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30/09/2021 | FRANCE | N°21DA00391

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 30 septembre 2021, 21DA00391


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler la décision du 2 août 2019 A... laquelle le préfet de Seine-Maritime a refusé sa demande de regroupement familial au profit de sa nièce, ensemble la décision du 8 novembre 2019 rejetant son recours gracieux contre cette décision, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime d'autoriser le regroupement familial au bénéfice de sa nièce dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à

intervenir, sous astreinte de 100 euros A... jour de retard.

A... un jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler la décision du 2 août 2019 A... laquelle le préfet de Seine-Maritime a refusé sa demande de regroupement familial au profit de sa nièce, ensemble la décision du 8 novembre 2019 rejetant son recours gracieux contre cette décision, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime d'autoriser le regroupement familial au bénéfice de sa nièce dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros A... jour de retard.

A... un jugement n° 2000071 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé ces deux décisions, d'autre part, enjoint au préfet territorialement compétent d'autoriser, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, le regroupement familial sollicité, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme E... H... la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

I. A... une requête, enregistrée le 18 février 2021 sous le n°21DA00391, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée A... Mme E... devant le tribunal administratif de Rouen.

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II. A... une requête, enregistrée le 18 février 2021 sous le n°21DA00392, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mathieu Sauveplane, président assesseur, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 21DA00391 et n° 21DA00392, introduites A... le préfet de la Seine-Maritime, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer A... un seul arrêt.

2. Mme D... E... épouse B... F..., ressortissante algérienne née le 24 août 1969 à Annaba (Algérie) et qui réside sur le territoire français sous couvert d'un certificat de résidence valable jusqu'au 11 mai 2029, a demandé au préfet de Seine-Maritime, le 15 octobre 2016, d'autoriser le regroupement familial au bénéfice de sa nièce, Mme C... G..., de nationalité algérienne, née le 19 février 1999, laquelle lui a été confiée A... un acte de kafala du 8 août 2016 du tribunal d'Annaba. A... une décision du 2 août 2019, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de regroupement familial. A... une décision du 8 novembre 2019, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté le recours gracieux de Mme E... tendant à l'annulation de cette décision. A... un jugement du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé ces deux décisions, d'autre part, enjoint au préfet territorialement compétent d'autoriser, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, le regroupement familial sollicité A... Mme E... au profit de sa nièce, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, condamné l'Etat à verser au conseil de la requérante une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Sur la demande d'annulation du jugement :

3. A... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a relevé, après avoir écarté la substitution de motif demandée A... le préfet de la Seine-Maritime et tirée de l'insuffisance de ressources de Mme E..., que l'acte de kafala du 8 août 2016 attribuait à Mme E... le droit de recueil légal de sa nièce mineure avec l'accord de ses parents, que la nièce de Mme E... avait été élevée dès sa naissance A... sa tante et sa grand-mère, pour en déduire qu'en l'absence de toute circonstance particulière susceptible d'y faire obstacle, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 devait être accueilli.

4. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial A... l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1. Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance. / 2. Le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. / Peut être exclu de regroupement familial : / 1. Un membre de la famille atteint d'une maladie inscrite au règlement sanitaire international ; / 2. Un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français. / Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées au titre II du protocole annexé au présent accord. Un regroupement familial partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. / (...) ". A... ailleurs, aux termes du premier alinéa du titre II du protocole annexé à cet accord : " Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne dans l'intérêt supérieur de l'enfant ".

5. Il résulte de ces stipulations que l'insuffisance des ressources peut justifier un refus de regroupement familial opposé à un ressortissant algérien si celles-ci sont inférieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance.

6. Il ressort des pièces du dossier que le montant mensuel des ressources du foyer de Mme E... était, sur la période de référence, de 1 413,57 euros brut mensuel, soit un montant inférieur au montant du SMIC sur la période de référence qui était de 1457,52 euros brut mensuel. Dès lors, le préfet de la Seine-Maritime, qui ne conteste pas que son motif initial était erroné en droit, est fondé à demander que le motif tiré de l'insuffisance des ressources du foyer soit substitué au motif initialement retenu, tiré de l'intérêt de la jeune C... à ne pas être séparée de sa famille biologique. En conséquence, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit à sa demande de substitution de motif et retenu, pour annuler les décisions en litige, le moyen tiré de l'erreur de droit.

7. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige A... l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués A... Mme E... tant en première instance qu'en appel.

8. En premier lieu, la décision du 2 août 2019 A... laquelle le préfet de la Seine-Maritime a rejeté la demande de regroupement familial présentée A... Mme E... mentionne les éléments de fait et de droit qui la fonde. Cette décision est donc suffisamment motivée. A... ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime, avant de rejeter la demande de regroupement familial présentée A... Mme E... en faveur de sa nièce, n'aurait pas fait un examen particulier de la situation de l'intéressée.

9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le préfet de la Seine-Maritime, en opposant le niveau de ressources insuffisant de la requérante, conformément aux stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, n'a pas entaché sa décision rejetant la demande de regroupement familial présentée A... Mme E... en faveur de sa nièce, d'une erreur de droit, ni davantage d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. En troisième lieu, le préfet de la Seine-Maritime, en refusant le regroupement familial pour le motif, substitué, tiré de l'insuffisance des conditions de ressources de Mme E..., n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée ou familiale. A... ailleurs, si Mme E... fait valoir que la décision du 2 août 2019 A... laquelle le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de regroupement familial est intervenue au-delà du délai de six mois qui serait, selon elle, prescrit en la matière, ou encore au terme d'un délai anormalement long, cette circonstance n'est, en tout état de cause, pas de nature à constituer une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale affectant la légalité de cette décision.

11. Enfin, compte tenu de l'âge de la jeune C... à la demande de regroupement familial, de la présence de sa grand-mère en Algérie et de l'insuffisance des ressources de la famille d'accueil, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant en méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, nonobstant, notamment, la présence de son frère en France au sein de la famille de Mme E....

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé ses décisions en date du 2 août et 8 novembre 2019, d'autre part, enjoint au préfet territorialement compétent d'autoriser, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, le regroupement familial sollicité, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme E... H... la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. A... voie de conséquence, la demande présentée A... Mme E... devant le tribunal administratif de Rouen doit être rejetée

Sur la demande de sursis à exécution du jugement :

13. Compte tenu de ce que le présent arrêt statue sur la requête du préfet de la Seine-Maritime tendant à l'annulation du jugement du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Rouen, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête du préfet tendant au sursis à exécution de ce même jugement.

Sur les frais du procès :

14. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions du conseil de Mme E... tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et, à titre subsidiaire, à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet de la Seine-Maritime tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 17 décembre 2020.

Article 2 : Le jugement n° 2000071 du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 3 : La demande présentée A... Mme E... devant le tribunal administratif de Rouen, ainsi que ses conclusions, présentées devant la cour, tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D... E... et à Me Verilhac.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

N°21DA00391, 21DA00392 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00391
Date de la décision : 30/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Séjour des étrangers - Textes applicables - Conventions internationales.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS;SELARL EDEN AVOCATS;SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-09-30;21da00391 ?
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