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18/01/2022 | FRANCE | N°19DA01128

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 18 janvier 2022, 19DA01128


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen :

- sous le n°1604012, d'annuler la décision du 19 octobre 2016 par laquelle le maire de la commune de Rosay a refusé de faire droit à sa demande présentée le 21 septembre 2016 de procéder au déplacement d'un ouvrage public ou à son enfouissement et de condamner la commune de Rosay à lui verser la somme de 50 420,09 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable et la capitalis

ation des intérêts, à titre de réparation de l'ensemble des préjudices qu'il a subis e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen :

- sous le n°1604012, d'annuler la décision du 19 octobre 2016 par laquelle le maire de la commune de Rosay a refusé de faire droit à sa demande présentée le 21 septembre 2016 de procéder au déplacement d'un ouvrage public ou à son enfouissement et de condamner la commune de Rosay à lui verser la somme de 50 420,09 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable et la capitalisation des intérêts, à titre de réparation de l'ensemble des préjudices qu'il a subis en raison de l'implantation d'une réserve d'eau à proximité de son habitation ;

- sous le n°1702238, d'annuler le permis de construire délivré le 7 juin 2017 par le maire de Rosay à la commune de Rosay pour la construction d'une réserve incendie sur la parcelle cadastrée AH 147 située chemin des Grands Mesnils sur le territoire de la commune ;

- sous le n°1703704, d'annuler le permis de construire implicite délivré le 28 décembre 2016 par le maire de Rosay à la commune de Rosay pour la construction d'une réserve incendie sur la parcelle cadastrée AH 147 située chemin des Grands Mesnils sur le territoire de la commune.

Par un jugement n°1604012-1702238-1703704 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de M. B... présentée sous le n°1702238 (article 1er), prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête n°1703704 (article 2), condamné la commune de Rosay à lui verser une somme de 2 420,09 euros en réparation du préjudice subi, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2016 (article 3) et a rejeté le surplus de sa requête n°1604012 (article 4).

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 mai 2019, 27 mars, 23 juin et 7 septembre 2020 et un mémoire récapitulatif enregistré le 26 avril 2021, M. B... représenté par Me Rodolphe Piret, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler le permis de construire accordé à la commune de Rosay le 7 juin 2017 pour la création d'une citerne souple, le permis tacite du 28 décembre 2016 et les permis de construire modificatifs des 31 janvier 2020 et 26 février 2021;

3°) d'enjoindre à la commune de Rosay de remplacer la citerne souple par une citerne enterrée ou à défaut, la déplacer au fond de la parcelle AH 147, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Rosay à lui verser la somme totale de 50 420,09 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter de son recours du 21 septembre 2016 ;

5°) de prononcer sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, la suppression des expressions " curieusement " et " très curieusement " figurant dans les mémoires de la commune de Rosay des 25 mars et 27 mars 2020, et " étonnamment " dans son mémoire du 8 juillet 2020 et de condamner la commune de Rosay à lui verser une somme complémentaire de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Rosay les entiers dépens et une somme de 15 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 juin 2019, les 25 et 27 mars 2020 et le 8 juillet 2020, et des mémoires récapitulatifs enregistrés les 13 juillet et 30 août 2021, la commune de Rosay représentée par Me Laurent Beuvin, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de M. B... ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 3 du jugement du 19 mars 2019 en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. B... la somme de 2 420,09 euros ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me Rodolphe Piret, représentant M. B....

Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 6 janvier 2022.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... B... est propriétaire d'une maison d'habitation située 5 chemin des Grands Mesnils, parcelle cadastrée AH01 130, sur le territoire de la commune de Rosay. Le 18 août 2016, la commune de Rosay a procédé à l'installation sur le terrain qui jouxte sa propriété, cadastré AH01 147, d'une réserve d'eau en bâche souple de 120 m3 pour la défense incendie du hameau du Grand Mesnil. Le 21 septembre 2016, M. B... a demandé au maire de Rosay de procéder au déplacement de cet ouvrage ou à son enfouissement et de l'indemniser des préjudices subis. Par une décision du 28 décembre 2016, un permis tacite a été accordé à la commune de Rosay pour l'installation de cette réserve d'eau. Un nouveau permis de construire a été demandé le 8 mars 2017, qui a été délivré par le maire le 7 juin suivant.

