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09/11/2021 | FRANCE | N°21DA00620

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 09 novembre 2021, 21DA00620


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 e

uros par jour de retard ou, à défaut, de lui délivrer, durant le réexamen de sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui délivrer, durant le réexamen de sa situation, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter du jugement à intervenir sous la même astreinte et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2002601 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 mars et 4 octobre 2021, Mme B..., représentée par Me Cécile Madeline, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire, valable un an, portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui délivrer, durant le réexamen de sa situation, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au profit de la Selarl " Eden avocats ", sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., née le 23 mars 1964 à Brazzaville (République du Congo), de nationalité congolaise, déclare être entrée en France en mars 2016. Elle s'est vue délivrer le 9 août 2018 une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", valable un an, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 28 juin 2019, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 3 mars 2020, le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination. Par un jugement du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme B... sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, cet arrêté, après avoir visé les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, précise les éléments retenus par le préfet de la Seine-Maritime, notamment l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 août 2019, pour estimer qu'elle pourrait bénéficier d'un traitement approprié en République du Congo et qu'un refus de titre de séjour ne porte pas au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour du préfet de la Seine-Maritime, qui n'est pas tenu de faire état de tous les éléments relatifs à la situation personnelle de Mme B..., doit, par suite, être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment des termes mêmes de l'arrêté contesté, que le préfet de la Seine-Maritime aurait omis d'examiner les éléments propres à la situation particulière de Mme B... avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour.

4. En troisième lieu, la seule circonstance que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas communiqué à Mme B..., lors de la procédure suivie devant le tribunal administratif, les documents relatifs à la disponibilité dans le pays d'origine de l'intéressée des soins qui lui seraient nécessaires, et notamment la fiche relative à la République du Congo contenue dans la bibliothèque d'information santé dans les pays d'origine qui aurait été utilisée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour émettre son avis, alors d'ailleurs que le préfet n'était pas tenu par une telle obligation dans le cadre de l'instance, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'édiction de la décision portant refus de titre de séjour, ni à priver l'intéressée de la garantie d'une procédure contradictoire, dès lors qu'ayant demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle a été mise à même de présenter ses observations antérieurement à l'édiction de l'arrêté contesté. Ce moyen doit donc être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur leur fondement, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qu'elles mentionnent, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays d'origine de l'étranger. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

7. En l'espèce, Mme B... se borne à faire état de pièces médicales attestant de ce que le défaut de prise en charge des pathologies cardiaque et thyroïdienne dont elle souffre devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce que le préfet de la Seine-Maritime a pourtant admis aux termes de l'arrêté contesté. En revanche, Mme B... ne produit aucune pièce permettant de remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de la Seine-Maritime, sur la base notamment de l'avis du collège de médecins du 30 août 2019, sur la possibilité pour elle de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il s'ensuit que le préfet de la Seine-Maritime, en refusant de délivrer à celle-ci le titre de séjour sollicité, n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

9. Si Mme B... fait valoir qu'elle est entrée en France en 2016, que ses frères et sœurs, dont trois ont la nationalité française, y vivent régulièrement, qu'elle s'occupe de sa nièce et qu'elle justifie d'une réelle intégration professionnelle, ces éléments ne sauraient suffire à considérer qu'elle a transféré le centre de ses intérêts personnels et familiaux en France alors qu'elle a vécu en République du Congo jusqu'à l'âge de cinquante-deux ans au moins et qu'elle est célibataire et sans enfant sur le territoire français. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, ainsi que ceux tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de l'intéressée.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. "

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la décision de refus de renouvellement du titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, en application des dispositions précitées, l'obligation de quitter le territoire français dont elle est assortie n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.

12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime a statué sur la demande de Mme B... au regard de l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure tenant à l'absence de saisine du collège de médecins, doit être écarté.

13. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 à 7, la décision faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

14. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relève que Mme B... n'établit pas qu'elle serait exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, alors même qu'elle ne vise pas l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée, qui manque en fait, doit être écarté.

15. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 13 que Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision attaquée.

16. En dernier lieu, Mme B... n'établit pas qu'elle serait exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en république du Congo alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 qu'il est établi qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Cécile Madeline.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

2

N°21DA00620


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00620
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-11-09;21da00620 ?
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