La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2021 | FRANCE | N°20DA01238

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 05 octobre 2021, 20DA01238


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 25 mai 2018 par lequel la préfète de la région Normandie lui a refusé le bénéfice du régime de déclaration préalable pour l'exploitation d'une superficie de 12 ha 76 a 22 ca de terres situées sur la commune de La Roquette dans le département de l'Eure dans le cadre d'une reprise de biens familiaux.

Par un jugement n° 1802840 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Pr

océdure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 août 2020 et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 25 mai 2018 par lequel la préfète de la région Normandie lui a refusé le bénéfice du régime de déclaration préalable pour l'exploitation d'une superficie de 12 ha 76 a 22 ca de terres situées sur la commune de La Roquette dans le département de l'Eure dans le cadre d'une reprise de biens familiaux.

Par un jugement n° 1802840 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 août 2020 et 17 septembre 2021, M. F..., représenté par Me Nelly Leroux-Bostyn, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 25 mai 2018 de la préfète de la région Normandie ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;

- le décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... F..., associé exploitant de la SCEA de Cailly la Boulaye, de la SCEA F... P et MN et de l'EARL des Bucquets, élevage porcin, a effectué, le 27 octobre 2017, une déclaration de reprise de biens familiaux portant sur une superficie de 12 ha 76 a 22 ca de terres dans le département de l'Eure mises jusque-là en valeur par l'EARL de Roncherolles. Par une lettre du 22 novembre 2017, le service instructeur de la direction départementale des territoires et de la mer du département de l'Eure a informé M. F... que sa demande d'agrandissement relevait du régime de l'autorisation préalable et qu'il devait donc déposer une demande d'autorisation d'exploiter pour les 12 ha 76 a 22 ca de terres. Puis, par un courrier du 14 février 2018 adressé au mandataire de l'intéressé, le service instructeur a informé cet avocat que l'opération envisagée était soumise au régime de la déclaration préalable, en précisant cependant que la demande serait instruite et ferait l'objet d'une notification à son bénéficiaire. Enfin, par une décision du 25 mai 2018, la préfète de la région Normandie a refusé à M. F... le bénéfice du régime dérogatoire de la déclaration préalable. M. F... relève appel du jugement du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

2. En premier lieu, par un arrêté n° 176059 du 10 mai 2017 publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° R 28-2017-79 du 11 mai 2017, la préfète de la région Normandie a donné délégation à Mme D... G..., directrice régionale de l'agriculture et de la forêt, à l'effet de signer les actes et décisions relevant de la compétence de cette direction. Mme G... a pu légalement, conformément aux dispositions de l'article 38 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 dans sa rédaction issue du décret n° 2010-687 du 24 juin 2010, accorder, par un arrêté du 11 mai 2017 publié au recueil des actes administratifs spécial n° R 28-2017-80 du 15 mai 2017, à M. H... et à M. A..., directeurs régionaux adjoints de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de la région Normandie, une subdélégation à l'effet de signer les actes relevant de leurs attributions et compétences et, en cas d'empêchement de ces derniers, autoriser M. E... B..., chef du service régional des entreprises agricoles, à signer les décisions et les actes mentionnés aux points 1.2, 2 et 3 de l'annexe, comprenant les décisions individuelles dans le domaine du contrôle des structures. Il suit de là que M. B... était compétent pour signer, au nom de la préfète de la région Normandie, la décision attaquée du 25 mai 2018 refusant à M. F... le bénéfice du régime dérogatoire de la déclaration préalable d'exploiter. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 331-4-1 du code rural et de la pêche maritime : " Toute personne envisageant une opération susceptible d'entraîner la modification de la structure d'une exploitation agricole peut demander, préalablement à cette opération, à l'autorité administrative compétente de lui indiquer si l'opération projetée relève de l'un des régimes, d'autorisation ou de déclaration préalable, prévus, respectivement, au I et au II de l'article L. 331-2, ou bien si elle peut être mise en œuvre librement. / L'autorité administrative prend formellement position sur cette demande dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. / La réponse de l'administration est simultanément notifiée au demandeur et, le cas échéant, au preneur en place. Elle est, en outre, rendue publique lorsqu'elle écarte la procédure de l'autorisation. " L'article L. 331-4-2 de ce code dispose : " Lorsque l'autorité administrative a pris formellement position sur le régime applicable, elle ne peut plus adopter, à l'avenir, une position différente sur ce point. / Cette garantie fait obstacle à ce que l'autorité administrative prononce les sanctions administratives prévues à l'article L. 331-7. / Elle cesse de produire ses effets en cas de changement de la réglementation au vu de laquelle la question soumise par le demandeur a été appréciée, si la situation du demandeur ne correspond plus aux informations fournies ou s'il est démontré que la position ainsi prise par l'administration reposait sur des informations erronées transmises par le demandeur. "

4. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas des termes de la déclaration de reprise des biens familiaux que celui-ci aurait demandé à l'administration, en application des dispositions précitées de l'article L. 331-4-1 du code rural et de la pêche maritime, de prendre formellement position en lui indiquant si l'opération projetée relevait du régime d'autorisation ou de déclaration préalable. Par suite, M. F... ne peut utilement soutenir que l'autorité administrative aurait pris formellement position sur le régime applicable au sens de l'article L. 331-4-2 du code précité. En outre, la lettre du service instructeur de la direction départementale des territoires et de la mer du département de l'Eure du 14 février 2018 susvisée, qui se borne à informer le mandataire de M. F... de l'état de l'instruction du dossier en précisant que la demande de l'intéressé ferait prochainement l'objet d'une notification tout en donnant une information erronée quant au régime applicable, n'émane pas de l'autorité régionale, seule compétente pour statuer sur la demande de M. F.... Ce courrier ne peut donc être analysé comme une décision créatrice de droits qui serait opposable à l'administration, alors que la seule décision prise par la préfète de la région Normandie sur la demande de M. F... est celle du 25 mai 2018. Il suit de là qu'en l'absence de toute décision prise antérieurement, le moyen selon lequel M. B..., par la décision attaquée du 25 mai 2018 prise par délégation de la préfète de la région Normandie, n'était pas compétent pour retirer la " décision " du 14 février 2018 est inopérant.

5. En troisième lieu, M. F... réitère ses moyens tirés de ce que la " décision " du 14 février 2018 ne pouvait faire l'objet d'une abrogation, que celle-ci est tardive et que la décision contestée méconnaît le principe du contradictoire. Toutefois, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 8 du jugement attaqué, de les écarter.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime : " I.- Le préfet de région dispose d'un délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier complet mentionnée dans l'accusé de réception pour statuer sur la demande d'autorisation. / Il peut, par décision motivée, fixer ce délai à six mois à compter de cette date, notamment en cas de candidatures multiples soumises à l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture ou de consultation du préfet d'une autre région. Il en avise alors les intéressés dans les meilleurs délais par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé. (...) III. - Le préfet de région notifie sa décision aux demandeurs, aux propriétaires et aux preneurs en place par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé. Cette décision fait l'objet d'un affichage à la mairie de la commune sur le territoire de laquelle sont situés les biens. Elle est publiée au recueil des actes administratifs. /A défaut de notification d'une décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier ou, en cas de prorogation de ce délai, dans les six mois à compter de cette date, l'autorisation est réputée accordée. En cas d'autorisation tacite, une copie de l'accusé de réception mentionné à l'article R. 331-4 est affichée et publiée dans les mêmes conditions que l'autorisation expresse. "

7. En l'espèce et comme il a été dit au point 1, M. F... a été informé dès le 22 novembre 2017 par le service instructeur de la direction départementale des territoires et de la mer du département de l'Eure que l'opération envisagée relevait du régime de l'autorisation et non de celui de la déclaration et qu'il lui appartenait de déposer une demande d'autorisation d'exploiter les 12 ha 76 a 22 ca de terres. Par suite, en l'absence de toute demande d'autorisation d'exploiter déposée par M. F..., celui-ci n'est pas fondé à soutenir qu'il disposait d'une autorisation tacite d'exploiter en réponse à sa déclaration du 27 octobre 2017.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 331-1-1 du code rural et de la pêche maritime : " Pour l'application du présent chapitre : 1° Est qualifié d'exploitation agricole l'ensemble des unités de production mises en valeur, directement ou indirectement, par la même personne, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique, dont les activités sont mentionnées à l'article L. 311-1 ; (...) ; 3° Pour déterminer la superficie totale mise en valeur, il est tenu compte de l'ensemble des superficies exploitées par le demandeur, sous quelque forme que ce soit et toutes productions confondues, en appliquant les équivalences fixées par le schéma directeur régional des exploitations agricoles pour les différents types de production. (...) ". Aux termes de l'article R. 331-1 du même code : " Pour l'application des dispositions du 1° de l'article L. 331-1-1, une personne associée d'une société à objet agricole est regardée comme mettant en valeur les unités de production de cette société si elle participe aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de ces unités de production ". Aux termes de l'article 5-3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Normandie : " seront considérés comme excessifs au sens de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime les agrandissements et concentrations d'exploitation conduisant après reprise à une surface par actif exploitant supérieure à 150 ha ou à une surface d'exploitation supérieure à 300 ha ".

