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07/12/2021 | FRANCE | N°20DA00408

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 07 décembre 2021, 20DA00408


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes distinctes, M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler la décision implicite du 14 mai 2017 par laquelle le maire de Chamant a refusé de les exonérer de la contribution mentionnée à l'article L. 1331-8 du code de la santé publique et des intérêts afférents, et de les décharger de l'obligation de payer la somme de 7 001,32 euros mise à leur charge sur ce fondement, d'autre part, d'annuler la décision implicite du 20 novembre 2017

par laquelle le maire de Chamant a refusé de faire procéder aux travaux né...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes distinctes, M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler la décision implicite du 14 mai 2017 par laquelle le maire de Chamant a refusé de les exonérer de la contribution mentionnée à l'article L. 1331-8 du code de la santé publique et des intérêts afférents, et de les décharger de l'obligation de payer la somme de 7 001,32 euros mise à leur charge sur ce fondement, d'autre part, d'annuler la décision implicite du 20 novembre 2017 par laquelle le maire de Chamant a refusé de faire procéder aux travaux nécessaires au raccordement de leur immeuble au réseau public d'assainissement et de leur rembourser les frais d'expertise qu'ils ont été contraints d'engager pour faire constater l'impossibilité technique de raccordement au réseau à hauteur de la somme de 1 758,72 euros, d'enjoindre à la commune de Chamant de faire procéder au raccordement de leur immeuble au réseau public d'assainissement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir et de leur rembourser les frais d'expertise qu'ils ont été contraints d'engager pour faire constater l'impossibilité technique de raccordement au réseau à hauteur de la somme de 1 758,72 euros.

Par un jugement n° 1702633, 1801493 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes et mis à la charge définitive de M. et Mme C... les frais d'expertise ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 6 mars et 17 juin 2020, M. A... C... et Mme B... C..., représentés par Me Xavier Boissy, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite du 14 mai 2017 par laquelle le maire de Chamant a refusé de les exonérer de la contribution mentionnée à l'article L. 1331-8 du code de la santé publique et des intérêts afférents ;

3°) de les décharger de l'obligation de payer la somme de 7 001,32 euros mise à leur charge sur ce fondement ;

4°) d'annuler la décision implicite du 20 novembre 2017 par laquelle le maire de Chamant a refusé de faire procéder aux travaux nécessaires au raccordement de leur immeuble au réseau public d'assainissement et de leur rembourser les frais d'expertise qu'ils ont été contraints d'engager pour faire constater l'impossibilité technique de raccordement au réseau à hauteur de la somme de 1 758,72 euros ;

5°) d'enjoindre à la commune de Chamant de faire procéder au raccordement de leur immeuble au réseau public d'assainissement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

6°) de condamner la commune de Chamant à leur rembourser les frais d'expertise qu'ils ont été contraints d'engager pour faire constater l'impossibilité technique de raccordement au réseau à hauteur de la somme de 1 758,72 euros ;

7°) de mettre à la charge de la commune de Chamant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère ;

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public ;

