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20/07/2021 | FRANCE | N°20DA01046

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 20 juillet 2021, 20DA01046


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C..., M. G... C... et le GAEC de Framicourt ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2018 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a refusé d'accorder au GAEC du Moulin de Framicourt l'autorisation d'exploiter une parcelle d'une superficie de 2 ha 48 a 18 ca située sur le territoire de la commune de Ponchon dans le département de l'Oise.

Par un jugement n° 1900617 du 9 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.>
Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2020, M. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C..., M. G... C... et le GAEC de Framicourt ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2018 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a refusé d'accorder au GAEC du Moulin de Framicourt l'autorisation d'exploiter une parcelle d'une superficie de 2 ha 48 a 18 ca située sur le territoire de la commune de Ponchon dans le département de l'Oise.

Par un jugement n° 1900617 du 9 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2020, M. B... C..., M. G... C... et le GAEC de Framicourt, représentés par Me K... I..., puis par Me H... J..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2018 du préfet de la région Hauts-de-France ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;

- le décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... D..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le GAEC du Moulin de Framicourt a demandé l'autorisation d'exploiter une superficie de 2 ha 48 a 18 ca de terres situées sur le territoire de la commune de Ponchon dans le département de l'Oise, qui a été enregistrée comme complète le 6 juillet 2018. M. A... F... a également demandé le 28 septembre 2018 une autorisation d'exploiter les mêmes terres. Par un arrêté du 24 décembre 2018, le préfet de la région Hauts-de-France a refusé d'accorder au GAEC du Moulin de Framicourt cette autorisation d'exploiter. MM. Joseph et Etienne C... et le GAEC du Moulin de Framicourt relèvent appel du jugement du 9 juin 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes du IX de l'article 93 de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " - Les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles mentionnés à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la présente loi, sont arrêtés dans un délai d'un an à compter de sa publication. / Jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles, le contrôle des structures s'applique selon les modalités, les seuils et les critères définis par le schéma directeur des structures agricoles de chaque département (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 22 juin 2015 relatif au schéma directeur régional des exploitations agricoles et au contrôle des structures des exploitations agricoles : " I. - Les articles 2 et 3 du présent décret entrent en vigueur à la même date que le schéma directeur régional des exploitations agricoles. II. - Les demandes et déclarations déposées en application des I ou II de l'article L. 331-2 dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014 susvisée avant la date mentionnée au I, ainsi que, le cas échéant, les dossiers concurrents relevant des mêmes dispositions, déposés après cette date, demeurent soumis aux dispositions des articles R. 331-1 à R. 331-12 dans leur rédaction antérieure au présent décret. "

3. Le schéma directeur des exploitations agricoles de la région Picardie étant entré en vigueur le 30 juin 2016 et la demande d'autorisation d'exploiter ayant été formulée par le GAEC du Moulin de Framicourt et jugée complète le 6 juillet 2018, soit après cette date, la décision attaquée doit être examinée au regard des dispositions du code rural et de la pêche maritime dans leur version en vigueur après la publication de la loi du 13 octobre 2014. Il en est de même de la demande concurrente de M. F... formulée le 28 septembre 2018.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime : " (...) Le service chargé de l'instruction fait procéder à la publicité de la demande d'autorisation d'exploiter dans les conditions prévues à l'article D. 331-4-1. Cette publicité porte sur la localisation des biens et leur superficie, ainsi que sur l'identité des propriétaires ou de leurs mandataires et du demandeur (...) ". Aux termes de l'article D. 331-4-1 du même code : " La publicité prévue à l'article R. 331-4 précise la date de l'enregistrement de la demande et indique la date limite de dépôt des dossiers de demande d'autorisation. / Les demandes d'autorisation d'exploiter sont affichées pendant un mois à la mairie des communes où sont situés les biens qui font l'objet de la demande et publiées sur le site de la préfecture chargée de l'instruction (...) ".

5. En l'espèce, le préfet de la région Hauts-de-France a justifié que la publicité de la demande déposée par le GAEC du Moulin de Framicourt a été effectuée sur le site internet de la préfecture de l'Oise du 30 juillet au 30 septembre 2018 et qu'elle mentionnait la localisation et la superficie de la parcelle de terre pour laquelle le GAEC a demandé une autorisation d'exploiter, l'identité du propriétaire de cette parcelle et celle du demandeur. Cette publicité mentionnait également la date d'enregistrement de la demande ainsi que la date limite de dépôt des dossiers de demande d'autorisation. En outre, le ministre de l'agriculture justifie que cette demande, qui a fait l'objet d'une demande concurrente, a fait l'objet d'un affichage à la mairie de Ponchon le 6 août 2018, ainsi que cela ressort de l'attestation produite. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime : " I.- Le préfet de région dispose d'un délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier complet mentionnée dans l'accusé de réception pour statuer sur la demande d'autorisation. Il peut, par décision motivée, fixer ce délai à six mois à compter de cette date, notamment en cas de candidatures multiples soumises à l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture ou de consultation du préfet d'une autre région. Il en avise alors les intéressés dans les meilleurs délais par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé (...) ".

7. Les requérants soutiennent que le motif de la décision du préfet de la région Hauts-de-France du 9 octobre 2018 de prolongation de l'instruction n'était pas fondé. Ce moyen est toutefois sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué dès lors que la décision de prolongation de l'instruction ne constitue qu'une mesure préparatoire insusceptible de recours dont l'irrégularité ne peut être invoquée à l'encontre de la décision finale qu'en cas de changement de circonstances de droit et de fait constatée pendant la prolongation de l'instruction, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, M. F... ayant déposé une demande concurrente dès le 28 septembre 2018.

