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30/09/2021 | FRANCE | N°21DA01016

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 30 septembre 2021, 21DA01016


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 31 mars 2021 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisat

ion provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la date de notifica...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 31 mars 2021 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2101170 du 8 avril 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2021, M. A..., représenté par Me Cocquerez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 mars 2021 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christian Heu, président-rapporteur,

- et les observations de Me Cocquerez, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant congolais (République du Congo) née 13 mars 1980 à Abala (République du Congo), est entré en France le 11 octobre 2005, selon ses déclarations, sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa étudiant. Il s'est vu délivrer des titres de séjour d'une durée d'un an du 28 décembre 2005 au 17 juin 2019. Il a été condamné, le 12 février 2019, par la cour d'assises de l'Essonne à une peine de cinq ans d'emprisonnement, dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans, pour des faits de viol incestueux et d'atteintes sexuelles incestueuses, commis sur mineur de quinze ans par personne ayant autorité, entre l'année 2010 et l'année 2012, et sa date de libération prévisionnelle a été fixée au 16 avril 2021. Par un arrêté du 31 mars 2021, la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. A... soutient que la confusion opérée par la préfète de l'Oise entre la République du Congo et la République démocratique du Congo caractérise un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle. Toutefois, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que la préfète de l'Oise, pour faire obligation à M. A... de quitter le territoire français sans délai, a mentionné les éléments de fait permettant de caractériser la situation de l'intéressé au regard du droit au séjour et a cité, notamment, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales applicables à l'espèce. La circonstance que la préfète de l'Oise, qui a notamment relevé que l'intéressé était, à la date de l'arrêté contesté, incarcéré au centre pénitentiaire de Liancourt, suite à sa condamnation par arrêt de la cour d'assises de l'Essonne du 12 février 2019 à une peine d'emprisonnement pour viol incestueux et atteinte sexuelle incestueuse sur mineur par une personne ayant autorité sur la victime, a mentionné dans cet arrêté la République démocratique du Congo comme le pays dont M. A... a la nationalité, sans en tirer de conséquences au regard de la mesure d'éloignement, n'est pas de nature à établir que l'autorité préfectorale n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. A... ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. M. A... se prévaut de la présence de son fils sur le territoire français et soutient qu'il contribue à son éducation. Toutefois, il ne produit aucun élément de nature à établir qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant. En outre, M. A... ne fait valoir aucune autre attache, de nature privée ou familiale, sur le territoire français. Enfin, il n'établit, ni même allègue, qu'il serait isolé dans son pays d'origine et qu'il ne pourrait se réinsérer en République du Congo où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Par ailleurs, le requérant, en produisant deux contrats de travail à durée indéterminée dont l'un n'est pas signé par lui tandis que l'autre n'est pas daté, un extrait Kbis du registre du commerce et des sociétés le mentionnant comme étant le gérant d'une entreprise ayant pour raison sociale " Groupe de gestion du temps et des affaires " et pour objet le " conseil aux entreprises et aux particuliers ", ainsi que les statuts de cette société, ne fait état, ce faisant, d'aucune insertion professionnelle réelle sur le territoire français. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 4, M. A... n'établit pas qu'il participerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant, ni même d'ailleurs qu'il entretiendrait des relations suivies avec celui-ci. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de l'Oise, en lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, aurait méconnu les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

7. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. ".

8. D'une part, M. A..., en faisant valoir que la préfète de l'Oise a confondu la République du Congo, dont il est ressortissant, avec la République Démocratique du Congo, doit être regardé comme soutenant que la décision fixant le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement est entachée d'une erreur de fait. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que M. A..., né à Abala en République du Congo, a la nationalité de ce pays. Toutefois, l'arrêté attaqué désigne, y compris dans son dispositif, la République Démocratique du Congo comme étant le pays d'origine de l'intéressé, erreur qui figure d'ailleurs également dans les écritures du conseil de M. A... en première instance, et dispose, dans son article 3, que la mesure d'éloignement sera mise à exécution d'office à destination de la République démocratique du Congo, pays dont l'intéressé a la nationalité, ou de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible. En conséquence, l'arrêté contesté, en ce qu'il désigne la République démocratique du Congo comme étant le pays à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit, au motif qu'il est ressortissant de ce pays, en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement, est entaché d'une erreur de fait qui en affecte, sur ce point uniquement, la légalité. M. A... est donc fondé à demander l'annulation sur ce point de l'arrêté du 31 mars 2021 de la préfète de l'Oise.

9. D'autre part, M. A... soutient qu'il ne pourrait bénéficier, en cas de retour en République du Congo, de soins appropriés à son état de santé alors qu'il souffre d'un glaucome. Toutefois, il ne produit aucun élément de nature à établir que l'affection oculaire dont il est atteint pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni davantage qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine,

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 6 que M. A..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision par laquelle la préfète de l'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 8 avril 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision, contenue dans l'arrêté du 31 mars 2021 de la préfète de l'Oise, désignant la République démocratique du Congo comme étant le pays de renvoi de l'intéressé, en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement, et à demander, dans cette seule mesure, l'annulation de l'arrêté contesté. Par ailleurs, l'annulation sur ce point de l'arrêté contesté n'implique pas que la préfète de l'Oise procède au réexamen de la situation de M. A... et lui délivre, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La décision, contenue dans l'arrêté du 31 mars 2021 de la préfète de l'Oise, désignant la République démocratique du Congo comme étant le pays de renvoi de l'intéressé, en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M. A..., est annulée.

Article 2 : Le jugement du 8 avril 2021 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Cocquerez.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Oise.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01016
Date de la décision : 30/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christian Heu
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : COCQUEREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-09-30;21da01016 ?
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