollicité la SARL Cabrema TP afin d'évacuer les gravats de l'éboulement et purger le mur effondré. L'arrachage par cette société, au cours de son intervention, du chaperon situé en surplomb du mur privatif de M. et Mme B... a provoqué un éboulement supplémentaire du mur de soutènement dont ils sont propriétaires et la démolition partielle du mur mitoyen les séparant de leurs voisins, les époux F.... Estimant que l'intervention de la société Cabrema TP avait entrainé un coût supplémentaire de reconstruction, les époux B... ont sollicité une expertise à laquelle il a été fait droit puis saisi le tribunal administratif d'Amiens d'une demande de condamnation de la commune à les indemniser des préjudices qu'ils estimaient avoir subis du fait du second éboulement du mur d'enceinte de leur propriété. Par un jugement n° 1700318 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la commune de Crépy-en-Valois à verser à M. et Mme B... la somme de 44 166,66 euros. La société Cabrema TP relève appel de ce jugement, en tant qu'il l'a condamnée à garantir intégralement la commune des condamnations prononcées contre elle et du coût de l'expertise.

Sur les conclusions d'appel principal de la société Cabrema TP :

2. Il résulte de l'instruction qu'à la suite du premier éboulement survenu le 28 mars 2008, par arrêté du même jour, le maire de Crépy-en-Valois, sur le fondement des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et à la demande des sapeurs-pompiers, afin d'assurer la sécurité des personnes et des biens, a chargé les services techniques communaux de poser des barrières de sécurité pour délimiter la zone dangereuse. Ne disposant pas des moyens matériels pour procéder à l'enlèvement des gravats et purger la zone, la commune a, dans l'urgence, sollicité la SARL Cabrema TP pour y procéder. Si cette demande n'a pas formellement fait l'objet d'un arrêté de réquisition, il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport du responsable des bâtiments et de celui du service départemental d'incendie et de secours que cette entreprise doit être regardée comme ayant été réquisitionnée par la mairie et, par suite, avait la qualité de collaborateur occasionnel du service public.

3. Il résulte du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens que la société Cabrema TP a procédé sans précaution à l'enlèvement de la poutrelle comportant une rambarde fixée sur le chaperon situé en partie supérieure du mur et qui se trouvait en suspension dans le vide, ce qui a entrainé un éboulement supplémentaire du mur de soutènement de M. et Mme B... ainsi qu'une partie du mur mitoyen avec leurs voisins. Si la commune invoque la faute que la société Cabrema TP a commise dans l'exécution de la prestation qu'elle lui avait confiée pour sécuriser la zone, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que la commune était liée à cette société par un contrat. Dès lors, la commune ne pouvait, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, qu'elle persiste à invoquer, appeler son collaborateur occasionnel en garantie pour les dommages dont M. et Mme B... demandaient réparation.

4. Il résulte de ce qui précède que la société Cabrema TP est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens, par le jugement attaqué, l'a condamnée à garantir la commune de Crépy-en-Valois des condamnations prononcées à son encontre.

Sur les conclusions d'appel provoqué de la commune de Crépy-en-Valois et de M. et Mme B... :

5. Les conclusions de la commune de Crépy-en-Valois tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement du tribunal administratif d'Amiens la condamnant à verser à M. et Mme B... la somme de 44 166,66 euros et, subsidiairement, contestant le montant de cette indemnisation, constituent un appel provoqué. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les conclusions de la requête de la société Cabrema TP sont accueillies, la situation de la commune se trouve aggravée et ses conclusions sont, par suite, recevables.