8. En quatrième lieu, les requérants réitèrent de manière identique leur moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige. Cependant, ils n'apportent pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ce moyen. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de l'écarter.

9. En cinquième lieu, les requérants soutiennent qu'ils ont parallèlement perdu d'autres parcelles d'une superficie de 2 ha 71 a 48 ca à la suite de la résiliation du bail par la commune de Ponchon, qui a vendu ces terres à la SAS Flint immobilier et que l'autorisation d'exploiter demandée n'est ainsi pas un agrandissement. Toutefois, les intéressés exploitaient à la date du 6 juillet 2018, date du dépôt de leur demande, une superficie de 316 ha et la reprise de terres envisagée d'une superficie de 2 ha 48 a 18 ca présentait ainsi le caractère d'un agrandissement. La circonstance qu'ils auraient perdu, le 21 décembre 2018, une superficie de 2 ha 71 a 48 ca n'est pas de nature à remettre en cause le caractère d'agrandissement de l'opération envisagée. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la circonstance que le préfet a estimé que la demande émanant de M. F..., candidat à la reprise, n'était pas soumise à autorisation n'est pas de nature à faire obstacle à ce que celle-ci soit considérée comme une demande concurrente.

10. En sixième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 331-2-1 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.- Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : (...) 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole : (...) c) Lorsque l'exploitant est un exploitant pluriactif, remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle, dont les revenus extra-agricoles excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance, à l'exception des exploitants engagés dans un dispositif d'installation progressive, au sens de l'article L. 330-2 (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 29 juin 2016 portant schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie : " Fixation des seuils de contrôle : / 1° Seuils de surface : Le seuil retenu correspond à 94% de la SAU moyenne régionale toutes productions confondues. Il est de 90 ha après opération (...) ".

11. Si M. F... est agriculteur pluriactif et que sa société a réalisé un résultat d'exploitation d'un montant de 55 827 euros, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté dès lors que la demande de M. F..., qu'elle soit soumise ou non à autorisation, constitue une demande concurrente pour l'exploitation des terres en litige que l'administration devait prendre en compte pour statuer sur la demande du GAEC du Moulin de Framicourt. Par suite, le moyen soulevé par les requérants doit être écarté comme inopérant.

12. En septième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative (...) vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée. " Aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L.331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L.312-1 ; / 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place ; / 3° Si l'opération conduit à un agrandissement ou à une concentration d'exploitations au bénéfice d'une même personne excessifs au regard des critères définis au 3° de l'article L. 331-1 et précisés par le schéma directeur régional des structures agricoles en application de l'article L. 312-1, sauf dans le cas où il n'y a pas d'autre candidat à la reprise de l'exploitation ou du bien considéré, ni de preneur en place ; /4° Dans le cas d'une mise à disposition de terres à une société, lorsque celle-ci entraîne une réduction du nombre d'emplois salariés ou non salariés, permanents ou saisonniers, sur les exploitations concernées (...) ".

13. D'autre part, aux termes de l'article 3 du schéma directeur régional des structures agricoles en Picardie : " Ordre de Priorités - (...) 2° Installation ou confortement d'une exploitation pour atteindre ou maintenir le seuil de contrôle (inclus) après reprise le cas échéant. (...) 6° Agrandissement et maintien de la surface entre 1 à 1,5 fois (inclus) UTANS le seuil de contrôle après reprise, le cas échéant (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier que le GAEC du Moulin de Framicourt, composé de deux associés représentant chacun une unité de travail annuel non salariée (UTANS), exploite 316 ha et que la reprise envisagée porterait cette superficie à 318 ha 48 a 18 ca, soit 159 ha 24 a 9 ca par UTANS. Chaque unité disposerait ainsi d'une surface supérieure de 1,77 fois le seuil de contrôle après reprise fixé à 90 ha. Il suit de là que la demande du GAEC relève du rang de priorité n° 6 en application du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie. M. F..., candidat à la reprise concurrent, exploite une surface totale de 66 ha 87 a et la reprise envisagée aura pour effet de lui permettre de se rapprocher du seuil de contrôle. L'intéressé relève ainsi du rang de priorité n° 2 fixé par le même schéma. C'est donc légalement que le préfet, se fondant sur le motif de refus visé au 1° de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime, a considéré que la demande concurrente de M. F... relevait d'un rang de priorité supérieur à celui du GAEC du Moulin de Framicourt, sans qu'il soit tenu de motiver sa décision au regard de l'ensemble des critères fixés par les dispositions de ce code. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que MM. Joseph et Etienne C... et le GAEC du Moulin de Framicourt ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2018 leur refusant l'autorisation d'exploiter. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de MM. Joseph et Etienne C... et du GAEC du Moulin de Framicourt est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à M. G... C..., au GAEC du Moulin de Framicourt, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à M. A... F....

Copie sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.

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N°20DA01046


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01046
Date de la décision : 20/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03 Agriculture et forêts. - Exploitations agricoles. - Cumuls et contrôle des structures.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SCP DAGOIS-GERNEZ - MARDYLA - BULARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-07-20;20da01046 ?
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