- et les observations de Me Xavier Pérès, pour M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... sont propriétaires d'un terrain sis 19 avenue Foch à Chamant (Oise), sur lequel sont construits deux immeubles à usage d'habitation, dotés initialement d'une installation d'assainissement autonome. Au cours de l'année 2003, la commune de Chamant s'est dotée d'un réseau d'assainissement collectif, pour lequel elle a conclu un contrat d'affermage du service public d'assainissement avec la société d'aménagement urbain et rural, qui s'est vu déléguer l'exploitation de ce service, ne comprenant toutefois pas l'exécution des branchements communaux qui a été maintenue dans les compétences de la commune. Le 9 octobre 2008, la commune de Chamant a rappelé à ses administrés l'obligation de se raccorder au réseau public de collecte des eaux usées ainsi mis en service. M. et Mme C..., qui n'ont pas fait exécuter ces travaux de raccordement sur l'un de leurs deux immeubles, se sont vu réclamer par la société d'aménagement urbain et rural le paiement d'une somme de 4 109,90 euros, correspondant à la redevance prévue à l'article L. 1331-8 du code de la santé publique, portée au montant de 7 001,32 euros, intérêts compris, suivant une lettre de rappel du 22 février 2017. Saisi d'une demande d'expertise de M. et Mme C..., le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a, par une ordonnance du 5 août 2014, désigné M. D... comme expert, avec pour mission de dire s'il est possible de procéder au raccordement de l'immeuble sis 19 avenue Foch à Chamant au dispositif de collecte des eaux usées, eu égard à la localisation des canalisations et ce, au sens de l'article 1er de l'arrêté du 19 juillet 1960 relatif aux raccordements des immeubles aux égouts modifié par l'arrêté du 28 février 1986 et, le cas échéant, d'indiquer les motifs d'impossibilité du raccordement. L'expert a déposé son rapport au greffe le 10 septembre 2014, qui conclut à l'impossibilité de procéder au raccordement dans la mesure où le radier de la boite de branchement est au même niveau que la sortie des eaux usées. Par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue le 18 mars 2017, M. et Mme C... ont demandé à la commune de Chamant la décharge de l'obligation de payer la somme mise à leur charge et les intérêts y afférents puis, par lettre du 14 septembre 2017 reçue le 19 septembre suivant, ont demandé au maire de Chamant de procéder, sous quinzaine, aux travaux de réfection nécessaires au raccordement de leur immeuble et de leur rembourser le coût de l'expertise qui avait été mis à leur charge. Ces deux demandes ont été implicitement rejetées. Par un jugement du 17 décembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les demandes de M. et Mme C... tendant à l'annulation de ces deux décisions, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Chamant de faire procéder aux travaux nécessaires au raccordement de leur immeuble au réseau public d'assainissement et de leur rembourser les frais d'expertise et à la décharge de l'obligation de payer la contribution réclamée par la société d'aménagement urbain et rural. M. et Mme C... relèvent appel de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins de décharge de l'obligation de payer la contribution prévue à l'article L. 1338-1 du code de la santé publique :

2. Aux termes de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique : " Le raccordement des immeubles aux égouts disposés pour recevoir les eaux usées domestiques et établis sous la voie publique à laquelle ces immeubles ont accès (...) est obligatoire dans le délai de deux ans à compter de la mise en service de l'égout (...) ". En vertu de l'article L. 1331-4 du même code : " Les ouvrages nécessaires pour amener les eaux usées à la partie publique du branchement sont à la charge exclusive des propriétaires et doivent être réalisés dans les conditions fixées à l'article L. 1331-1. La commune contrôle la conformité des installations correspondantes ". Aux termes de l'article L. 1331-8 du même code : " Tant que le propriétaire ne s'est pas conformé aux obligations prévues aux articles L. 1331-1 à L. 1331-7, il est astreint au paiement d'une somme au moins équivalente à la redevance qu'il aurait payée au service public d'assainissement si son immeuble avait été raccordé au réseau (...) ".

3. Le paiement ainsi prévu par l'article L. 1331-8 du code de la santé publique a le caractère d'une contribution imposée dans l'intérêt de la salubrité publique à quiconque ayant la possibilité de relier son immeuble à un tel réseau, néglige de le faire. Cette contribution, dont le tarif est fonction du montant de la redevance d'assainissement fixée par l'organe délibérant de la collectivité territoriale chargée du service de l'assainissement en vertu des articles L. 2224-12 et R. 2333-121 et suivants du code général des collectivités territoriales et dont le produit est perçu par cette collectivité, constitue un impôt local au sens de l'article R. 811-1 du code de justice administrative selon lequel : " Le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) / 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ; / (...) ". Il s'ensuit que le tribunal administratif d'Amiens a statué en premier et dernier ressort sur le litige relatif à la contribution prévue à l'article L. 1331-8 du code de la santé publique dont M. et Mme C... demandaient à être déchargés de l'obligation de paiement. La cour administrative d'appel n'est donc pas compétente pour statuer sur les conclusions dirigées contre la partie du jugement relative à cette contribution, qui revêtent le caractère d'un pourvoi en cassation relevant de la compétence du Conseil d'Etat. Il y a lieu, dans cette mesure, de transmettre au Conseil d'Etat ces conclusions en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur de l'affaire et par le greffier d'audience. En conséquence, le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier, faute de comporter les signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative, manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. La décision implicite du 20 novembre 2017 par laquelle le maire de Chamant a refusé de faire procéder aux travaux nécessaires au raccordement de l'immeuble de M. et Mme C... au réseau public d'assainissement et de leur rembourser les frais d'expertise qu'ils ont été contraints d'engager pour faire constater l'impossibilité technique de raccordement de leur immeuble au réseau public d'assainissement a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de M. et Mme C..., qui a le caractère d'un recours de plein contentieux.