En ce qui concerne la régularité des opérations d'expertise :

6. Par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens du 26 avril 2012, M. C... G... a été désigné en qualité d'expert avec pour mission, notamment, de décrire les désordres affectant le mur de soutènement de la propriété des époux B... et le mur de rempart clôturant le jardin de la propriété des époux F..., de déterminer si les travaux qui avaient été réalisés sur ordre de la commune de Crépy-en-Valois étaient strictement nécessaires à la sécurisation des lieux et en particulier à la disparition du risque d'effondrement du mur et de la terre retenue et de déterminer les solutions qui pouvaient être envisagées pour remédier aux désordres et en chiffrer le coût. L'expert a rendu son rapport le 25 septembre 2012.

7. Si la commune se plaint de n'avoir pas été immédiatement destinataire de toutes les demandes adressées par l'expert aux autres parties, elle ne conteste pas avoir eu communication de ces échanges le 26 juillet 2012 et avoir disposé du temps nécessaire pour les discuter et présenter des dires avant le dépôt du rapport définitif. Elle n'établit pas qu'une pièce de nature à avoir influencé les réponses apportées par l'expert ne lui aurait pas été transmise et ainsi avoir été privée d'un débat contradictoire, ni que l'expert aurait manqué à ses obligations de neutralité dans la conduite des opérations d'expertise.

8. La cour disposant des éléments d'information nécessaires à la solution du litige, les conclusions de la commune de Crépy-en-Valois tendant à la réalisation d'une nouvelle expertise doivent dès lors être rejetées.

En ce qui concerne la responsabilité :

9. Il résulte de l'instruction que le dommage dont M. et Mme B... demandent réparation trouve sa cause dans le second effondrement survenu à la suite de l'intervention de la société Cabrema TP que la commune avait réquisitionnée pour évacuer les gravats et purger le mur leur appartenant à la suite du premier éboulement survenu dans la nuit du 27 au 28 mars 2008. Il n'est pas contesté que les travaux exécutés par la société Cabrema TP, ordonnés d'office par la commune, qui avaient pour objet de sécuriser la zone à la demande des sapeurs-pompiers, ont le caractère de travaux publics. M. et Mme B... qui en sont bénéficiaires sont, dès lors, dans une situation identique à celle de l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage et, bénéficiant d'un régime de présomption de faute de la part de la collectivité publique, il leur appartient seulement de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et ces travaux publics. S'agissant de la commune de Crépy-en-Valois, celle-ci est responsable des fautes commises par son collaborateur occasionnel.

10. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que la société Cabrema TP, qui a agi sur réquisition de la commune, n'a pas pris les précautions nécessaires pour procéder à l'enlèvement du chaperon et de sa rambarde et que sa méthode n'était pas conforme aux règles de l'art. L'expert conclut ainsi à une " faute professionnelle ". La commune, qui ne peut invoquer la fragilité de la partie du mur non effondrée initialement, est, par suite, responsable des dommages causés à M. et Mme B... qui sont la conséquence directe de la mauvaise réalisation des travaux de sécurisation effectués par son collaborateur occasionnel. Elle n'est dès lors pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif d'Amiens a retenu sa responsabilité à l'égard de M. et Mme B....

En ce qui concerne les préjudices :

11. Il résulte de l'instruction que pour estimer le coût des réparations permettant de remédier aux désordres, l'expert s'est fondé sur le montant du devis établi par l'entreprise Delcourt le 22 mai 2008, incluant les conséquences des deux éboulements successifs, à savoir la réfection du mur appartenant exclusivement aux époux B..., du mur mitoyen avec la propriété des époux F... et de la partie haute du mur d'enceinte appartenant à ces derniers, auquel il a ajouté le coût de la rambarde estimé par la société STB, soit un total de 90 000 euros TTC. Il a ensuite déduit le coût, évalué de manière fictive, des travaux de réfection des désordres causés par le premier éboulement, qui auraient de toute façon été requis sans l'intervention de la société Cabrema TP, représentant une surface d'environ 20 m² en ce compris la purge du côté de la propriété de M. et Mme F... par suite des fissures apparues après cet éboulement et celui de l'étaiement provisoire du chaperon situé sur le mur des époux B.... Il retient ainsi la somme de 63 250 euros au titre des travaux de réparation exclusivement liés au second éboulement, comprenant les travaux de réparation des dommages subis à la fois par les époux B... et les époux F....