2. M. B... relève appel du jugement du 19 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 7 juin 2017 pour la construction de cette réserve incendie, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation du permis de construire tacite délivré le 28 décembre 2016 et a limité à 2 420,09 euros l'indemnité qu'il a condamné la commune de Rosay à lui verser en réparation du préjudice subi, qu'il demande de porter à 50 420,09 euros. Il demande en outre l'annulation du permis de construire modificatif délivré par le maire de Rosay le 31 janvier 2020 ayant pour objet la modification de l'implantation de la réserve incendie et la création d'un merlon, et celui du 26 février 2021 portant déplacement de l'ouvrage, remplacement du merlon par un muret, prolongement de la noue et déplacement et modification de la hauteur du portillon d'accès.

Sur les conclusions en annulation des permis de construire :

En ce qui concerne le permis de construire délivré le 7 juin 2017 :

3. S'agissant du permis de construire délivré le 7 juin 2017, il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 4 novembre 2016, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire et a été transmise au contrôle de légalité, le conseil municipal de Rosay a habilité son maire à signer une demande de permis de construire pour la construction de la réserve incendie en bâche souple de 120 m3 au hameau des Grands Mesnils sur la parcelle cadastrée section AH 147. Si M. B... soutient que lors de cette réunion à laquelle il a pu assister, le conseil municipal n'a pas autorisé le maire à déposer une demande de permis de construire au nom de la commune et que cette délibération est un faux, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ces allégations.

4. Ensuite, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

5. M. B... reprend le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande de permis de construire déposé par la commune de Rosay, sans toutefois apporter d'éléments de fait ou de droit nouveau par rapport à son argumentation de première instance. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal administratif de Rouen.

6. Aux termes de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme : " A moins que le bâtiment à construire ne jouxte la limite parcellaire, la distance comptée horizontalement de tout point de ce bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à trois mètres. " Aux termes de l'article R. 111-18 du même code : " Lorsque, par son gabarit ou son implantation, un immeuble bâti existant n'est pas conforme aux prescriptions de l'article R. 111-17, le permis de construire ne peut être accordé que pour des travaux qui ont pour objet d'améliorer la conformité de l'implantation ou du gabarit de cet immeuble avec ces prescriptions, ou pour des travaux qui sont sans effet sur l'implantation ou le gabarit de l'immeuble. " et aux termes de l'article R. 111-19 : " Des dérogations aux règles édictées aux articles R. 111-15 à R. 111-18 peuvent être accordées par décision motivée de l'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3, après avis du maire de la commune lorsque celui-ci n'est pas l'autorité compétente. "

7. L'ouvrage en litige consiste en l'installation d'une bâche souple contenant une réserve d'eau de 120 m3 sur la parcelle cadastrée section AH 147 voisine de celle de M. B.... Bien que ce projet représente une emprise au sol de près de 100 m² sur une hauteur d'1,60 m, il ne constitue pas, compte tenu de ses caractéristiques, un bâtiment ou une construction au sens des dispositions précitées des articles R. 111-17 et R. 111-18 du code de l'urbanisme. Il suit de là que M. B... ne peut utilement soutenir que les règles de prospect posées par ces dispositions, par rapport aux voies publiques et aux limites parcellaires, ont été méconnues et qu'une dérogation motivée était nécessaire pour implanter cette citerne à moins de 3 mètres de la limite de sa propriété.

8. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier et notamment des constats d'huissier produits par M. B... que la réserve d'eau en litige, destinée à défendre le hameau des Grands Mesnils contre l'incendie, est implantée sur un terrain en surplomb de 21 cm de la propriété du requérant, à une distance de moins de 12 m A... la descente de son garage où se trouvent le compteur électrique et le câble d'alimentation ainsi que diverses prises et câbles électriques, il n'est pas établi qu'elle représenterait un danger pour les résidents de cette habitation située à proximité. En particulier, à supposer que malgré les mesures de protection prises par la commune, un acte de vandalisme vienne à percer la bâche, et à supposer que cette crevaison se situe en partie basse et du côté de la parcelle de M. B..., le risque de submersion du sous-sol de sa maison n'apparaît pas avéré alors en outre qu'un terrain enherbé sur plusieurs mètres sépare l'ouvrage de cette habitation et que des permis de construire modificatifs délivrés par la suite ont eu pour objet de garantir l'évacuation de l'eau vers l'arrière du terrain avec la création d'un obstacle supplémentaire séparant la parcelle du requérant de celle de la commune. Il suit de là que le projet n'apparait pas de nature à porter atteinte à la sécurité publique. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 7 juin 2017 par le maire de Rosay à la commune pour la construction d'une réserve incendie sur la parcelle cadastrée AH 147 située chemin des Grands Mesnils sur le territoire communal.

En ce qui concerne le permis de construire tacite du 28 décembre 2016 :

10. La délivrance à la commune de Rosay, le 7 juin 2017, d'un permis de construire portant sur le même terrain que celui sur lequel avait été autorisée tacitement l'installation de la réserve d'eau le 28 décembre 2016, a implicitement mais nécessairement eu pour effet de rapporter le permis de construire accordé tacitement le 28 décembre 2016. Dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, il y a lieu de rejeter les conclusions dirigées contre cet arrêté du 7 juin 2017, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué ayant prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre le permis tacite du 28 décembre 2016.

En ce qui concerne les permis de construire modificatifs :

11. Aux termes de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance. ".

12. A la suite d'une dégradation de la réserve d'eau, et devant la nécessité de réinstaller la bâche, la commune a déposé le 13 décembre 2019 une demande de permis de construire modificatif ayant pour objet la modification de l'implantation de la réserve incendie, décalée de 1 mètre vers le Nord-Est et la création d'un merlon vers la limite séparative Sud Est, c'est-à-dire entre la parcelle communale et celle du requérant, afin notamment de garantir l'évacuation de l'eau vers l'arrière du terrain. Cette demande a donné lieu le 31 janvier 2020 à la délivrance d'un premier permis de construire modificatif. Le 7 décembre 2020, la commune de Rosay a déposé une seconde demande de permis de construire modificatif, complétée le 17 décembre 2020, portant sur le déplacement de la réserve incendie, le remplacement du merlon prévu par un muret, le prolongement de la noue et le déplacement et la modification de la hauteur du portillon d'accès. Par un arrêté du 26 février 2021, le maire a accordé le permis de construire sollicité sous réserve d'un dimensionnement suffisant de la noue drainante pour gérer les eaux du projet et celles de la voirie. M. B... conteste la légalité de ces permis de construire modificatifs délivrés les 31 janvier 2020 et 26 février 2021 à la commune de Rosay.

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-21 du même code : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal (...) ". Et aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux. (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que le maire d'une commune ne peut solliciter, au nom de cette dernière, un permis de construire sur un terrain appartenant à celle-ci, qui constitue un acte de disposition et non de simple administration d'une propriété de la collectivité, sans y avoir été expressément autorisé par son conseil municipal.

14. Il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 11 septembre 2020 transmise en préfecture le 17 septembre 2020, le conseil municipal de la commune de Rosay a autorisé le maire à signer le dépôt d'un permis de construire modificatif. Par suite, le moyen tiré du défaut d'habilitation du maire manque en fait.

15. En deuxième lieu, la commune justifie que le formulaire instruit par le service de l'application du droit des sols du pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Bray (PETR) a été signé par Mme C... D... et non par son ancien maire et qu'il comportait le cachet de l'architecte ayant établi le dossier de permis de construire. Les moyens tirés d'un vice sur l'identité du demandeur et de la méconnaissance de l'article R. 431-1 du code de l'urbanisme relatif au recours à un architecte doivent dès lors être écartés.

