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07/12/2021 | FRANCE | N°20DA01997

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 07 décembre 2021, 20DA01997


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 août 2016 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " valable un an ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation pro

visoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 août 2016 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " valable un an ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de cent euros par jours de retard.

Par un jugement n° 1700194 du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18DA02128 du 7 mai 2019, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement.

Par une décision n° 435097 du 18 décembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 7 mai 2019 de la cour administrative d'appel de Douai, a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Douai et a mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de M. C..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2018, M. B... C..., représenté par Me Cécile Madeline, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 avril 2018 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2016 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, valable un an et portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., né le 7 octobre 1982 à Mostaganem (Algérie), de nationalité algérienne, est entré en France en 2008 selon ses déclarations. Par deux arrêtés successifs du préfet des Bouches du Rhône, en date du 29 janvier 2010, et du préfet de la Charente, en date du 17 décembre 2010, sa reconduite à la frontière a été ordonnée. Un jugement du tribunal correctionnel du 18 janvier 2011 a prononcé à son encontre, sous l'identité de Abdallah Benarfa, une interdiction de retour sur le territoire français d'une année, à la suite duquel, par un arrêté du 13 février 2011, le préfet de la Haute-Garonne a ordonné sa reconduite à la frontière. Par deux arrêtés du 11 mars 2011 et du 25 mai 2014, le préfet de la Seine-Maritime a de nouveau ordonné la reconduite à la frontière de l'intéressé. Aucune de ces mesures n'a été exécutée. Entre-temps, M. C... a été incarcéré pour exécuter la peine d'un mois d'emprisonnement ferme prononcée par le jugement, susmentionné, du tribunal correctionnel de Toulouse du 18 janvier 2011. Suite à la libération de M. C..., la préfète de la Seine-Maritime a été saisie d'une réquisition du procureur de la République du tribunal de grande instance de Toulouse aux fins de mise en œuvre d'une deuxième peine complémentaire d'interdiction du territoire français pendant deux ans prononcée à l'encontre de l'intéressé par un jugement du tribunal correctionnel de Toulouse du 11 mars 2013, rendu par défaut et signifié à personne le 21 juin 2013. Plus de deux années plus tard, le 9 octobre 2015, M. C... a demandé au préfet de la Seine-Maritime la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, en sa qualité de parent d'un enfant français, Karim A..., né le 9 juin 2015, dont la mère, Mme A..., est de nationalité française. Par un arrêté du 5 août 2016, la préfète de la Seine-Maritime a refusé l'admission au séjour de M. C..., en raison de l'interdiction judiciaire du territoire prononcée à son encontre le 11 mars 2013 et aux motifs qu'il ne démontrait pas contribuer aux besoins de son enfant et qu'il représentait une menace pour l'ordre public. Par lettre du 29 septembre 2016, M. C... a formé à l'encontre de cette décision, un recours gracieux qui a été implicitement rejeté par la préfète de la Seine-Maritime.

2. Par un jugement du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 7 mai 2019, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement. Le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi de M. C..., a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai et a renvoyé l'affaire à la même cour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que pour refuser d'admettre M. C... au séjour en sa qualité de parent d'un enfant français, la préfète de la Seine-Maritime a notamment visé les stipulations du 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, fondement de la demande de titre de séjour présentée par M. C..., et les circonstances que si celui-ci fait valoir être le père d'un enfant français né le 9 juin 2015, qu'il a reconnu le 6 juillet 2015, il n'apporte pas la preuve qu'il subviendrait aux besoins de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins un an, outre le fait qu'il représente une menace pour l'ordre public. Ainsi, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle et administrative de M. C..., la décision portant refus de titre de séjour est suffisamment motivée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, la seule circonstance que la préfète de la Seine-Maritime a implicitement rejeté le recours gracieux de M. C... formé à l'encontre l'arrêté du 5 août 2016 alors que celui-ci, aux termes de ce recours, a porté à sa connaissance le fait que Mme A... était malade, n'est pas de nature à révéler un défaut d'examen particulier de la situation de M. C... au regard de sa demande de titre de séjour présentée en qualité de parent d'enfant français. Ce moyen doit donc être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 4. au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ; / (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier et en particulier de l'acte de naissance D... A..., qui suivant déclaration conjointe faite le 10 juillet 2015 par ses deux parents porte désormais le nom de A... C..., que M. C... n'a reconnu son enfant devant l'officier d'état civil de la commune de Rouen que le 6 juillet 2015, soit vingt-sept jours après sa naissance, alors qu'il n'est nullement établi qu'une décision judiciaire ordonnant la rectification de cet acte de naissance pour prendre en compte une reconnaissance prénatale de l'enfant par M. C..., serait intervenue. Dans ces conditions, c'est sans erreur de fait que la préfète de la Seine-Maritime a relevé que l'intéressé avait reconnu l'enfant postérieurement à sa naissance et qu'ainsi, pour que soit délivré à M. C... le titre de séjour sollicité par celui-ci sur le fondement du 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, la condition qu'il subvienne aux besoins de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins un an devait être remplie. A cet égard, les quelques photographies produites au dossier et tickets de caisse d'achats de denrées alimentaires et articles de puériculture en supermarché, non nominatifs, ne sauraient tenir lieu de justificatifs d'une telle contribution de M. C... aux besoins de l'enfant alors qu'à la date à laquelle celui-ci reconnaissait Karim, en juillet 2015, il déclarait une adresse distincte de celle de Mme A... et qu'aucune pièce du dossier ne vient établir qu'il résidait avec Mme A... et son enfant auparavant. Il suit de là que c'est sans commettre d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation, que la préfète de la Seine-Maritime a refusé à M. C... l'admission au séjour en qualité de parent d'enfant français sur le fondement du 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