12. La commune n'établit pas que la fragilité du mur d'enceinte de M. et Mme B... après le premier éboulement était telle que les travaux de reprise auraient dû conduire, en tout état de cause, à la réfection de la totalité du linéaire du mur d'enceinte. Pour contester l'évaluation des préjudices des consorts B..., elle se borne à se prévaloir du devis établi le 26 avril 2008 par la société STB pour un montant de seulement 6 927,66 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction que ce devis ne correspondait pas aux travaux requis par l'expert et conformes aux prescriptions de l'architecte des bâtiments de France pour remédier aux désordres. Dès lors, la commune ne démontre pas que le tribunal administratif d'Amiens aurait fait une évaluation excessive du préjudice matériel des époux B... en l'évaluant à la somme totale de 42 166,66 euros, représentant 60% du montant estimé par l'expert et comprenant le coût de réfection du mur d'enceinte et de la partie du mur mitoyen leur appartenant.

13. Les premiers juges ont par ailleurs fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence subis par les époux B..., résultant des tracas causés par les diverses démarches entreprises et des procédures qu'ils ont dû engager à la suite des travaux litigieux réalisés pour le compte de la commune, en leur allouant la somme de 2 000 euros.

14. La commune de Crépy-en-Valois n'est ainsi pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée à verser aux époux B... la somme totale de 44 166,66 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'effondrement du mur d'enceinte de leur propriété et du mur mitoyen de leur propriété avec celle des époux F....

15. Enfin, si M. et Mme B... sont recevables par voie de conclusions d'appel provoqué dirigées contre la commune de Crépy-en-Valois à contester le montant de l'indemnité qui leur a été allouée, il résulte de ce qui vient d'être exposé aux points 11 et 12 que le tribunal administratif n'a pas, en l'espèce, fait une évaluation insuffisante du montant des réparations imputables à l'intervention de la société Cabrema TP en le fixant à la somme totale de 63 250 euros retenue par l'expert. Il n'est pas davantage démontré que le tribunal aurait insuffisamment évalué leurs préjudices en leur allouant seulement 60 % de cette somme correspondant au prorata de la surface éboulée leur appartenant sur l'ensemble des travaux nécessaires retenus par l'expert.

16. M. et Mme B... persistent par ailleurs à demander l'indexation de l'indemnité due au titre des travaux de réfection du mur leur appartenant, sans faire état de circonstances de fait ou de droit qu'ils n'auraient déjà invoquées devant les premiers juges. Il y a lieu de rejeter ces conclusions par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a limité à 44 166,66 euros l'indemnité qu'il a condamné la commune de Crépy-en-Valois à leur verser en réparation des préjudices subis du fait de l'effondrement du mur d'enceinte de leur propriété et du mur mitoyen de leur propriété avec celle des époux F....

Sur les frais liés au litige :

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Crépy-en-Valois la somme que la société Cabrema TP demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu non plus de faire droit, dans les circonstances de l'espèce, aux conclusions de la commune de Crépy-en-Valois dirigées contre les époux B... ni aux conclusions de ces derniers dirigées contre la commune présentées au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1700318 du 19 novembre 2019 est annulé en tant que le tribunal administratif d'Amiens a condamné la société Cabrema TP à garantir intégralement la commune de Crépy-en-Valois des condamnations prononcées contre elle et du coût de l'expertise.

Article 2 : Les conclusions de la société Cabrema TP présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions d'appel provoqué de la commune de Crépy-en-Valois et des époux B... sont rejetées, ainsi que leurs demandes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cabrema TP, à la commune de Crépy-en-Valois et à M. et Mme B....

La République mande et ordonne à la préfète de l'Oise en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

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N°20DA00045


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