16. En troisième lieu, M. B... invoque également le caractère incomplet du dossier de demande de permis modificatif. S'il n'est pas contesté que le dossier composé d'une notice explicative décrivant l'objet du projet modificatif, un plan de masse côté et des plans de coupe et d'élévation ainsi qu'un document photographique d'intégration sur site, ne comportait aucune autre précision relative à l'insertion du projet dans son environnement, à la végétation et au bâti existant, il ressort des pièces du dossier que figurent sur les différents plans la distance de 3,20 m entre la bâche et la limite de propriété du fonds appartenant à M. B..., la nature des matériaux, leurs couleurs et les dimensions de la réserve, du muret et de la clôture ainsi que la plantation d'une haie de charmille. Ces éléments permettent de visualiser l'implantation de l'ouvrage et d'apprécier, avec la simulation sur le document graphique, la manière dont il s'insère globalement dans son environnement. L'autorité administrative a ainsi été mise en mesure d'émettre une appréciation en connaissance de cause. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence d'indication de ce que la réserve d'eau avait déjà été installée, a été de nature à induire en erreur le service instructeur sur cette insertion du projet dans son environnement et sa conformité à la réglementation. Par ailleurs, la circonstance que le dossier de demande ne mentionnait pas les modalités selon lesquelles la citerne serait alimentée en eau est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors que cet élément ne figure pas au nombre de ceux qui doivent être mentionnés en application des articles précités dans le cadre d'un dossier de demande de permis de construire modificatif. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 431-8, R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme doivent être écartés.

17. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 8, en l'absence de risque résultant de l'implantation de la citerne souple mise en place par la commune sur la parcelle AH 147 et alors en outre que le projet modificatif vise à créer un muret de blocs de béton préfabriqués en forme de Lego d'une hauteur totale d'1,20 m et de 60 cm de large entre la citerne et la propriété de M. B... et de prolonger la noue destinée à recueillir l'eau en cas de percement de la bâche, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en vertu duquel " le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations" ne peut qu'être écarté.

18. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du permis de construire modificatif délivré à la commune le 26 février 2021.

19. La délivrance à la commune de Rosay, le 26 février 2021, d'un permis de construire modificatif portant sur le même terrain que celui sur lequel avait été autorisé le déplacement de la réserve d'eau et la création d'un merlon par le permis de construire modificatif du 31 janvier 2020 et visant notamment à remplacer ce merlon par un muret, a implicitement mais nécessairement eu pour effet de rapporter ce permis du 31 janvier 2020. Dès lors, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre le permis de construire modificatif du 31 janvier 2020.

20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation du permis de construire accordé à la commune de Rosay le 7 juin 2017 pour la création d'une citerne souple et a prononcé un non-lieu sur ses conclusions tendant à l'annulation du permis tacite du 28 décembre 2016. Il n'est pas davantage fondé à solliciter l'annulation du permis de construire modificatif du 26 février 2021 et ses conclusions tendant à l'annulation de celui du 31 janvier 2020 sont devenues sans objet.

Sur les conclusions tendant au déplacement de l'ouvrage ou son remplacement par une citerne enterrée :

21. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonné le déplacement ou la démolition d'un ouvrage publique dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès le déplacement ou la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

22. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que la réserve incendie n'a pas été installée en vertu d'une autorisation de construire illégale ni implantée irrégulièrement. Dès lors, les conclusions présentées par M. B... tendant au déplacement de l'ouvrage ou à son enterrement ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

23. Si M. B... soutient que la réserve d'eau devait initialement être une citerne enterrée, il ne résulte pas de l'instruction que la commune lui aurait donné cette assurance et promis la mise en place d'une citerne enterrée, le requérant ne produisant aucune pièce permettant de justifier de l'existence d'une tel engagement. Sa demande indemnitaire fondée sur la méconnaissance de cet engagement ne peut dès lors qu'être rejetée.