7. En quatrième lieu, s'il résulte des dispositions de l'article 131-30 du code pénal, dans sa rédaction applicable au litige, et de l'article 708 du code de procédure pénale, que le motif tiré de ce que la préfète de la Seine-Maritime était tenue de refuser à M. C... le titre de séjour sollicité en raison de l'opposabilité de la peine complémentaire d'interdiction du territoire français prononcée par le tribunal correctionnel de Toulouse le 11 mars 2013, est entaché d'une erreur de droit, il résulte de la motivation de l'arrêté contesté que la préfète aurait pris la même décision de refus de séjour si elle s'était seulement fondée sur l'absence de justification de ce que M. C... subvenait aux besoins de son enfant depuis sa naissance ou depuis au moins un an.

8. En cinquième lieu, ni les stipulations de l'article 6 de l'accord-franco-algérien du 27 décembre 1968, ni aucune des autres stipulations de cet accord ne prive l'autorité préfectorale du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour d'un ressortissant algérien en se fondant sur la circonstance que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

9. Pour refuser le séjour à M. C..., la préfète de la Seine-Maritime s'est aussi fondée sur le motif tiré de ce que l'intéressé constituait, à la date de l'arrêté attaqué, une menace pour l'ordre public du fait de la nature et de la gravité des agissements de ce dernier ayant donné lieu aux décisions judicaires prononcées à son encontre. Toutefois, dans la mesure où l'ensemble des infractions pour lesquelles il a été condamné portent sur des faits de séjour irrégulier, d'infractions à la législation sur les stupéfiants ou de vol en réunion qui ont tous été commises entre janvier 2010 et avril 2011, soit plus de cinq ans avant l'édiction de l'arrêté attaqué, ce motif doit être regardé comme entaché d'une erreur d'appréciation. Néanmoins, il ressort des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime aurait pris la même décision de refus de séjour si elle s'était seulement fondée sur l'absence de justification de ce que M. C... subvenait aux besoins de son enfant depuis sa naissance ou depuis au moins un an.

10. En dernier lieu, si M. C... se prévaut de ce qu'il est père d'un enfant français né en juin 2015, il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt qu'il n'établit pas contribuer à l'entretien et l'éducation de cet enfant depuis sa naissance ou depuis au moins un an à la date de l'arrêté contesté, et qu'il ne justifie pas davantage de l'ancienneté et la stabilité de sa relation avec la mère de ce dernier. En outre, M. C... s'est soustrait à plusieurs mesures de reconduite à la frontière depuis son entrée sur le territoire français et a été condamné à quatre reprises, à des peines d'emprisonnement délictuels pour des faits de vol, d'infractions à la législation sur les stupéfiants et sur le séjour des étrangers. Par ailleurs, il ne justifie pas d'une réelle insertion socioprofessionnelle sur le territoire français. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et à Me Cécile Madeline.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

5

N°20DA01997


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01997
Date de la décision : 07/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Chauvin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-12-07;20da01997 ?
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