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05/10/2021 | FRANCE | N°21DA00658

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 05 octobre 2021, 21DA00658


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés en date du 17 décembre 2020 par lesquels la préfète de la Somme a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par deux jugements n° 2100114 et n° 2100115 du 11 mars 2021, le tribunal administrat

if d'Amiens a annulé les décisions de la préfète de la Somme du 17 décembre 2020 portant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés en date du 17 décembre 2020 par lesquels la préfète de la Somme a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par deux jugements n° 2100114 et n° 2100115 du 11 mars 2021, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les décisions de la préfète de la Somme du 17 décembre 2020 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le A... comme pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et il a rejeté le surplus des demandes de M. et Mme E....

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 21DA00658 le 25 mars 2021 et un mémoire en réplique enregistré le 12 mai 2021, la préfète de la Somme demande à la cour d'annuler le jugement n° 2100115 du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé les décisions du 17 novembre 2020 prises à l'encontre de M. E... et de rejeter la demande présentée par ce dernier devant le tribunal.

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II. Par une requête, enregistrée sous le n° 21DA00659 le 25 mars 2021 et un mémoire en réplique enregistré le 12 mai 2021, la préfète de la Somme demande à la cour, par les mêmes moyens que ceux invoqués sous le n° 21DA00658, d'annuler le jugement n° 2100114 du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé les décisions du 17 novembre 2020 prises à l'encontre de Mme E... et de rejeter sa demande de première instance.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E..., ressortissants kosovars nés respectivement le 9 octobre 1966 et le 1er mars 1976, déclarent être entrés en France le 12 octobre 2015 accompagnés de leurs deux enfants mineurs, nés les 21 novembre 2012 et 13 mai 2015. Ils ont sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié qui leur a été refusée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 février 2016 puis de la Cour nationale du droit d'asile du 29 novembre 2016. M. et Mme E... ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement par le préfet de la Somme le 9 mars 2017, confirmée par le tribunal administratif d'Amiens le 15 juin 2017 et par un arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 27 mars 2018. Le réexamen de leur demande d'asile a par ailleurs été rejeté par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 6 avril 2017, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 24 juillet 2017. Le 5 novembre 2020, ils ont sollicité leur admission exceptionnelle au séjour en se prévalant de leur qualité de parents d'enfants scolarisés. Par deux arrêtés du 17 décembre 2020, la préfète de la Somme a refusé de leur délivrer un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. La préfète de la Somme relève appel, par deux requêtes enregistrées sous le n° 21DA00658 et n° 21DA00659, des jugements du 11 mars 2021 par lesquels le tribunal administratif d'Amiens a annulé les décisions portant pour les intéressés obligation de quitter le territoire français à destination de leur pays d'origine et interdiction de retour.

2. Les requêtes n° 21DA00658 et n° 21DA00659, présentées par la préfète de la Somme, sont relatives à la situation d'un couple et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. Pour annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français prises à l'encontre de M. et Mme E..., le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur la méconnaissance de l'intérêt supérieur de leur fils, F... E..., atteint d'un trouble spécifique du langage pour lequel il suit depuis 2018 une thérapie pluridisciplinaire en France. Toutefois, les intéressés n'avaient produit qu'une attestation du 6 janvier 2021, postérieure à l'arrêté contesté, émanant d'une orthophoniste. Si cette pièce confirme la pathologie dont souffre l'enfant ainsi que son suivi régulier par cette professionnelle, elle ne peut à elle seule justifier qu'un traitement serait indispensable et ne pourrait lui être délivré qu'en France, alors que le défaut de suivi de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ne ressort pas des pièces des dossiers, ni davantage l'impossibilité de bénéficier d'un tel suivi dans le pays d'origine. En outre, la préfète soutient sans être contredite que M. et Mme E... ne l'avaient pas informée de la situation médicale de leur enfant alors qu'ils ont eu la possibilité de présenter des observations. Par ailleurs, les intimés sont entrés récemment en France et ne font état d'aucune circonstance qui ferait obstacle à ce que leur cellule familiale se reconstitue avec leurs enfants au A... dont ils ont tous la nationalité. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant pour annuler les décisions en litige.

5. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Somme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé ses décisions du 17 décembre 2020 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le A... comme pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble des litiges par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme E... devant le tribunal administratif d'Amiens et en appel.

Sur les autres moyens invoqués par M. et Mme E... :

7. M. et Mme E... ne peuvent utilement se prévaloir à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et des décisions subséquentes, d'un défaut d'examen par la préfète de leur situation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Si M. et Mme E... soutiennent qu'il est indispensable pour eux de rester en France dans l'intérêt de leurs deux enfants dont l'aîné F... est atteint d'un trouble spécifique du langage, ils se bornent à fournir un seul et unique avis d'une orthophoniste qui ne donne aucune indication sur l'impossibilité de poursuivre le suivi nécessaire au A..., ainsi qu'un avis du défenseur des droits concernant l'absence de prise en charge d'un handicap psychique différent du trouble du langage que présente leur enfant.

9. De plus, à l'exception de leur participation à des sessions d'apprentissage de la langue française, M. et Mme E... n'apportent pas d'autres éléments concernant leur insertion sociale et n'allèguent pas disposer d'attaches privées et familiales, ni avoir noué des liens d'une particulière intensité sur le territoire français. Ils n'établissent pas davantage être isolés en cas de retour dans leur pays d'origine, où Mme E... a vécu jusqu'à l'âge de trente-neuf ans et M. E... jusqu'à l'âge de quarante-neuf ans.

10. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 4, il ne ressort pas des pièces des dossiers que, compte tenu de leur jeune âge, les enfants de M. et Mme E..., nés le 21 novembre 2012 et le 13 mai 2015, ne pourraient suivre leurs parents hors du territoire français, alors même que l'aîné était scolarisé en classe de CE2 et suivi par une orthophoniste à la date des décisions contestées.

11. Il résulte de ce qui vient d'être dit que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour en France de M. et Mme E..., les décisions portant obligation de quitter le territoire français prises à leur encontre ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il suit de là que M. et Mme E... ne sont pas fondés à demander l'annulation de ces décisions et, par voie de conséquence, des décisions fixant le pays de renvoi et prononçant interdiction de retour sur le territoire français.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Somme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les décisions du 17 décembre 2020 prises à l'encontre de M. et Mme E... portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le A... comme pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme E... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugements n° 2100114 et n° 2100115 du 11 mars 2021 du tribunal administratif d'Amiens sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme E... devant le tribunal administratif d'Amiens et devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... E..., Mme D... C... épouse E... et à Me Emmanuelle Pereira.

Copie sera adressée à la préfète de la Somme.

N°21DA00658, 21DA00659 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00658
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SCP CARON-AMOUEL-PEREIRA;SCP CARON-AMOUEL-PEREIRA;SCP CARON-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-05;21da00658 ?
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