24. Il résulte par ailleurs de ce qui a été dit plus haut que l'installation de cette réserve d'eau incendie à proximité de l'habitation de M. B... ne constitue pas un danger pour la sécurité publique.

25. Enfin, le maître d'un ouvrage public est responsable, même en l'absence de faute, des dommages causés aux tiers à raison de l'existence ou du fonctionnement de cet ouvrage dès lors que, le lien de causalité entre le trouble allégué et l'existence ou le fonctionnement de l'ouvrage étant au préalable établi, le préjudice subi excède les inconvénients que doivent normalement supporter dans l'intérêt général les propriétaires de fonds voisins de cet ouvrage et qu'il présente un caractère spécial. Saisi de conclusions indemnitaires en ce sens, il appartient au juge du plein contentieux de porter une appréciation globale sur l'ensemble des chefs de préjudice allégués, aux fins de caractériser l'existence ou non d'un dommage revêtant, pris dans son ensemble, un caractère anormal et spécial, en lien avec l'existence ou le fonctionnement de l'ouvrage public en cause.

26. Si M. B..., qui est propriétaire d'une maison de caractère à proximité immédiate de la réserve incendie, tiers à cet ouvrage, invoque une perte de valeur vénale de son bien du fait de son impact visuel, il se borne à produire un seul avis établi par une agence immobilière qui a estimé son bien et qui ne permet pas de justifier de la réalité d'un tel préjudice, ni de son ampleur. Il résulte par ailleurs de ce qui a été dit précédemment que la mise en danger n'est pas établie, le risque d'inondation et d'électrocution allégués présentant un caractère très hypothétique. Il en est de même, dès lors, du préjudice moral que le requérant invoque résultant de la crainte que le contenu de la réserve se déverse dans le sous-sol de son habitation et inonde sa propriété.

27. Si en revanche, cet ouvrage non enterré, d'aspect massif, constitué d'une bâche souple de couleur verte d'une emprise hors sol d'environ 100 m², clôturée par un treillis métallique vert foncé avec portillon d'une hauteur d'1,60 m, installée sur une prairie, modifie le paysage de caractère campagnard environnant la maison de M. B..., la gêne visuelle alléguée, eu égard à l'implantation de l'ouvrage, apparait modérée alors en outre qu'il résulte de l'instruction que la commune a proposé des mesures pour en réduire les effets dommageables et notamment en diminuer l'impact visuel en installant autour un brise-vue végétal et une charmille bocagère.

28. Il suit de là qu'appréciés globalement, les préjudices invoqués par M. B... soit n'apparaissent pas établis, soit n'excèdent pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains d'un ouvrage public. Il convient donc d'infirmer le jugement du 19 mars 2019 en ce qu'il a condamné la commune de Rosay à verser à M. B... une somme de 2 420,09 euros en réparation du préjudice subi, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2016 et de la capitalisation des intérêts.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

29. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs peuvent, dans les causes dont ils sont saisis, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires. Toutefois, les passages dont la suppression est demandée par M. B... n'excèdent pas le droit à la libre discussion et ne présentent pas un caractère diffamatoire. Les conclusions tendant à leur suppression doivent par suite être rejetées. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions en dommages-intérêts formulées au titre de l'article L. 741-2.

Sur les frais liés à l'instance :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Rosay, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B... à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelant la somme demandée par l'intimée, au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation du permis de construire modificatif délivré par le maire au nom de la commune de Rosay le 31 janvier 2020 ayant pour objet la modification de l'implantation de la réserve incendie et la création d'un merlon.

Article 2 : L'article 3 du jugement du 19 mars 2019 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 3 : La requête d'appel de M. B... et le surplus des conclusions de la commune de Rosay sont rejetés.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. B... et à la commune de Rosay.

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

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N° 19DA01128


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