9. La préfète de la région Normandie a constaté que M. F... était associé exploitant au sein de la SCEA de Cailly La Boulaye, comprenant trois associés et exploitant une surface de 310 ha 94 a, soit 103,64 ha par associé, après avoir, contrairement à ce qui est soutenu, déduit la perte de 57 ha par la société. Elle a également tenu compte de ce que M. F... était aussi associé exploitant au sein de la SCEA F... P et MN, composée de deux associés, exploitant une superficie de 439 ha 48 a, soit 219 ha 74 a par associé et au sein de l'EARL des Bucquets, élevage porcin, sans surface. La circonstance que la préfète n'aurait pas pris en compte le nombre de salariés de chaque structure est sans incidence sur l'appréciation de la superficie exploitée par M. F... dès lors que ces salariés ne peuvent être regardés comme des associés-exploitants au sens de l'article R. 331-1 précité du code rural et de la pêche maritime. Par suite, la préfète de la région Normandie n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait en retenant, avant la reprise des terres en litige, une superficie totale de 323 ha 38 a, excédant le seuil de 300 hectares fixé à l'article 5-3 précité du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Normandie.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de pêche maritime : " I.- Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : (...). / II. Les opérations soumises à autorisation en application du I sont, par dérogation à ce même I, soumises à déclaration préalable lorsque le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus et que les conditions suivantes sont remplies : / 1° Le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées au a du 3° du I ; / 2° Les biens sont libres de location ; / 3° Les biens sont détenus par un parent ou allié, au sens du premier alinéa du présent II, depuis neuf ans au moins ; / 4° Les biens sont destinés à l'installation d'un nouvel agriculteur ou à la consolidation de l'exploitation du déclarant, dès lors que la surface totale de celle-ci après consolidation n'excède pas le seuil de surface fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en application du II de l'article L. 312-1. (...). " Aux termes de l'article L. 312-1 du même code : " (...) / II. Le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe, compte tenu des orientations mentionnées au I du présent article, le seuil de surface au-delà duquel l'autorisation d'exploiter est requise en application de l'article L. 331-2. Ce seuil est compris entre le tiers et une fois la surface agricole utile régionale moyenne, établie dans des conditions fixées par le décret mentionné au V du présent article. (...) ".

11. Le schéma régional des exploitations agricoles de la région Normandie étant entré en vigueur le 2 avril 2016, la préfète de la région Normandie devait examiner la demande de reprise de biens familiaux de M. F... du 27 octobre 2017 au regard des dispositions du code rural et de la pêche maritime dans leur version issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 et non à la date d'effet du congé délivré le 9 septembre 2015. Par suite, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la condition fixée au 4° de l'article L. 331-2 précité du code rural et de la pêche maritime ne lui était pas applicable. En outre, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la préfète de la région Normandie ne s'est pas fondée sur un motif erroné et n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en retenant, avant la reprise des terres en litige, que M. F... exploitait une superficie totale de 323 ha 38 a, excédant le seuil de 300 hectares fixé à l'article 5-3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Normandie, pour refuser à l'intéressé le bénéfice du régime dérogatoire de la déclaration préalable.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie sera adressée au préfet de la région Normandie.

2

N°20DA01238


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01238
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03 Agriculture et forêts. - Exploitations agricoles. - Cumuls et contrôle des structures.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : LEROUX-BOSTYN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-05;20da01238 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award