7. Même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage et, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.

8. M. et Mme C... font valoir que la responsabilité de la commune de Chamant est engagée en raison du vice de conception de la boîte de raccordement dont le radier, implanté à la même altimétrie que la sortie des eaux usées de leur maison d'habitation, ferait obstacle au raccordement de cet immeuble au réseau public d'assainissement, les exposant ainsi à des coûts exorbitants pour procéder à ce raccordement. Ils se fondent à cet égard sur les conclusions de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens selon lesquelles les boîtes de branchement de chacun des deux immeubles appartenant aux requérants ont été installées à la même profondeur, sans tenir compte de l'éloignement de l'habitation principale qui impliquait une implantation " beaucoup plus profonde pour reprendre les eaux usées ". Toutefois, il résulte de l'instruction, et, notamment, des pièces produites par la commune, en particulier des études préalables à la réalisation du réseau public d'assainissement, que, pour les deux immeubles situés sur le terrain appartenant à M. et Mme C..., deux profondeurs similaires ont été adoptées pour les boîtes de branchement, avec une pente pour la canalisation de 1 %, devant permettre le raccordement au réseau public. En définitive, chacune des deux boîtes de branchement a été implantée avec une profondeur de 1,64 mètre, soit 14 centimètres de plus que ce qui était prévu par l'étude, ce qui devait permettre sans difficulté le raccordement au réseau public d'assainissement et l'écoulement des eaux usées, y compris pour l'habitation la plus éloignée de la voie publique. Le lien de causalité entre les travaux en litige, tels qu'ils ont été réalisés par la commune de Chamant, et l'impossibilité de raccorder les eaux usées de la maison d'habitation de M. et Mme C... au réseau public d'assainissement n'est donc pas établi, d'autant que la commune de Chamant fait valoir que M. et Mme C... ont fait procéder à des travaux, au demeurant non autorisés, dans le sous-sol de cette maison d'habitation ayant transformé l'emplacement initialement prévu comme vide sanitaire en garage, avec une pente et une porte d'accès, ce qui est susceptible d'avoir eu une incidence sur le différentiel d'altimétrie entre la sortie des eaux usées et la boîte de branchement, à l'origine des difficultés actuelles de raccordement au réseau public d'assainissement. La responsabilité de la commune de Chamant, en qualité de maître de l'ouvrage, n'est donc pas engagée sur ce fondement à l'égard de M. et Mme C....

9. M. et Mme C... soutiennent, pour la première fois en appel, que la responsabilité de la commune de Chamant est engagée en raison de la carence fautive de son maire à exercer ses pouvoirs de police de la salubrité publique. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le maire de cette commune n'aurait pas pris toutes les mesures nécessaires à la mise en service du réseau public d'assainissement sur le territoire communal, ni que le refus de procéder aux travaux de raccordement de la maison des époux C... serait constitutif d'une faute. La responsabilité de la commune de Chamant n'est donc pas davantage engagée sur ce fondement.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à ce que la commune de Chamant procède au raccordement de leur immeuble au réseau public d'assainissement et leur rembourse les frais d'expertise qu'ils ont été contraints d'engager pour faire constater l'impossibilité technique de raccordement au réseau à hauteur de la somme de 1 758,72 euros.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Chamant, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. et Mme C..., au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme demandée par la commune, au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de M. et Mme C... dirigées contre le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 17 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la contribution mentionnée à l'article L. 1331-8 du code de la santé publique sont transmises au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C... et les conclusions présentées par la commune de Chamant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et Mme B... C... et à la commune de Chamant.

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N°20DA00408


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00408
Date de la décision : 07/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-03-05 Collectivités territoriales. - Commune. - Attributions. - Services communaux. - Assainissement et eaux usées.


Composition du Tribunal
Président : Mme Chauvin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : BOISSY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-12-07;20da00408 ?
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