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09/11/2021 | FRANCE | N°21DA00254

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 09 novembre 2021, 21DA00254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2020 par lequel la préfète de l'Oise a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la décision

intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, d'e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2020 par lequel la préfète de l'Oise a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2003256 du 6 janvier 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2021, M. B..., représenté par Me Sylvain Saligari, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2020 de la préfète de l'Oise ;

3°) à titre principal, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 23 décembre 1987, déclare être entré sur le territoire français en 2013. Le 24 septembre 2019, il a présenté une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 septembre 2020, la préfète de l'Oise a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an. Par un jugement du 6 janvier 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait sur lesquelles la préfète de l'Oise s'est fondée pour rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M. B.... En particulier, cet arrêté, pris sur le fondement du pouvoir de régularisation de la préfète, mentionne l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail et énonce les éléments relatifs à la situation professionnelle et à la vie privée et familiale de M. B... sur lesquels la préfète s'est fondée pour refuser de l'admettre exceptionnellement au séjour. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour de la préfète de l'Oise, qui n'est pas tenue de faire état de toutes les pièces produites par l'intéressé pour justifier de sa situation professionnelle et de tous les éléments relatifs à sa situation personnelle, doit, par suite, être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment des termes mêmes de l'arrêté contesté, que la préfète de l'Oise aurait omis d'examiner les éléments propres à la situation particulière de M. B... avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour.

4. En troisième lieu, dès lors que les stipulations de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ainsi que celles du protocole signé à Tunis le 28 avril 2008 régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants tunisiens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, M. B... ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté comme étant inopérant.

5. En quatrième lieu, il résulte des motifs de la décision attaquée que la préfète de l'Oise a pris en compte le dépôt par le requérant d'une demande d'autorisation de travail sur un poste de manœuvre sans qu'elle fût tenu de mentionner l'ancienneté de l'intéressé sur ce poste. En outre, si la préfète de l'Oise mentionne que l'intéressé est célibataire et sans enfant, sans faire référence à la vie maritale de M. B... avec une ressortissante française, ce dont il n'avait d'ailleurs pas fait état devant les services préfectoraux, compte tenu du caractère récent de cette relation, la préfète de l'Oise aurait en tout état de cause pris la même décision. Il s'ensuit que la préfète de l'Oise n'a commis aucune erreur de fait ayant une incidence sur la légalité du refus de séjour.

6. En cinquième lieu, si M. B... se prévaut d'une résidence habituelle sur le territoire français depuis sept années et de son insertion professionnelle par la justification d'un emploi continu depuis mars 2018 comme ouvrier qualifié dans une entreprise du bâtiment, d'une relation maritale avec une ressortissante française depuis deux années et de la présence sur le territoire français de cousins, il a fait l'objet de deux mesures d'éloignement le 17 décembre 2015 et le 19 avril 2018 auxquelles il n'a pas déféré et sa relation amoureuse avec une ressortissante française reste très récente. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porterait une atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour pour demander l'annulation de la décision d'éloignement.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :

8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que le moyen tiré de ce que la décision interdisant à M. B... de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus d'admission exceptionnelle au séjour doit être écarté.

10. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes des dispositions précitées au point 8 que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

11. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

12. La décision contestée vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que M. B... a fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français auxquelles il n'a pas déféré, qu'il est célibataire, sans enfant à charge et rappelle qu'il déclare être entré sur le territoire français en 2013. N'ayant pas pris en compte ce critère, la préfète de l'Oise n'avait pas à évoquer l'absence de menace à l'ordre public que présentait M. B.... Dès lors, cette décision est suffisamment motivée au regard des principes rappelés aux points précédents. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté.

13. En troisième lieu, compte tenu de la situation de M. B... telle que précédemment décrite, la préfète de l'Oise n'a ni méconnu les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée à la préfète de l'Oise.

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N°21DA00254


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00254
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SALIGARI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-11-09;21da00254 ?
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